John Green : Nos étoiles contraires
Ca faisait un moment que j'en avais entendu parler, que je le voyais en tête de gondole dans les rayons "young adults" des librairies, sur les pages des blogs. Moi qui avait tant aimé Qui es-tu Alaska ? et Will and Will, je ne pouvais pas ne pas lire Nos étoiles contraires, mais, je ne sais pas pourquoi, l'urgence ne s'était pas faite sentir. J'ai été décidée par l'enthousiasme de mes élèves - surtout féminines - de troisième : proposé dans une liste avec une douzaine d'autres titres, beaucoup ont choisi ce dernier roman de John Green, et en ont fait des critiques élogieuses : "J'ai vraiment aimé ce livre", "Il m'a amusée, touchée et émue", "Je trouve que c'est un superbe roman", "C'est l'une des plus belles histoires d'amour que j'ai pu ressentir par la lecture ou en regardant un film, après Titanic bien sûr" (sic).
Mais moi... j'ai malheureusement été déçue. Oui, bien sûr, on retrouve la patte de ce romancier doué et efficace, les portraits sur le vif, les phrases qui font mouche, une progression habile du récit. Oui, Augustus et Hazel, ces deux adolescents atteints d'un cancer, le premier en rémission, la seconde en survie, sont deux personnages attachants. Tous deux ont la maladie ancrée dans leur corps, doté d'une prothèse de jambe suite à une amputation ou incessamment suivie d'une bonbonne d'oxygène, mais ils rayonnent de l'intérieur (sans mauvais jeu de mots...). Ils aiment la vie, ils aiment l'amour, ils aiment s'aimer, même si Hazel se fait un peu prier au début. Augustus est celui qui la fera sortir de sa dépression, ce sera son premier amour, toutes périodes confondues y compris avant la maladie. Tout cela mis en route par un petit coup de pouce du destin, personnifié par la mère de Hazel, si aimante et dévouée qu'elle accompagne sa fille aux séances du groupe de soutien qu'elle l'oblige à suivre, quitte à bouquiner des heures dans sa voiture en attendant qu'elle sorte.
Voilà, en gros, les ingrédients d'un roman à succès, et ceux qui ont également provoqué ma déception. Car ce roman, contrairement aux précédents, manque pour moi de nuances, de fantaisie, et sombre dans un manichéisme presque teinté de culcultisme. J'ai eu l'impression d'assister à une romance à l'eau de rose, avec les jeunes héros beaux, forts et drôles, qui s'aiment et s'aimeront jusqu'au bout, malgré les obstacles. On me répondra : "Mais non, ils ne sont pas beaux, ils sont malades, c'est toute la force du roman, blabla". Sauf qu'à force de vouloir à tout prix faire rayonner les personnages, ils en finissent par ne plus être crédibles. Hazel, au début du roman, a l'air dépressive comme moi je suis nonne. Augustus, tout malade qu'il est, n'en ressemble pas moins au stéréotype du beau gosse dragueur de toutes les comédies américaines. Les parents de ces deux ados dégoulinent de gentillesse, de générosité et de courage. Même l'argent semble tomber du ciel pour permettre des voyages improbables, comme celui qu'entreprennent Augustus, Hazel et la mère de cette dernière, à Amsterdam, pour rencontrer un écrivain qui n'a pas fini la dernière phrase de son livre. Rencontre qui se transformera en cauchemar, car l'écrivain n'est pas le génie fascinant que les deux jeunes lecteurs imaginaient. On me dira : "Mais c'est ça, la fantaisie de John Green !" Moi, j'appelle ça de l'abracadabrantesque, qui n'apporte rien à l'histoire, selon moi.
Bref, ce roman m'a donné l'impression pas tellement agréable que la vie, c'est censé être toujours beau, simple, fort, même quand on est malade et condamné, et qu'en gros, si on est déprimé, dépressif, malade et célibataire, avec des parents qui s'engueulent ou mal soignés dans des hôpitaux minables, c'est qu'on n'est pas normal. Je ne suis pas certaine que ce soit un message tellement positif.
Alors, oui, cette histoire de destinée tragique respire l'amour d'un bout à l'autre, et je conçois qu'elle puisse faire rêver, faire rire, et, pourquoi pas, donner espoir. Je comprends le succès auprès des adolescents. Mais, selon moi, ce livre n'arrive pas à la cheville d'Alaska ou de Will, qui tombent beaucoup moins dans les clichés et la facilité.
Pour contrebalancer cet avis assez dur et tranché, un petit lien vers Bricabook qui donne une autre critique.