Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La petite Mu qui plume
31 mai 2013

Fraise et chocolat

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un aliment (et même deux) en catégorie BD


Et à présent, de la bande dessinée. Ca faisait longtemps. 

C'est d'abord pour les besoins du challenge que j'ai décidé de retrouver cette BD lue pour la première fois il y a six ans, dans une bibliothèque bruxelloise, lors d'un voyage avec une amie. Avant cela, je n'y connaissais pas grand-chose à la bande dessinée d'aujourd'hui, j'en étais restée aux grands classiques. Comme bédéistes contemporains, je ne connaissais que Joann Sfar (pas si connu à l'époque, je l'ai découvert avec les Grand Vampire, puis Le chat du rabbin), guère d'autres. Lors de ce voyage à Bruxelles, j'ai commencé à mettre les pieds dans l'immense paysage  de la BD contemporaine. Et il y en a, des choses, là-dedans ! Tellement qu'il est parfois difficile de s'y retrouver, d'autant plus que les formats changent, et brouillent les pistes. Roman graphique ? Bande dessinée pour adultes ? Album illustré ? La frontière est parfois mince, et je ne suis pas spécialiste.

La BD d'Aurélia Aurita joue justement sur cette frontière (ce qui est la moindre des choses pour une artiste à cheval entre deux pays, la France et le Japon). Le format assez petit, la souplesse de la couverture font davantage penser à un roman qu'à une BD traditionnelle. Et, selon la page à laquelle on ouvre le livre, on tombe soit sur une planche assez classique, composée de différentes cases, contenant des dessins et des bulles, soit sur un schéma beaucoup plus libre : une image qui prend toute la page, du texte écrit en dehors de tout phylactère... Le récit, lui aussi, est hybride : l'idée est d'abord celle d'un carnet de voyage. L'histoire est largement inspirée de la vie de l'auteure-illustratrice : invitée à un "gros projet BD franco-japonais, rassemblant en tout dix-sept auteurs", Chenda doit écrire une histoire sur la ville de Tokushima, dans l'île de Shikoku. Et c'est ce qu'elle fait : quelques paysages sont d'ailleurs représentés, et l'amour de cette Française d'origine sino-khmère pour le Japon est bien présent au fil des pages. Mais à ce récit de voyage se superpose très vite une histoire d'amour, entre la jeune femme et Frédéric. Il s'agit de Frédéric Boilet, auteur-dessinateur de BD, l'amant d'Aurélia Aurita. 

Mais là encore, les choses ne sont pas si simples : ce n'est pas une histoire à l'eau de rose que veut nous raconter l'auteure, mais bel et bien un récit hautement érotique, variations sur le thème du sexe, qui renverse tous les clichés, et avant tout celui de la jeune fille effarouchée face à l'homme mûr entreprenant. Aurélia Aurita a choisi de raconter sa vie sexuelle sans pudeur, sans complexe, mais également avec beaucoup d'humour.

"Pas évident de parler de ces deux petites merveilles (car il y a un deuxième tome) sans en abîmer l'essence. De nombreux s'y sont essayé et n'ont réussit qu'à transformer ces albums en banales et rigolotes BD érotiques.", comme je l'ai lu sur un blog. Et, effectivement, il est difficile de rendre, en mots, les diverses sensations qui peuvent nous traverser au cours de cette lecture. C'est sûr, il ne faut pas avoir peur des images et des mots crus. Mais la BD ne se réduit pas à une série d'images pornographiques, loin de là. Aurélia Aurita joue en réalité avec les codes de la BD européenne comme asiatique, où elle pioche ce qui l'intéresse, elle, pour donner sa propre vision de la relation de couple, et pour aborder les questions qui se posent à une jeune femme amoureuse à la fois du sexe et du visage d'un homme plus âgé qu'elle. 

Joann Sfar (justement) a rédigé une sorte de préface (en dessins, évidemment), qui met extrêmement bien en valeur l'oeuvre de la jeune auteure. Il se dit ami avec Frédéric Boilet, et ne dissimule pas sa réticence initiale à lire une BD qui retrace la vie sexuelle de cet ami. Puis il commence sa lecture, et voici ce qu'il en dit :

"Oh, la, la ! C'est bien ! Les dessins, l'histoire. Oh et puis c'est éducatif. On devrait le distribuer en pharmacie pour les amoureux. Ah, et pour une fois, c'est une fille qui parle. [...] D'habitude, quand des filles parlent de cul en bande dessinée, c'est des punks pourrites qui parlent de leurs chaussettes sales. Je ne sais pas qui a pris l'initiative de prêter un crayon à une fille amoureuse mais il faut que ça dure toujours, je veux dire il faut qu'elle en fasse plein, des histoires..."

Alors, plein, pas encore. Mais, pour rebondir sur ce cliché des "filles qui parlent de cul en bande dessinée", on ne peut évidemment pas s'empêcher de penser à l'auréole qui entoure aujourd'hui Le bleu est une couleur chaude, que j'ai déjà plumé. (Enfin, quand je dis auréole... Julie Maroh, l'auteure de cette BD, n'est pas forcément connue de tous pour être l'inspiratrice du film de Kechiche, La vie d'Adèle, qui vient d'obtenir la Palme d'Or. Voir ici.)

Bref, Fraise et chocolat : à goûter ! (métaphore culinaire plus ou moins adaptée quand vous saurez ce que ces deux termes signifient pour Chenda et son amant...) Et, si vous en revoulez, il y a donc un deuxième tome. (Que je n'ai pas relu, car ma médiathèque ne le possède pas. J'essaierai de le trouver ailleurs.)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Eh bien, c'est une narration hybride, justement. On arrive à capter un déroulement entre le début et la fin de la BD : grosso modo, c'est le parcours amoureux type, des premières sensations, premiers émois, à la confirmation de l'amour, de la passion. Mais effectivement, cette histoire est plutôt racontée sous forme de micro-épisodes, ou même de compte-rendus thématiques, plutôt que de façon linéaire.
Répondre
M
Sur le site auquel tu renvoies figurent quelques pages du livre. En les consultant, j’ai eu l’impression que le livre fonctionnait par petites scènes (configuration typique du récit de voyage) ou petits sketches comiques. Du coup, je m’interrogeais sur la continuité narrative qu’on peut attendre d’un "roman". Suit-on tout le déroulement de l’histoire entre Aurélia et Frédéric ou plutôt des épisodes ?
Répondre
Publicité
Lecture en cours

 

Le royaume de Kensuké

Visiteurs
Depuis la création 97 491
Publicité