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La petite Mu qui plume
27 août 2013

Frangine

Découverte littérature jeunesse 2013

C'est un roman qui fait énormément de bien, à cette époque où les anti-mariage gay ne se lassent pas de descendre dans la rue et de parler de "l'intérêt des enfants". 

Le sujet du livre est en effet brûlant d'actualité : les deux personnages principaux, à savoir Joachim, le narrateur, en terminale, et sa soeur Pauline, en seconde, sont élevés par leurs deux mères qui les ont eus par PMA. Ils se sont déjà entendus appeler des "bébés Thalys", du nom du train qui emmène les couples homosexuels accomplir leur désir de paternité en Belgique, puisque cela leur est interdit en France. Ils ont toujours vécu dans un bain d'amour et de protection, peut-être trop : arrivés au lycée, Joachim mais surtout Marion sont confrontés, évidemment, à la bêtise et à la violence de leurs congénères. Joachim a réussi à traverser les années sans se laisser déstabiliser, mais pour Marion, les choses sont beaucoup plus dures. Son frère la voit s'enfoncer peu à peu, et, quand il apprend que sa soeur est victime de harcèlement, son sang ne fait qu'un tour et il décide de prendre les choses en main. 

C'est donc un roman qui ne nie pas la difficulté traversée par les deux ados. Mais ce n'est pas une histoire pour dire : "Si vous êtes gays et que vous avez des enfants, attention, ils vont morfler". C'est un roman sur le harcèlement, sur la bêtise de l'âge adolescent, sur la violence de certaines relations humaines, parce que, oui, toutes ces choses-là existent. Mais c'est aussi un roman sur l'amour unique qui existe entre un frère et une soeur, et, au-delà, entre les membres d'une famille, quel que soit le "modèle" de cette famille. C'est un roman sur la construction de la personnalité, sur la découverte du monde, sur l'acceptation de la différence, la sienne et celle des autres. 

L'une des grandes forces de l'ouvrage, c'est de promener le focus, l'oeil de la caméra, sur les quatre personnages qui constituent cette famille : non seulement Joachim, qui est le narrateur principal, Pauline, qui reste le personnage central de l'histoire, mais aussi Maman et Maline, les deux mères, qui ont aussi leur lot de problèmes à gérer au quotidien. Les remises en question professionnelles, les liens avec leurs propres parents... Un lecteur adulte peut donc apprécier que le roman ne soit pas uniquement centré sur des questions adolescentes ; et un lecteur plus jeune n'aura aucun mal à se projeter dans ces destins "de grandes personnes", car il n'y a pas de rupture dans l'écriture. 

J'ai lu sur un blog que cette histoire "n'avait rien de particulier". Cette même blogueuse ajoute aussitôt avoir compris que, justement, l'intérêt est là : des histoires de harcèlement adolescent, on en déjà lues (et parfois vues, ou vécues, hélas), mais le sujet de l'homoparentalité n'est pas tant abordé dans la littérature ado. Je ne peux qu'approuver ce point. En revanche, quand à la fin, elle écrit que ce n'est pas un roman "particulièrement émouvant", je ne suis pas d'accord : de l'émotion, il y en a, à revendre. Pas une émotion noire, triste, mais de vraies belles sensations qui donnent le sourire et les larmes en même temps, tant l'histoire racontée semble vraie, et tant elle dégage de force, de vie et d'optimisme. 

A lire, et à faire lire, à tout le monde, petits et grands. Vraiment une chouette découverte ! 

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Commentaires
L
Tu ne voudrais pas que je publie ce commentaire en article ? Parce que tu y dis des choses très intéressantes et qui offrent un deuxième regard, après le mien, sur ce roman qui n'est certes pas parfait, comme aucun premier roman ne peut vraiment l'être. <br /> <br /> De mon côté, c'est un livre que je n'ai pas eu envie d'analyser, en fait, je voulais me laisser porter par cette histoire qui me donnait l'impression de la vivre, d'être dedans, comme si c'étaient des amis qui me racontaient leur vie. <br /> <br /> Sinon, juste une chose qui m'avait gênée (mais c'est anecdotique) : quand Marion et son frère affirment que le lycée est un lieu de cruauté, en comparaison avec le collège, monde des Bisounours. L'auteure a dû connaître un collège particulièrement préservé, ou bien elle s'appuie sur des souvenirs fort anciens, car les quatre années de collège dans lesquelles les ados vivent leur crise, chacun à leur rythme, et n'ont d'yeux que pour le regard des autres, si je puis dire, n'est pas précisément un lieu de tolérance, c'est le moins qu'on puisse dire. L'homophobie y est malheureusement présente, par ignorance essentiellement - enfin, c'est que j'aime à espérer - et parce que les ados veulent se fondre dans la masse et fuient les situations où ils auraient à sortir de cette masse. Et je ne parle même pas des insultes homophobes qui fusent à tout bout de champ, dont ils ignorent souvent le sens d'ailleurs. <br /> <br /> Bref ! Sur ce point, j'ai trouvé ça un peu bancal. Il "fallait" sans doute que les personnages principaux soient au lycée, pour avoir la maturité relative que nécessitaient certaines scènes de l'histoire. <br /> <br /> L'hétérosexualité du fils ne m'a pas trop gênée, de même que celle de Regan dans La face cachée de Luna ne me gênait pas. Je me suis dit que l'auteure avait simplement voulu aborder le quotidien, y compris intime, de celui qui reste le narrateur principal, et qu'en faire un personnage gay aurait été de trop. A la limite, ce qui m'a plus dérangée par rapport à Joachim est un petit relent de cliché macho/sexiste, du mec sûr de sa force, qui règle ses problèmes par l'intimidation physique et semble trouver cela naturel. Du coup, les scènes sentimentales, sa maladresse avec sa copine "rééquilibrent" un peu l'ensemble. <br /> <br /> Finalement, j'en trouve aussi, des défauts ! Mais on reste toutes les deux sur la même conclusion positive.
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G
Arty, tu as gagné le prix du commentaire le plus long, félicitations !<br /> <br /> En tout cas je veux bien lire ce bouquin après My, si c'est possible ! Le sujet m'intéresse grandement !
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A
J'ai moi aussi bien aimé ce roman. Je le précise tout de suite, parce que, paradoxalement, la liste des défauts que j'ai à en faire est un peu fournie tout de même.<br /> <br /> Je commence d'abord par une remarque qui n'est pas un défaut mais qui relève plus de la surprise. En refermant ce livre, je me suis étonnée qu'il ait été édité dans cette collection. L'écriture, plutôt classique, de Marion Brunet ne correspond pas à ce que l'on a l'habitude de trouver chez « Exprim' ». Mais c'est un roman très bien écrit, sur un sujet très actuel et au ton progressiste, ce qui suffit amplement à mériter sa place dans cette excellente collection.<br /> <br /> Sur le fonds, le principal défaut concerne l'aspect manichéen de l'histoire. Du côté du bien, le narrateur et sa famille, les amis fidèles, un prof révolté qui prendra ses responsabilités d'éducateur digne de ce nom. Du côté du mal, d'autres élèves et d'autres enseignants, homophobes, incultes ou dramatiquement indifférents. Et soyons honnête, Petite Mu tu seras, je pense, d'accord avec moi, c'est bien ce nous reprochons à une certaine auteure pour la jeunesse (Gudule pour ne pas la citer) lorsqu'elle aborde des questions de société. Oui, mais la différence tient au fait que dans ce cas-là, les personnages, adolescents et adultes, ne sont pas en carton-pâte. Les situations, les dialogues et même les grands discours (parce qu'il y en a) refusent presque systématiquement la caricature et font de ce texte une histoire crédible. De plus, la fin, on pourrait presque dire la morale, participe à cette crédibilité. Encore une fois, nous ne sommes pas chez Gudule (la pauvre, c'est toujours elle qui prend, alors qu'on pourrait en citer quelques autres ...), où à la fin tous les personnages, gentils et méchants, se donnent la main et dansent en rond en chantant les bienfaits de la tolérance (véridique). Ici, bien sûr, l'héroïne, la Frangine du titre, qui est celle qui souffre d'une homophobie extrême, finit par s'affirmer face à l'adversité et à grand renfort de solidarité. Mais au final, les cons restent des cons. S'ils sont contraints de taire leur haine pendant un temps, c'est simplement parce qu'ils se sont fait choper. Mais les mentalités n'ont pas évolué pour autant. Et en contexte, on prend peur à l'idée de ce que ces ados-là vont devenir en tant qu'adultes. Ceux-là même qui vont dissimuler leur animosité et leur dégoût jusqu'à ce qu'on leur donne l'occasion de la hurler à nouveau (suivez mon regard --------------> oh tiens, Virginie Tellenne).<br /> <br /> Le narrateur aussi me pose un peu soucis. Pour ce grand frère, l'enjeu au sein de cette histoire est double. D'une part, il doit défendre sa famille et soutenir sa petite soeur. D'autre part, cet épisode est également pour lui celui de la découverte de la sexualité. Et c'est sur ce dernier point que je suis partagée. Était-il vraiment nécessaire d'insister autant sur ce point, donnant ainsi l'impression d'opposer à l'homosexualité des mères l'hétérosexualité du fils ? Cela sonne un peu comme une justification, bien inutile et d'ailleurs contre laquelle il faut absolument lutter, du fait que bien entendu des parents homosexuels font des enfants hétérosexuels. Mais, à la décharge de l'auteur, j'ai tout de même trouvé ces scènes touchantes et réalistes (il me semble, hein, suis pas spécialiste). <br /> <br /> Enfin, sur la forme, deux choses m'ont gêné et que je ne peux pas minimiser. La première, c'est la voix de l'auteure qui, même si cela s'estompe au fil du roman, est bien trop lisible au début. La difficulté est là en littérature ado : parvenir à faire oublier l'auteur adulte dans la narration et particulièrement dans les propos et les comportements des jeunes personnages. La seconde touche justement à la construction de la narration. Je n'ai absolument pas compris ce parti-pris de faire narrer par le grand frère des scènes où il n'est pas présent. Comment peut-il être apte à décrire le ressenti de sa mère au travail ou les sentiments d'une grand-mère qu'il n'a jamais rencontré ? Cet aspect-là est vraiment, à mon sens, la grosse faille dans la mise en forme du roman et je pense qu'il y aurait eu des manières plus judicieuses de proposer ces focus sur d'autres personnages.<br /> <br /> Voilà donc un bon premier roman de Marion Brunet, bien écrit, qui sonne juste et dont la fausse naïveté permet une lecture plus réfléchie.
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M
Bien envie de le découvrir. Tu me le mets de côté ?
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Le royaume de Kensuké

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