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La petite Mu qui plume
3 mai 2013

K-Cendres

C'est un livre qui laisse des traces dont je vais vous parler là. L'histoire d'une adolescente qu'on découvre enfermée dans un HP (hôpital psychiatrique : il faut s'habituer à certaines abréviations et à certaines sigles dans ce livre) puis, dix ans plus tard, dans les coulisses du Zénith, s'apprêtant à donner un concert devant des milliers de personnes. Elle est devenue K-Cendres, star du rap, managée par une maison de disques sans états d'âme, le label 3fall. Toujours aussi ravagée de l'intérieur, ses textes n'ont pas la même résonance pour son public et pour elle : ses fans hystériques adulent le personnage torturé et n'écoutent que peu les paroles (c'est du moins ce dont on a l'impression), alors que, pour elle, ce sont des avertissements, des appels au secours et, en fait, des visions : les faits divers qu'elle décrit dans ses chansons ont la fâcheuse tendance à se produire très vite dans la réalité à peine la chanson terminée. Toute ressemblance avec le mythe antique de Cassandre est totalement assumée. Mais personne ne croit Alexandra, que son boss appelle "Kass" : lui veut surtout continuer de croire qu'elle est sa poule aux oeufs d'or, même si les autres (l'attachée de presse, le manager...) la trouvent plutôt "cassos'", voire bonne pour la casse. 

Il faut être préparé pour lire ce roman dont l'histoire était sacrément attirante : c'est dur, très dur. On se ramasse en pleine poire les crises de K-Cendres, mélange de rage, de douleur, de scarifications et d'overdose aux médicaments. Tout ce qui gravite autour d'elle semble baigner dans une noirceur incomparable : l'amour n'est que sexe et dépendances, les liens humains sont souvent faux, la drogue attend son heure, la mort rôde. Un seul personnage baigne dans la lumière, comme un roc insubmersible : Marcus, garde du corps de K-Cendres, le seul à l'écouter, à la protéger, et, presque, à la comprendre. Mais Marcus n'est pas Zeus et il ne peut décider de tout. 

Pour ma part, j'ai malheureusement été gênée par le niveau de langue adopté dans ce récit. J'avais trouvé celui d'A copier cent fois pur, oral, mais suffisamment neutre pour convenir à "tout public". Ici, le choix a été fait de se tourner vers une langue brute, souvent grossière, avec nombre d'expressions typées, verlan, abréviations... Je reconnais que cela colle à l'univers du rap tel qu'on se le représente, et que cette brutalité du style contribue à la dureté du récit. Mais je suis une puriste et je suis toujours gênée par ce genre d'écriture. Je continue de penser qu'on peut arriver aux mêmes fins en respectant un niveau de langue courant. Bon, c'est facile à dire quand on n'a pas soi-même écrit le bouquin, hein ! Je suis peut-être tout simplement déçue de ne pas pouvoir mettre ce livre entre les mains de mes élèves de cinquième, eux qui avaient aimé A copier cent fois

Mais, armés de ces mises en garde, je vous conseille tout de même cette lecture, chers visiteurs, car elle n'a pas son pareil en littérature jeunesse. 

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Commentaires
A
Enfin lu ! Encore un chef-d'oeuvre d'Antoine Dole ... Comme pour "Laisse brûler", j'ai été subjuguée par l'écriture. Certes, ce n'est pas conventionnel (mais que serait la littérature si elle n'était que conventionnelle ?) et ce n'est pas un texte "tout-public", mais c'est juste sacrément puissant ! Ce personnage est terriblement marquant et laisse une de ces impressions dont on ne se remet pas facilement ...
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L
Eh bien j'en ai déjà découvert deux autres puisque j'ai terminé "Laisse brûler" et "Je reviens de mourir" dans la foulée ! Mais je n'en parlerai pas ici, je ne veux pas faire de teaser dans mes commentaires...
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A
Voici un livre d'Antoine Dole que je n'ai pas encore lu mais auquel il faudra que je m'attelle vite. <br /> <br /> Concernant le "public visé", même si j'ai de grandes réserves quant à ce que cela peut signifier, il est bien évident qu'on ne présuppose pas qu'il sera le même pour "A copier cent fois" que pour celui-ci (comme pour "Laisse brûler" et "Je reviens de mourir"). Mais ce n'est pas la même collection non plus. Exprim' se veut vraiment une collection proposant des textes issus d'un registre plus urbain, plus "à-vif" et dans lesquels on trouve souvent, par conséquent, de la violence. Je trouve qu'il s'agit d'une collection extrêmement riche, qui propose des auteurs et des romans certes peu conventionnels en littérature de jeunesse, dont elle remet les codes en question, mais d'une très grande richesse. Bien entendu, c'est le premier livre que tu découvres dans cette collection et je comprends tes réticences compte tenu de ton désir de faire lire des jeunes collégiens, mais je te conseil grandement d'en découvrir d'autres titres, parce que c'est vraiment une collection qui s'envisage dans son ensemble.
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M
J’ai lu (et relu) « Laisse brûler », il y a peu. Probablement comme « K-Cendres » j’imagine, c’est un livre qui ne cache rien aux jeunes de la violence tapie dans l’ombre de la vie. D’où une écriture coup de poing. Bien que n’étant sans doute pas la moins puriste des personnes qui s’expriment dans les colonnes de ce blog, je ne me souviens pas avoir alors tiqué sur le niveau de langue – mais il est possible que le registre familier soit plus prégnant dans « K-Cendres » que dans « Laisse brûler ». Je me demande donc si la différence que tu observes ne tient pas également au fait que lesdits livres ne visent pas le même public. S’ils participent tous deux à la littérature jeunesse, « K-Cendres » s’adresse peut-être d’abord et surtout aux grands adolescents (à l’instar de « Laisse brûler », que je mettrais pas, en effet, dans les mains de tes élèves de Cinquième). Le protagoniste de « À copier cent fois » ne serait-il d’ailleurs pas plus jeune que K-Cendres ? Dans « Laisse brûler », où l’on trouve plusieurs des thèmes que tu évoques, le style sans concession d’Antoine Dole griffe. Ce qui n’exclut pas ici et là des phrases bien senties. Acéré, viscéral, le verbe écorché vif incise la peau pour mieux exposer les plaies qui ne cicatrisent pas. Dire les balafres qui fissurent les êtres et cinglent l’existence.
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Le royaume de Kensuké

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