Silhouette
Découverte littérature jeunesse 2012-2013
Toujours à Lune et l'autre, j'ai découvert, dans une quasi-exclusivité (pour tout dire, la librairie l'avait reçu la veille, et le libraire ne l'avait pas encore lu), le dernier Mourlevat.
Voici un texte différent de ses précédents ouvrages, sur le plan générique : cette fois-ci, Mourlevat a opté pour l'écriture brève en publiant un recueil de nouvelles, et a laissé de côté l'imaginaire et la science-fiction pour camper ses récits dans un cadre strictement réaliste.
Dix nouvelles sont proposées au lecteur, et, disons-le tout de suite, ce sont quasiment dix bijoux d'art littéraire.
J'ai été happée dès les deux premiers textes. Le premier raconte comment la vie d'une mère de famille a changé le jour où elle postula à un casting de figuration pour un film de son acteur préféré. Le second met en scène un jeune ado à qui ses parents ont enfin donné le droit de partir en vacances tout seul en colo, et non avec eux comme toutes les années précédentes, mais qui se rend compte, dans le car, qu'il n'a pas respecté entièrement les consignes laissées par ses parents en quittant la maison, et qu'il a enfermé le chat dans sa chambre...
Dans les deux cas, le récit m'a portée, et la fin m'a vraiment serré le coeur. L'art de la "nouvelle à chute", Mourlevat le maîtrise à la perfection.
Tous les autres récits ne m'ont peut-être pas procuré la même émotion, mais j'y ai quand même apprécié une écriture précise, efficace, qui ne cède pas au relâchement, à la familiarité, comme cela peut être le cas chez certains auteurs jeunesse. Certaines histoires sont plus farfelues que d'autres : on retrouve, plus ou moins, l'esprit de La vie extraordinaire des gens ordinaires, déjà plumé sur ce forum. Mais on retrouve surtout l'esprit de la nouvelle réaliste telle qu'elle existe depuis le XIXe siècle, et ce qu'affectionnait particulièrement Maupassant : croiser la vie d'un individu moyen avec une bizarrerie quelconque, et raconter cela du mieux possible, en faisant ressortir tout l'extraordinaire des résultats de ce croisement. Des faits divers mis en récit : c'est tout à fait ce à quoi se livre Mourlevat dans ce recueil.
(Donc, là, mon radar "oeuvres exploitables avec élèves" clignote avec ferveur : à proposer en lecture cursive dans une classe de quatrième, après l'étude de nouvelles de Maupassant, par exemple. Ou, si on étudie encore ce genre de textes malgré leur disparition du programme, pour définir ce qu'est une nouvelle à chute.)
Comme pour Terrienne, j'ai aimé, aussi, l'ancrage local, particulièrement fort dans la première nouvelle. Cela donne l'agréable sensation d'être chez soi et de s'y promener paisiblement... jusqu'à ce que la bizarrerie fasse intrusion.
Enfin, la dernière nouvelle exploite avec brio la mise en abyme et le thème de l'écriture. On y découvre un écrivain novice qui, en prenant le train pour donner à un éditeur le manuscrit de son premier recueil de nouvelles, se fait voler ledit manuscrit...
Aux amateurs de Mourlevat comme aux autres : n'hésitez-pas et attaquez très vite votre lecture !