Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La petite Mu qui plume
14 novembre 2013

Stefan Mani : Noir Océan

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : une couleur en littérature scandinave

"Ensuite, direction le centre-ville, où Jon Karl possède un appartement au dernier étage d'un immeuble récent du quartier de Skuggahverfi, le quartier des Ombres. Là, il bourrerait tout le monde de coke et baiserait ces deux pouliches jusqu'à ce que le foutre coule de leurs yeux brillants de larmes. "

Voilà ! Vous venez de faire la connaissance de Jon Karl, alias le Démon, l'un des protagonistes de ce polar bien noir en eaux salées. Ca donne envie, hein ?

Noir Océan, roman islandais qui a reçu un prix, est un récit très foisonnant. Le principe est assez simple, et efficace : on réunit neuf marins, ayant tous un passé trouble et des poids sur la conscience, dans un navire en partance pour le Surinam. On en choisit cinq pour fomenter une mutinerie - en effet, la compagnie a prévu de les licencier sitôt rentrés au port, ils prévoient donc de couper les moteurs en pleine mer pour mettre la pression sur le capitaine -, on en remplace un par un truand sans pitié, on fait se lever une tempête terrible, et on laisse tout ce petit monde s'entretuer gentiment. C'est assez crade, sinistre et tout ce que vous voulez, mais plutôt réjouissant, car on relève çà et là quelques traits d'humour (forcément noir) bien placés. C'est franchement farfelu à certains moments, à force de coïncidences ou de rebondissements abracadabrantesques. Un passage me semble assez révélateur de ces caractéristiques (ATTENTION : SPOILER ; ce passage révèle certaines choses que l'on ne sait pas au début du roman) : 

"Pour commencer, on l'attire sur ce navire et on le plante dans cette cabine, comme s'il n'y avait rien de plus naturel. Ensuite, ce commandant en second vient lui raconter que tous les hommes à bord le prennent pour son beau-frère et qu'il vaut mieux les laisser le croire, puisque, de toute façon, il occupe son poste. Puis, voilà que le même commandant en second lui verse cinq millions pour se prêter à ce jeu stupide. Il y a des hommes à bord qui se baladent avec des fusils démontés à la faveur de la nuit pendant que d'autres s'abrutissent à fumer du cannabis et racontent des histoires à dormir debout sur les dieux antiques et le destin de l'humanité. Le commandant se pointe en robe de chambre à la passerelle dans l'unique but de découvrir qui est allé aux chiottes et à quel moment alors que son second s'efforce de l'embrouiller en accusant Jon Karl d'un truc dont il ne comprend même pas la nature. [...] Et maintenant ce satané téléphone par satellite est bousillé, quand Jon Karl se rappelle justement qu'il doit passer un coup de fil chez lui, alors là, la coupe est pleine ! [...]
C'est déjà assez foutrement déplaisant pour lui de se retrouver comme un naufragé surnuméraire à bord de ce bateau en compagnie d'hommes qu'il ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Même si tous les individus en question ne sont pas forcément en proie à des errements philosophiques, à des doutes sur leur santé mentale et sur celle de leurs compagnons, même s'ils ne se faufilent pas tous dans la nuit en s'accusant constamment de trahison, de fausseté ou de négligence, certains possèdent l'un de ces traits de caractère et d'autres les ont tous sans exception."

Le roman se veut aussi une réflexion sur la condition humaine, la notion de destin, les relations entre les hommes. Il se fait de plus en plus philosophique au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, et même carrément mystique sur la fin - qui m'a laissée perplexe, je dois le dire. 

Au final, c'est un bon huis clos, qui aurait cependant, à mon goût, gagné à être plus réaliste et moins psychédélique. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Lecture en cours

 

Le royaume de Kensuké

Visiteurs
Depuis la création 97 469
Publicité