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La petite Mu qui plume
27 février 2013

Pile à Lire

P1010964

Je suis allée à Lucioles l'autre jour, et j'y ai écoulé la grosse pile de points accumulés depuis des mois, peut-être même des années - et que ma mère garde bien précieusement à la maison. En fait, elle m'attend, et, à deux, on dévalise la boutique... 

Résultat : 70 euros d'économisés, et une pile à lire qui monte, qui monte, qui monte. 

Bof, en fait, pas tant, c'est juste que certains étaient gros, voire très gros. J'ai déjà englouti Vipère au poing et Les disparitions d'Annaëlle Faier. Me restent : 

- Tarja, un autre roman de Sciarini (voir ici et ici) ; 

- des Fabliaux du Moyen Âge, traduits et adaptés par Pierre-Marie Beaude, chez Folio Junior (lecture professionnelle, et pari avec moi-même : me faire aimer cette littérature qui, pour le moment, me laisse assez froide...) ; 

- Vive la République !, un Marie-Aude Murail de 2005 dont j'ignorais l'existence mais qui m'a tout de suite interpellée puisqu'il s'agit de l'histoire d'une toute jeune maîtresse d'école qui fait sa première rentrée. J'ai franchement hâte de voir ce que ce personnage peut donner sous la plume de mon nécrivaine préférée ! 

- et De grandes espérances, une parution de L'école des loisirs qui m'avait fait de l'oeil dans le catalogue : un roman de Dickens adapté par Marie-Aude Murail (je me gâte en ce moment), et superbement illustré par Philippe Dumas. J'espère replonger dans la magie Dickens que j'ai quittée depuis longtemps, et me donner ainsi envie de rouvrir d'autres volumes. 

Figure aussi sur la photo Le livre de la mère, qui n'est pas du tout un nouvel achat puisqu'il s'agit de mon exemplaire acheté en 2003 pour mon année de première. Ce livre a passé le bac avec moi ! C'est avec plaisir et nostalgie que je redécouvre les petits chiffres notés au crayon à papier pour numéroter les pages, me rappelant ainsi les extraits sur lesquels j'ai planchés durant l'année scolaire... 

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25 février 2013

Poil de Carotte

[Relecture]

C'est Vipère au poing qui m'a donné envie de relire (pour la troisième fois me semble-t-il) cet autre classique du XXe siècle français. J'y ai retrouvé le même plaisir qu'auparavant, avec certains passages qui s'écrivaient presque tout seuls dans ma tête, comme cela m'arrive parfois lorsque je me replonge dans des pages maintes fois parcourues. 

De Jules Renard, j'aime le style elliptique, fragmentaire, ou peu importe comme on le nomme, cette forme d'écriture brève qu'on retrouve également dans son Journal, que j'ai feuilleté, il y a quelques années, et dans lequel j'avais glané de nombreuses citations (l'une de mes préférées étant : "N'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d'intervenir". Regardez dans vos papillottes, à Noël prochain, vous l'y retrouverez peut-être !).

Ce style, il l'applique, dans Poil de Carotte, à l'histoire de ce jeune souffre-douleur - contrairement à Brasse-Bouillon dans le roman d'Hervé Bazin, Poil de Carotte est incompris de tous, et n'a pas l'instinct de révolte du héros de Vipère au poing - qui n'est autre que lui-même. Et c'est avec une ironie mordante, mais teintée d'une énorme tendresse, qui transpire dans toutes les pages, que Jules Renard tend au lecteur le portrait et les mésaventures de cet enfant naïf, sensible, mais parfois cruel à force de sensibilité : c'est ainsi qu'il fera renvoyer un surveillant de dortoir en mouchardant au directeur des embrassades prétendûment déplacées entre ce surveillant et un élève, tout simplement par jalousie de n'avoir pas été, lui, embrassé. Ce n'est qu'à la fin du roman que Poil de Carotte arrive à la même conclusion que Brasse-Bouillon avait en tête dès le début de l'histoire. Il l'énonce ainsi, avec toute cette simplicité qui le caractérise : "Mon cher papa, j'ai longtemps hésité mais il faut en finir. Je l'avoue : je n'aime plus maman." Et je me suis rendue compte que j'avais mis de côté dans ma mémoire cette évolution du personnage vers la maturité, et cette fin en demi-teinte. 

Ce que j'en avais gardé, en revanche, c'est l'humour. Certains chapitres sont tout simplement irrésistibles. J'ai gardé depuis toujours une préférence pour la correspondance entre Poil de Carotte et son père. Les deux dernières lettres du chapitre sont fort connues, mais je ne résiste pas - irrésistibles, je vous disais - au plaisir de les partager ici : 

« De M. Lepic à Poil de Carotte.
Mon cher Poil de Carotte,
Ta lettre de ce matin m’étonne fort. Je la relis vainement. Ce n’est plus ton style ordinaire et tu y parles de choses bizarres qui ne me semblent ni de ta compétence ni de la mienne.
D’habitude, tu nous racontes tes petites affaires, tu nous écris les places que tu obtiens, les qualités et les défauts que tu trouves à chaque professeur, les noms de tes nouveaux camarades, l’état de ton linge, si tu dors et si tu manges bien.
Voilà ce qui m’intéresse. Aujourd’hui, je ne comprends plus. À propos de quoi, s’il te plaît, cette sortie sur le printemps quand nous sommes en hiver ? Que veux-tu dire ? As-tu besoin d’un cache-nez ? Ta lettre n’est pas datée et on ne sait si tu l’adresses à moi ou au chien. La forme même de ton écriture me paraît modifiée, et la disposition des lignes, la quantité de majuscules me déconcertent. Bref, tu as l’air de te moquer de quelqu’un. Je suppose que c’est de toi, et je tiens à t’en faire non un crime, mais l’observation.

Réponse de Poil de Carotte.
Mon cher papa,
Un mot à la hâte pour t’expliquer ma dernière lettre. Tu ne t’es pas aperçu qu’elle était « en vers. »

Sans oublier ce conseil hautement avisé du père, en réponse à son fils qui lui demande de lui rapporter des livres lors de son voyage à Paris :  « Mon cher Poil de Carotte, Les écrivains dont tu me parles étaient des hommes comme toi et moi. Ce qu’ils ont fait, tu peux le faire. Écris des livres, tu les liras ensuite. »

Il fut bien inspiré ! 

 


 

25 février 2013

Vipère au poing

Un classique que je découvre et que je ne trouve pas si facile. Disons, par rapport à ce que je m'étais imaginée. Je n'en connaissais en fait que certains extraits, glanés çà et là dans certains manuels scolaires. Je les trouvais vifs, au style enlevé, de petites scènes de vie très réussies, notamment la suivante : 

    "Mme Rezeau se contint jusqu'au palier. Mais là... les pieds, les mains, les cris, tout partit à la fois. Le premier qui lui tomba sous la patte fut Cropette et, dans sa fureur, elle ne l'épargna point. Notre benjamin protestait en se couvrant la tête :
      "Mais, maman, moi, je n'y suis pour rien."
      Petit salaud qui l'appelait maman ! Folcoche le lâcha pour se ruer sur nous. Remarquez que, d'ordinaire, elle ne nous battait jamais sans nous en donner les motifs. Ce soir-là, aucune explication. Elle réglait ses comptes. Frédie se laissa faire. Il avait un chic particulier pour lasser le bourreau en s'effaçant sous les coups, en le contraignant à frapper à bout de bras. Quant à moi, pour la première fois, je me rebiffai. Folcoche reçut dans les tibias quelques répliques du talon et j'enfonçai trois fois le coude dans le sein qui ne m'avait pas nourri. Evidemment, je payai très cher ces fantaisies. Elle abandonna tout à fait mes frères, qui se réfugièrent sous une console, et me battit durant un quart d'heure, sans un mot, jusqu'à épuisement. J'étais couvert de bleus en rentrant dans ma chambre, mais je ne pleurais pas. Ah ! non. Une immense fierté me remboursait au centuple.
      Au souper, papa ne put ne pas remarquer les traces du combat. Il fronça les sourcils, devint rose... Mais sa lâcheté eut le dessus. Puisque cet enfant ne se plaignait pas, pourquoi rallumer la guerre ? Il trouva seulement le courage de me sourire. Les dents serrées, les yeux durs, je le fixai longuement dans les yeux. Ce fut lui qui baissa les paupières. Mais, quand il les releva, je lui rendis son sourire, et ses moustaches se mirent à trembler."

Cet extrait met en évidence le grand talent de Bazin pour tirer le portrait de ses personnages, en quelques lignes, quelques mots, même. Voyez les différentes expressions qu'il emploie pour désigner la mère : du froid "Mme Rezeau" à l'enfantin, mais non moins cruel, "Folcoche", sans parler de cette acerbe périphrase, "le sein qui ne m'avait pas nourri", ou de la condamnation sans appel qu'il réserve à son frère qui ose, trahison suprême, nommer cette femme "maman". Tout est dit, ainsi que l'impression qu'autour du narrateur tous se dérobent aux faits, et à la vérité. Quant à la "fierté" de l'enfant, elle se révèle, au fil des épisodes, être un désir - presque un besoin - constant de se mesurer à cette mère qu'il hait. Comme Frédie, l'aîné, répond à son frère : "Pour une fois que nous ne l'avons pas sur notre dos, fiche-nous la paix avec cette femme ! Tu gueules toujours contre elle, mais, ma parole ! on dirait que tu ne peux pas t'en passer." Et le narrateur d'écrire : "Effectivement. Jouer avec le feu, manier délicatement la vipère, n'était-ce point depuis longtemps ma joie favorite ? Folcoche m'était devenue indispensable comme la rente du mutilé qui vit de sa blessure."

J'ai l'air de m'être lancée dans une étude de texte, avec arguments et exemples, mais je voulais surtout dire que le récit du rapport entre la mère et l'enfant m'a passionnée du début à la fin, et que je l'ai découvert finalement plus subtil que ce que je croyais à la lecture de seuls extraits.

Malheureusement, j'ai découvert en même temps des passages plus retors, de nombreuses références au contexte politico-social de l'époque, qui, au lieu de m'aider à plonger dans l'univers de cette famille née d'une alliance entre deux bourgeoisies, m'ont surtout donné des complexes quant à l'étendue de ma culture historique. Je pense qu'un peu de documentation sera nécessaire avant toute relecture. 

On sort de cette lecture les yeux très secs, car on découvre un personnage au caractère aussi dur que les peines qu'on lui inflige. C'est vraiment cette dureté que j'ai retenue. J'apprends à la fin de ma lecture qu'il y a une suite, La mort du petit cheval, dans laquelle le héros peine à trouver le bonheur, même éloigné de sa mère. L'éditeur écrit : "Des années de haine ne l'ont pas préparé à l'amour et il faudra qu'il fasse son apprentissage." Or, c'est vraiment de cela qu'il s'agit : un enfant tout entier modelé par la haine, et, avant tout, par la sienne, celle qu'il a éprouvée toute sa jeunesse et qu'il recrache dans les pages de son récit, comme du venin, ciselé bien sûr par la force de l'écriture. La vipère, n'est-ce pas lui aussi ? 

Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

25 février 2013

Les disparitions d'Annaëlle Faier

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 Découverte littérature jeunesse 2012-2013

Vous vous demanderez peut-être pourquoi, alors que j'ai été déçue par Le garçon bientôt oublié, et en particulier, par le style qui y était adopté, j'ai décidé de remettre le couvert avec le même auteur. 
Réponse hypocrite : je n'aime pas rester sur une mauvaise impression ; je voulais donner une deuxième chance à Sciarini.
Réponse franche : le titre de ce livre contient le prénom de ma belle-soeur - prénom assez peu fréquent - et ça m'a fait sourire ; je veux me tenir au courant de l'actualité récente de la littérature jeunesse et ce livre en fait partie. 

Et vous allez bien sûr vouloir savoir si, oui ou non, ce livre m'a davantage plu que le précédent. La réponse globale est "oui". La réponse détaillée peut se faire en deux temps, classiques : les "contre", puis les "pour". 

Comme dans Le Garçon..., j'ai été gênée par des longueurs. J'ai trouvé que, parfois, la narratrice (et donc, l'auteur ?) se regardait écrire. Le morcellement en paragraphes et en chapitres donne l'impression de chercher à créer un suspense ; quelquefois, c'est le cas, mais je me suis souvent dit : "Ah ? On était censé attendre quelque chose, là ?". (N'est pas Armistead Maupin, ni Alexandre Dumas, ni Maupassant, d'ailleurs, qui veut.)
Enfin, je n'ai pas trouvé la thématique de départ exceptionnellement originale : une adolescente qui raconte sa rupture avec son premier copain, et le divorce de ses parents, qu'elle apprend le même jour. Même traitée sous l'angle de la magie, cela ne change pas grand-chose - l'héroïne de l'histoire se voit comme une "superhéroïne inversée", terme qu'elle répète à longueur de pages, et qui, de leitmotiv, devient rengaine assez lassante, comme d'ailleurs l'étaient les "qui suis-je" et "le garçon presque oublié" dans l'opus précédent. Dommage que des formules qui, la première fois, sont jolies ou amusantes, finissent par ne plus l'être du tout à force d'être rabâchées.

Passons aux points positifs.  

Le thème de la musique m'a davantage parlé ici que dans Le Garçon. Pourquoi, alors qu'il y  est finalement moins développé ? Peut-être parce que les chansons en question m'étaient plus familières, comme bien sûr le Feeling good de Nina Simone, qui accompagne un épisode important de l'histoire d'Annaëlle ? Je ne sais pas.
De nombreuses belles formules m'ont interpellée, suffisamment pour que j'ai envie de les relire, de feuilleter de nouveau certains chapitres pour les retrouver, m'en imprégner, et en recopier certaines ici (quand j'aurai une minute). Mais des formules bien trouvées, il y en avait aussi dans Le Garçon. Pourquoi ne les ai-je pas retenues ? Là encore, je n'ai pas de réponse à apporter. 

Et si j'étais plus conformiste que je ne le croyais ? Et si j'avais préféré ce roman au précédent juste parce qu'on y présente une héroïne aux problèmes plus banals (rupture amoureuse et divorce de ses parents, les deux couples initiaux étant tout ce qu'il y a de plus hétéro, de plus orthosexués) ?
En même temps, cela peut être tout simplement une question d'identification, ce récit-là me permettant davantage de me projeter que dans celui d'un transgenre male to female

Et, en relisant, notamment cette phrase-là, "Tu as réussi, malgré deux absences si importantes pour toi [...] à écrire un livre", je pense que tout est effectivement une question de projection. Cette sensation de disparition, je l'ai vécue également, bien que je l'aie nommée autrement à l'époque, par le mot de "vide". Et si toute la force de ce roman résidait dans cette idée très simple : montrer comment on peut (qu'on soit adolescent, adulte, peu importe) transcender ou remplacer ce vide (qui s'appelle aussi dépression, médicalement parlant) par l'écriture ou la création ? Ou, si je peux me permettre la formule galvaudée, mais qui s'applique très bien ici, remplacer des maux par des mots ? 

Si cela est vraiment l'objectif que souhaitait atteindre l'auteur, alors je trouve qu'il a rempli le contrat, et que, finalement, ce genre de réflexion sur l'écriture n'est pas si souvent présente dans la littérature ado. Et, même si cela a pris un certain temps, au fur et à mesure de ma lecture, cette réflexion a fini par me toucher. 

Pour conclure, j'ai l'impression - à confirmer avec d'autres lectures ; d'ailleurs une autre, Tarja, est déjà sur mon étagère - qu'un roman de Sciarini est comme une mixture trop liquide : on peut s'y noyer et passer à côté de la saveur pourtant bien existante. Pour ma part, j'ai comme envie de passer le roman au chinois, pour n'en retenir que la matière la plus dense et la plus précieuse. Moins de pages, moins de répétitions, moins d'enjolivements, mais plus d'arôme. 

Pour conclure bis, j'ai bien fait de réitérer. Je commence à cerner certaines caractéristiques littéraires chez Sciarini, assez positives, que je n'avais pas assez remarquées lors de ma première rencontre avec cet auteur. A suivre ! 

 

20 février 2013

Le rocher de Montmartre

Voici que j'ai envie de faire quelque chose que je n'avais pas encore fait : plumer sur ce livre avant de l'avoir terminé. 

Pourquoi ? Parce que mes impressions de lectrice ont beaucoup évolué entre le début de ma lecture et le moment présent, où je suis en train de tourner les dernières pages. D'où l'idée de tenir une sorte de "journal de lecture", relatant ces modifications qui se sont opérées en moi. Il est trop tard pour le faire en direct puisque, comme je l'ai dit, je l'ai bientôt fini, mais je peux essayer de recréer ce journal a posteriori, avant de lire la fin et de vous livrer mes toutes dernières impressions. 

Petits rappels avant de me lancer dans ce journal : j'ai découvert Joanne Harris il y a peu avec les Cinq quartiers de l'orange (voir ici). J'avais adoré. Et voici que je retrouve dans mes étagères un livre non encore lu de cette même écrivaine. Maintenant, cette nouvelle histoire de femmes et de secrets de famille me plaira-t-elle autant ? Tout ce que je peux savoir au début, c'est que l'imaginaire fera bien plus souvent irruption dans ce deuxième récit que dans les Cinq quartiers... 

Début de ma lecture (la semaine dernière environ), tout premiers chapitres. Problème. Je ne comprends pas. Je suis obligée de relire trois fois les premiers chapitres avant de comprendre qu'il y a trois narratrices différentes : Zozie de l'Alba, Vianne Rocher et sa fille Anouk. J'ai été trompée par la quatrième de couverture, qui présente la première comme le seul personnage principale de l'histoire, mais aussi par le fait que les personnages se ressemblent beaucoup, et qu'il est donc difficile de les différencier dans un premier temps. 
Du coup, cette lecture commence sous de mauvais auspices. J'avance laborieusement. Je ne suis pas conquise comme je l'avais été, dès les premières pages, par les Cinq quartiers de l'orange

Fin de semaine dernière, moitié du livre. Maintenant que j'ai compris qui était qui, l'histoire me plaît. J'ai envie de savoir ce qui va arriver aux personnnages. J'aime ce mélange de réalisme et d'imaginaire, cette manière de montrer que la magie est une chose très banale qui peut se pratiquer en plein coeur de Paris. Je comprends aussi pourquoi les personnages se ressemblent. Ce ne sont pas des femmes ordinaires, et je me doute très vite que quelque chose de plus ou moins mystérieux les relie. 
Il n'empêche que je trouve le roman inégal. Certains passages sont vifs et beaux en même temps. D'autres traînent en longueur et on se demande s'ils ont une réelle fonction. On répète souvent les mêmes choses. Les réactions des personnages sont parfois trop prévisibles, ou bien, au contraire, on s'attend à ce qu'il se passe quelque chose, et ce quelque chose intervient des pages et des pages plus loin, sans pour autant qu'il n'y ait eu beaucoup d'éléments indispensables entre deux. 

Dimanche soir, une bonne partie de la deuxième moitié du livre. Ah, c'est amusant, on retrouve des lieux et des noms qui ne peuvent manquer de rappeler les Cinq quartiers... Coïncidence ? Clin d'oeil ? Peu importe, c'est assez agréable, on se sent en terrain connu. 

Hier soir, derniers chapitres. Ca y est, je suis mordue, je ne peux plus m'arrêter. Je trouve toujours certaines longueurs, certains passages un peu obscurs ou qui n'apportent rien à l'histoire, mais je suis captivée par l'histoire et fascinée par les transformations de certains personnages que l'on voit d'un oeil tout neuf. Me voici contrainte de m'empêcher d'aller plus loin, de fermer le livre malgré moi, pour ne pas finir trop vite, et me garder un petit réconfort en ce mercredi après-midi rempli de tâches ingrates et obligations diverses. 

Toutes dernières pages, il y a une heure. Un peu déçue... En fait, j'ai tout découvert hier soir, ou presque. De mystère, il n'y en avait pas tant que cela. On devine ce qui va se produire. Cela dit, la fin est belle, elle laisse un joli goût dans les yeux. 

Internet. Il y a quelques minutes. Voilà-ti-pas que je découvre que Chocolat (roman que je savais déjà être de Harris, en plus d'avoir été adapté au cinéma avec Binoche et Depp) est en fait l'histoire précédant Le rocher de Montmartre. Moi qui me demandais pourquoi, même à la fin du livre, on en savait encore si peu sur cette histoire de boulangerie à Lansquenet et les évènements qui ont poussé Vianne, Anouk et Rosette à quitter le village pour Paris ! 
Il va donc sans dire que j'ai, à présent très envie de lire ce fameux Chocolat. Tout en ayant peur d'être déçue car je crains que ça ne ressemble terriblement aux Cinq quartiers... (sorti après, mais que j'ai lu avant). 

En tout cas, j'ai découvert ici un nouveau filon littéraire que je me promets de suivre ! 

 

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20 février 2013

Le carnet de Théo, tome 1 : Dans ma bulle

Et maintenant, même si cela pourra surprendre ou faire froncer les sourcils, voici un roman que j'ai bien plus apprécié que Le garçon bientôt oublié, toujours sur cette thématique du genre. 

Aucune prétention dans ce récit sous forme de journal intime, qui baigne dans l'univers japonisant des mangas et dans le petit monde bien caractéristique des adolescents en pleine rebellion contre la terre entière. 

Et pourtant. Ce roman n'est pas tout à fait comme les autres ; il sème de petits cailloux qui, considérés un à un, n'ont l'air de rien, mais dont l'assemblage produit en fait quelque chose d'assez intéressant. 

Tout d'abord, il s'agit d'un roman graphique. Le personnage principal est fan de mangas. Cette passion ressort tout naturellement dans le journal intime (le pas très original "carnet" du titre) que Théo décide de tenir, puisque ce journal sera parsemé d'images, croquis sur le vif, dessins plus travaillés, portraits de personnages importants, ou encore autoportraits visant à immortaliser l'émotion de la journée (un peu à la manière d'un smiley amélioré). On aime ou on n'aime pas ce genre d'illustrations, mais l'idée est astucieuse et bien mise en oeuvre : montrer que Théo manie autant le crayon à dessin que le stylo pour écrire, et faire en sorte que ces images participent à l'histoire. 

Ensuite, la question du masculin et du féminin est habilement posée dans ce récit. Autour de ce thème du genre gravitent d'autres questions, qui, comme dans le roman de Jean-Noël Sciarini, peuvent se résumer en une seule : qui suis-je ? Le tout sans grande originalité, mais avec juste assez de subtilité pour qu'on comprenne le mal-être de Théo sans voir en ce personnage un martyre larmoyant (ce qui m'avait gênée chez Toni, le garçon bientôt oublié). 

Le style adopté par l'auteur est cohérent par rapport au personnage : de l'humour, de la vivacité, du dialogue, un vocabulaire simple. Je le répète, aucune prétention. Mais une manière intelligente de raconter une histoire.

Le récit s'achève sur une fin ouverte, puisqu'il y a un deuxième tome, et un troisième à paraître. J'ai mordu à l'histoire et j'ai donc bien l'intention de lire la suite. 

Une réserve me vient tout de même à l'esprit, disons plutôt une déception. Théo veut se lancer dans la réalisation d'un manga, et lui vient alors l'idée d'un personnage principal, une "adolescente androgyne dont la particularité est de transformer parfois en garçon", notamment sous l'emprise de la colère. Une sorte de Hulk transgenre. Il y aurait eu là une piste extrêmement intéressante à suivre, tout un travail sur les stéréotypes des récits prisés par les ados et l'univers des superhéros. Mais Théo abandonne cette idée, sur les conseils d'un ami, et choisit de raconter la vie de personnages plus ordinaires. J'ai trouvé ça fort dommage. Cette piste sera-t-elle de nouveau abordée dans les prochains tomes ? J'en doute, mais l'espoir est permis !  

20 février 2013

Le garçon bientôt oublié

Je vais sans doute décevoir mon amie Arty... mais j'ai moi-même été déçue par ce qui aurait pu être mon Graal, la fin de ma longue quête (depuis l'été dernier déjà) du roman parfait sur le thème des transgenres. 

Bon, eh bien, raté. Non seulement je ne me vois pas le donner à lire à mes élèves de cinquième (mais cela, je le savais déjà, le livre s'adresse plutôt à des lycéens), mais moi-même, je n'ai pas été emballée. 

Première raison : la construction du livre, trop décousue. Jean-Noël Sciarini alterne des narrations à la première personne pendant lesquelles le héros, Toni, raconte un quotidien à la fois banal et difficile, empli de questionnements sur son identité, et des extraits de journal intime ou de "classeurs". Les fiches contenues dans ce classeur sont autant de pièces d'un "dossier d'enquête" que Toni mène sur lui-même. Pour essayer de se trouver, de comprendre qui il est. 
L'idée de ces fiches était intéressante. Je ne suis pas réticente aux écritures fragmentaires, aux collages, loin de là. Mais ici, je ne sais pas, ça ne prend pas. Manque d'homogénéité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi telle fiche intervient à tel moment et pas un autre. J'ai l'impression qu'il n'y a aucun lien entre ces fiches et l'histoire qui se raconte à ce moment-là. 
Comme Toni est en quête de la chanson qui changera sa vie, il demande à de nombreuses personnes de lui parler de la chanson qui a changé la leur, de vie. Et les témoignages en question sont notés dans des fiches. Moi qui suis passionnée de musique, cela aurait pu me parler, et même me plaire beaucoup. Mais non, ça ne fonctionne pas. 

Deuxième raison : ce n'est en fait pas le style que j'aime. Toni s'écoute écrire. En littérature jeunesse, j'ai besoin de davantage de fluidité, de véritable autodérision, d'ironie. Ici, trop de lamentations, et presque, de chichis. Du coup, je n'accroche pas à une histoire que je sens pourtant profonde et bouleversante. J'ai cette désagréable impression que l'auteur a gâché un potentiel par une écriture inadaptée. Je ne suis pas sensible à la poésie de l'écriture. Les incessants "qui suis-je", "qui je suis" finissent par me lasser. Un roman sur l'interrogation d'un adolescent né dans le mauvais corps : oui, mais pas comme ça. Du coup, je compare : dans La face cachée de Luna, faire raconter l'histoire par la soeur du personnage central, c'était ingénieux. Cela permettait justement de mettre en valeur la souffrance de Liam/Luna sans en faire de trop, sans ennuyer le lecteur. 

Donc : déçue. J'ai senti beaucoup de pistes, mais aucune ne m'a conduite là où j'aurais aimé aller. Dommage ! 

Lionel Labosse n'est en fait guère plus convaincu que moi. 

La critique de Citrouille rejoint en partie ce que j'ai écrit. 

Pour contrebalancer ces critiques mitigées, vous pouvez lire ceci, mais cela ne vous apportera guère plus d'informations...

J'invite donc Arty à (re)passer par ici pour donner son avis ! 

19 février 2013

Ils sont arrivés !

Pour ceux qui n'auraient pas participé (les vilains), voici à quoi ressemblaient les cadeaux des heureux élus.

Tout d'abord la mallette du Plumeur :

P1010887

 

Qui contenait, comme prévu, un carnet de lecteur des Editions La Plume insolite, ainsi qu'un exemplaire de Testament à l'anglaise, à la demande de la gagnante : 

P1010891

Et, pour les autres, de petits marque-pages "édition spéciale 2013", estampillés d'une petite Mu faite main : 

P1010895

 Le prochain concours est en cours de finalisation dans ma tête... J'ai le thème, presque tous les lots... Je peaufine, je peaufine, et d'ici deux semaines, vous en saurez davantage ! 

A bientôt, donc ! 

                                                                  P1010902

15 février 2013

Le monstrueux (1) : la phrénologie

            Parce qu'un jour (enfin, plusieurs jours), dans ma vie, j'ai rédigé un mémoire portant sur la "Poétique du monstrueux dans les nouvelles de Maupassant", et que, ce mémoire étant le premier et unique ouvrage que j'ai publié, il fallait bien que j'en parle un jour ou l'autre sur ce blog.

          Comme il y a fort à en dire, procédons étape par étape. Pour aujourd'hui, je souhaitais simplement vous parler à nouveau de phrénologie, dont vous avez déjà entendu parler dans cet article. Si j'y repense, c'est parce qu'on en parle également dans Django Unchained, dernière oeuvre de Quentin Tarantino, qui passe peut-être encore sur certains écrans, et dont voici la bande-annonce : 

             
        Dans ce film, Calvin Candie, le riche propriétaire blanc joué par DiCaprio, se pique de phrénologie, et tente notamment d'expliquer à un Jamie Foxx impassible - avant qu'il ne se déchaîne - pourquoi l'obéissance et la stupidité sont inscrites dans le crâne même des Noirs. Le tout armé d'un véritable crâne humain et d'un marteau, dans une scène où la tension entre les personnages atteint son sommet : 
         
           Je rappelle que la phrénologie a été, au XIXe siècle, une science momentanément reconnue - avant d'être peu à peu abandonnée - et qu'elle a servi d'assise à de nombreux procès et enquêtes criminels menés à cette époque. C'est Cesare Lombroso qui a élaboré cette théorie du "criminel-né", illustrée dans ses productions par de nombreuses planches iconographiques, assemblages de photographies censées mettre en évidence les traits communs à différents criminels, et créer, pour les futurs enquêteurs, un "faciès", autrement dit un visage-type du parfait criminel. Comme ici : 
                                                                        
         
        Si cette pseudo-science et les utilisations qui en ont été faites vous intéressent, vous pouvez feuilleter et lire sur Gallica le Manuel de phrénologie de Johann Gaspar Spurzheim, daté de 1832, ou l'ouvrage de Lombroso, L'homme criminel, publié en 1887.  Vous pouvez également consulter, sur le site de la cité des Sciences, le Cours de phrénologie de Broussais, de 1836. 
                Tout le travail mené dans mon mémoire consistait à montrer que la monstruosité morale était bien présente au XIXe siècle et que Maupassant savait à merveille rendre compte de cette "fabrication de monstres" dans le regard humain, c'est-à-dire cette capacité à voir du monstrueux là où il n'y avait que particularité physique. 
            Mais rappelons également que cette discipline quelque peu effrayante est très proche de ce qu'on nomme la physiognomonie, dont voici la définition par Johann Kaspar (encore un) Lavater :  
« La physionomie humaine est pour moi, dans l’acception la plus large du mot, l’extérieur, la surface de l’homme en repos ou en mouvement, soit qu’on l’observe lui-même, soit qu’on n’ait devant les yeux que son image. La physiognomonie est la science, la connaissance du rapport qui lie l’extérieur à l’intérieur, la surface visible à ce qu’elle couvre d’invisible. Dans une acception étroite, on entend par physionomie l’air, les traits du visage, et par physiognomonie la connaissance des traits du visage et de leur signification. » 
         Et quel écrivain français fort célèbre a fait de la physiognomonie un fondement de sa poétique ? Balzac, bien entendu. Rappelons seulement le portrait de Madame Vauquer, dans Le père Goriot

          "Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s'est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l'air chaudement fétide sans en être écoeurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d'automne, ses yeux ridés, dont l'expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l'amer renfrognement de l'escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. [...] L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital. [...] Quand elle est là, ce spectacle est complet. Agée d'environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l'oeil vitreux, l'air innocent d'une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d'ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer."

             Admirez cet art de la généralisation, et cette capacité à créer un faciès. Et amusez-vous (ou pas...) à lire, ou à relire, la Comédie humaine, et d'établir la liste de portraits-types proposés par notre cher Honoré. 
 
         Voilà, la première étape du compte-rendu de mon mémoire est à présent terminée. Je vous donne rendez-vous ultérieurement pour de nouvelles observations à travers la littérature ! 
 
 
15 février 2013

(Arty) Petit manuel de gayrilla à l'usage des jeunes ou comment lutter contre l'homophobie au quotidien

[Les lecteurs qui plument : Arty]

            La Petite Mu a déjà largement abordé la question de l'homosexualité dans la littérature destinée à la jeunesse, mais uniquement à travers son pendant fictionnel. Cet article a donc pour objet de parler de ce sujet par le biais du documentaire.

            Il est aisé de dire, pour planter le décor, que documentaire jeunesse et homosexualité ne font pas très bon ménage. Les quelques ouvrages s'intéressant aux ados gays, qu'ils s'adressent directement aux jeunes ou plutôt aux adultes, sont, à mon sens, peu convaincants dans la mesure où ils n'échappent pas aux écueils habituels. Souvent compatissants voire condescendants, toujours enclins à dicter une certaine norme sous couvert d'un discours poliquement correct et humaniste, ces documentaires me semblent passer totalement à côté de leur vocation. S'il s'agit bien sûr de pointer les inégalités et les difficultés auxquelles doivent faire face les adolescents homosexuels (les transgenres sont soit totalement "oubliés" soit cantonnés à un minuscule encart), il est difficile d'y percevoir une réelle remise en cause. Ces ouvrages se rejoignent donc autour d'une idéologie sociale bien-pensante, encourageant implicitement le lecteur à ne pas remettre en cause les règles régissant notre société, mais au contraire à les accepter pour pouvoir s'intégrer au monde.

            Je ne citerai donc pas de titres précis, histoire de ne pas faire de mauvaise publicité, mais je vous encourage à vous rendre dans votre bibliothèque ou dans votre librairie pour vous faire votre propre idée. Le vide intersidéral auquel vous ferez face traduira bien l'état de la production éditoriale du moment sur le sujet.

            Malgré tout, un livre sort du lot : le Petit manuel de gayrilla à l'usage des jeunes ou comment lutter contre l'homophobie au quotidien, par Michel Dorais et  Éric Verdier, respectivement sociologue et psychologue. Il n'est pas anodin de noter qu'il n'a pas été édité dans une collection jeunesse au sens commercial du terme. Néanmoins, le titre ne laisse aucun doute sur le destinataire.

            Au contraire des autres documentaires évoqués précédemment, celui-ci a pour caractéristique majeure de ne proposer un discours ni genré ni normatif. Comme les auteurs le disent dès le préambule, leurs propos concernent les « gays, lesbiennes, bisexuels, ambisexuels, queer, transgenres ou non conformistes dans leur manière d'être » et s'opposent par là-même au  « sexisme, [à] l'hétéroconservatisme, [à] l'homophobie et [aux] autres intolérances face aux différences ».

            Le concept de ce petit livre est un peu surprenant puisque, à l'inverse de beaucoup de documentaires jeunesse, le choix a été fait de ne pas partir des questions que peuvent se poser ces jeunes, mais plutôt des stéréotypes ou des situations diverses auxquels chacun peut être confronté. À partir de là, l'enjeu est de proposer différents exemples, informations ou répliques qui tuent, pour faire face aux mépris voire à la violence des autres.

            S'il s'agit surtout d'une sorte de bouée de secours pour ces jeunes trop souvent marginalisés, c'est auprès d'un lectorat extérieur à la problématique que ce livre joue tout son rôle de documentaire en démontrant que la logique binaire qui régit notre société n'est pas valable aux vues des diversités sexuelles qui existent. Et petit plus pour les non-initiés, un très complet lexique à la fin de l'ouvrage.

14 février 2013

(Hélo) Ernest et Célestine

[Les lecteurs qui plument : seront signalés par cette mention les billets rédigés par mes lecteurs. C'est donc Hélo qui a la parole aujourd'hui.]

A la demande de La Petite Mu (qui plume), je vous gribouille quelques lignes sur deux héros de mon enfance, Ernest et Célestine. Quel plaisir quand je les ai vu réapparaitre dans mon rayon jeunesse ! Avec en plus un roman, et un film !

J'ai retrouvé avec bonheur les dessins de Gabrielle Vincent, chez Casterman. Des dessins tout doux, et des histoires itou.
J'étais un peu réticente sur le roman, puisque je n'accroche pas sur Pennac (crime de lèse -majesté parait-il !)
Et pourtant... l'histoire d'un ours et d'une souris qui deviennent amis, alors que non, non et non, ce n'est pas possible.
"Un ours et une souris ? Jamais ! Scandaleux !
Absolument interdit !"
Et pourquoi pas... ?

Voici la base de l'histoire ; Ernest l'ours, et Célestine la souris, chacun aux prises avec leurs congénères, se rencontrent, s'entraident, et deviennent même amis, envers et contre tout, et surtout tous. Emprisonnés et jugés, ils deviendront des héros malgré eux, et, ainsi graciés, se retrouveront enfin.

A lire à partir de 8 ans, mais pour de bons lecteurs quand même. A coup sûr, l'invasion du récit par l'Auteur, Ernest, Célestine, mais aussi le Lecteur amusera petits et grands ! Les explications de mots compliqués par l'Auteur et dans le texte, également.

Enfin le film, où l'on retrouve la patte de Gabrielle Vincent. Voici un dessin animé comme on n'a pas l'habitude d'en voir. De grands aplats de couleurs et de paysages, et les personnages qui s'animent sur ces fonds immobiles, et malgré tout terriblement vivants !
Et l'on retrouve, aux détours de l'histoire, quelques scènes qui évoquent bel et bien les albums premiers.

Pas de points négatifs me direz-vous. Et pour cause, je suis redevenue une vraie gosse, tant dans ma lecture que lorsque je suis allée voir le dessin animé. Un chouette cadeau de fin d'année !

13 février 2013

Le passeur

               

 (Je plume sur une vieillerie, afin de compléter les liens des mes listes de lectures cursives  . Dorénavant ces lectures datées seront signalées par un [Vieillerie] au début du message.)

Ce livre a toujours été une référence pour moi. Le principe en est très simple : l'auteur a créé un univers (qui se situerait à une époque indéterminée, mais après la nôtre) dans lequel sensations et émotions ne font quasiment plus partie de la vie des hommes. Un enfant se fait mal ? On lui donne un comprimé rudement efficace : à peine a-t-il eu le temps de connaître un semblant de douleur qu'elle a déjà disparu. Même le désir sexuel est contrôlé par une autre pilule, non pas contraceptive (le problème ne se pose de toute façon pas : seules certaines femmes de la société peuvent enfanter, les "mères porteuses", considérées comme inférieures par le reste des habitants), mais tueuse de fantasmes. On doit confesser ses rêves en famille au petit déjeuner. On ne doit pas mentir. Enfin (même si la liste est loin d'être finie), on ne peut pas connaître le plaisir d'hésiter entre une pomme rouge et une pomme verte, car les couleurs n'existent plus. Plus exactement, on n'arrive plus à les percevoir.
Dans ce monde, un personnage détient des connaissances que nul autre ne possède : c'est le Passeur. Lors de la cérémonie de ses douze ans, âge auquel le Conseil attribue définitivement une fonction sociale à tout adolescent, Jonas apprend qu'il a été choisi pour être le nouveau Passeur. Rien ne sera plus comme avant pour lui ; ou plutôt, peu à peu, tout redeviendra comme avant - avant que le monde dans lequel il vit n'ait été affadi et rigidifié. 

La qualité de ce genre de roman tient évidemment beaucoup à la cohérence de l'univers créé. Sur ce point, rien à redire : les détails sont magistralement coordonnés. Tout y est réaliste à en faire parfois froid dans le dos. On ressent, avec Jonas, cette impression d'enfermement - dont il ne peut prendre conscience qu'après avoir découvert qu'il a existé autre chose, et qu'il existe peut-être encore autre chose, ailleurs. 

Ecrit dans un style sans difficulté, ce livre est pour moi une très grande oeuvre à partager avec nos élèves, idéale pour enrichir une réflexion sur l'utopie ou la contre-utopie, la frontière entre les deux étant parfois très mince. On peut y lire aussi une réflexion sur le totalitarisme, même si finalement rien n'est centré sur le pouvoir, dont on ne sait pas vraiment, d'ailleurs, qui le détient - hormis les membres du Conseil. C'est enfin une très belle histoire sur le plaisir, le bonheur ; sur la vie, tout simplement. 

A lire et à faire lire ! 

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Le royaume de Kensuké

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