K-Cendres
C'est un livre qui laisse des traces dont je vais vous parler là. L'histoire d'une adolescente qu'on découvre enfermée dans un HP (hôpital psychiatrique : il faut s'habituer à certaines abréviations et à certaines sigles dans ce livre) puis, dix ans plus tard, dans les coulisses du Zénith, s'apprêtant à donner un concert devant des milliers de personnes. Elle est devenue K-Cendres, star du rap, managée par une maison de disques sans états d'âme, le label 3fall. Toujours aussi ravagée de l'intérieur, ses textes n'ont pas la même résonance pour son public et pour elle : ses fans hystériques adulent le personnage torturé et n'écoutent que peu les paroles (c'est du moins ce dont on a l'impression), alors que, pour elle, ce sont des avertissements, des appels au secours et, en fait, des visions : les faits divers qu'elle décrit dans ses chansons ont la fâcheuse tendance à se produire très vite dans la réalité à peine la chanson terminée. Toute ressemblance avec le mythe antique de Cassandre est totalement assumée. Mais personne ne croit Alexandra, que son boss appelle "Kass" : lui veut surtout continuer de croire qu'elle est sa poule aux oeufs d'or, même si les autres (l'attachée de presse, le manager...) la trouvent plutôt "cassos'", voire bonne pour la casse.
Il faut être préparé pour lire ce roman dont l'histoire était sacrément attirante : c'est dur, très dur. On se ramasse en pleine poire les crises de K-Cendres, mélange de rage, de douleur, de scarifications et d'overdose aux médicaments. Tout ce qui gravite autour d'elle semble baigner dans une noirceur incomparable : l'amour n'est que sexe et dépendances, les liens humains sont souvent faux, la drogue attend son heure, la mort rôde. Un seul personnage baigne dans la lumière, comme un roc insubmersible : Marcus, garde du corps de K-Cendres, le seul à l'écouter, à la protéger, et, presque, à la comprendre. Mais Marcus n'est pas Zeus et il ne peut décider de tout.
Pour ma part, j'ai malheureusement été gênée par le niveau de langue adopté dans ce récit. J'avais trouvé celui d'A copier cent fois pur, oral, mais suffisamment neutre pour convenir à "tout public". Ici, le choix a été fait de se tourner vers une langue brute, souvent grossière, avec nombre d'expressions typées, verlan, abréviations... Je reconnais que cela colle à l'univers du rap tel qu'on se le représente, et que cette brutalité du style contribue à la dureté du récit. Mais je suis une puriste et je suis toujours gênée par ce genre d'écriture. Je continue de penser qu'on peut arriver aux mêmes fins en respectant un niveau de langue courant. Bon, c'est facile à dire quand on n'a pas soi-même écrit le bouquin, hein ! Je suis peut-être tout simplement déçue de ne pas pouvoir mettre ce livre entre les mains de mes élèves de cinquième, eux qui avaient aimé A copier cent fois.
Mais, armés de ces mises en garde, je vous conseille tout de même cette lecture, chers visiteurs, car elle n'a pas son pareil en littérature jeunesse.