Découverte littérature jeunesse 2012-2013
Vous vous demanderez peut-être pourquoi, alors que j'ai été déçue par Le garçon bientôt oublié, et en particulier, par le style qui y était adopté, j'ai décidé de remettre le couvert avec le même auteur.
Réponse hypocrite : je n'aime pas rester sur une mauvaise impression ; je voulais donner une deuxième chance à Sciarini.
Réponse franche : le titre de ce livre contient le prénom de ma belle-soeur - prénom assez peu fréquent - et ça m'a fait sourire ; je veux me tenir au courant de l'actualité récente de la littérature jeunesse et ce livre en fait partie.
Et vous allez bien sûr vouloir savoir si, oui ou non, ce livre m'a davantage plu que le précédent. La réponse globale est "oui". La réponse détaillée peut se faire en deux temps, classiques : les "contre", puis les "pour".
Comme dans Le Garçon..., j'ai été gênée par des longueurs. J'ai trouvé que, parfois, la narratrice (et donc, l'auteur ?) se regardait écrire. Le morcellement en paragraphes et en chapitres donne l'impression de chercher à créer un suspense ; quelquefois, c'est le cas, mais je me suis souvent dit : "Ah ? On était censé attendre quelque chose, là ?". (N'est pas Armistead Maupin, ni Alexandre Dumas, ni Maupassant, d'ailleurs, qui veut.)
Enfin, je n'ai pas trouvé la thématique de départ exceptionnellement originale : une adolescente qui raconte sa rupture avec son premier copain, et le divorce de ses parents, qu'elle apprend le même jour. Même traitée sous l'angle de la magie, cela ne change pas grand-chose - l'héroïne de l'histoire se voit comme une "superhéroïne inversée", terme qu'elle répète à longueur de pages, et qui, de leitmotiv, devient rengaine assez lassante, comme d'ailleurs l'étaient les "qui suis-je" et "le garçon presque oublié" dans l'opus précédent. Dommage que des formules qui, la première fois, sont jolies ou amusantes, finissent par ne plus l'être du tout à force d'être rabâchées.
Passons aux points positifs.
Le thème de la musique m'a davantage parlé ici que dans Le Garçon. Pourquoi, alors qu'il y est finalement moins développé ? Peut-être parce que les chansons en question m'étaient plus familières, comme bien sûr le Feeling good de Nina Simone, qui accompagne un épisode important de l'histoire d'Annaëlle ? Je ne sais pas.
De nombreuses belles formules m'ont interpellée, suffisamment pour que j'ai envie de les relire, de feuilleter de nouveau certains chapitres pour les retrouver, m'en imprégner, et en recopier certaines ici (quand j'aurai une minute). Mais des formules bien trouvées, il y en avait aussi dans Le Garçon. Pourquoi ne les ai-je pas retenues ? Là encore, je n'ai pas de réponse à apporter.
Et si j'étais plus conformiste que je ne le croyais ? Et si j'avais préféré ce roman au précédent juste parce qu'on y présente une héroïne aux problèmes plus banals (rupture amoureuse et divorce de ses parents, les deux couples initiaux étant tout ce qu'il y a de plus hétéro, de plus orthosexués) ?
En même temps, cela peut être tout simplement une question d'identification, ce récit-là me permettant davantage de me projeter que dans celui d'un transgenre male to female.
Et, en relisant, notamment cette phrase-là, "Tu as réussi, malgré deux absences si importantes pour toi [...] à écrire un livre", je pense que tout est effectivement une question de projection. Cette sensation de disparition, je l'ai vécue également, bien que je l'aie nommée autrement à l'époque, par le mot de "vide". Et si toute la force de ce roman résidait dans cette idée très simple : montrer comment on peut (qu'on soit adolescent, adulte, peu importe) transcender ou remplacer ce vide (qui s'appelle aussi dépression, médicalement parlant) par l'écriture ou la création ? Ou, si je peux me permettre la formule galvaudée, mais qui s'applique très bien ici, remplacer des maux par des mots ?
Si cela est vraiment l'objectif que souhaitait atteindre l'auteur, alors je trouve qu'il a rempli le contrat, et que, finalement, ce genre de réflexion sur l'écriture n'est pas si souvent présente dans la littérature ado. Et, même si cela a pris un certain temps, au fur et à mesure de ma lecture, cette réflexion a fini par me toucher.
Pour conclure, j'ai l'impression - à confirmer avec d'autres lectures ; d'ailleurs une autre, Tarja, est déjà sur mon étagère - qu'un roman de Sciarini est comme une mixture trop liquide : on peut s'y noyer et passer à côté de la saveur pourtant bien existante. Pour ma part, j'ai comme envie de passer le roman au chinois, pour n'en retenir que la matière la plus dense et la plus précieuse. Moins de pages, moins de répétitions, moins d'enjolivements, mais plus d'arôme.
Pour conclure bis, j'ai bien fait de réitérer. Je commence à cerner certaines caractéristiques littéraires chez Sciarini, assez positives, que je n'avais pas assez remarquées lors de ma première rencontre avec cet auteur. A suivre !