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La petite Mu qui plume
24 août 2016

Des albums sur le genre

Dans les sorties d'albums jeunesse 2016, deux albums abordant la question du genre ont retenu mon attention. 

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Le premier, Emile ou la danse de boxe, fait partie d'une série écrite par Vincent Cuvellier et illustrée par Ronan Badel, et il m'a fait découvrir le personnage irrésistible d'Emile, un sacré garnement au caractère bien trempé. Quand il veut quelque chose, il ne se laisse pas détourner de son objectif. Vous voyez sa tête sur la couverture ? Eh ben, pareil tout le temps. Si les titres des autres albums de la série sont assez classiques, Emile a froid, Emile fait un cauchemar, Emile invite une copine, et ne semblent pas tellement différents des archi-classiques Max et Lili, de petites surprises se cachent quand même derrière certaines histoires : par exemple, la "copine du parc" qu'Emile fait venir chez lui n'est pas celle à laquelle ses parents (et le lecteur) s'attendent. Et, pour l'album dont il est question aujourd'hui, c'est dès le titre que le lecteur est interpellé. C'est quoi, "la danse de boxe" ?

En fait, personne ne le sait très bien, surtout pas les parents d'Emile, qui veulent "inscrire Emile à l'activité" (joli petit clin d'oeil critique à cette injonction sociétale où tout le monde, dès son plus jeune âge, doit faire "des choses", le plus possible). Sauf que dans la liste, Emile ne veut pas faire éveil au yoga, foot en salle ou découpe papier-carton. Il veut "faire de la danse, mais de la danse de boxe". Parce que "la danse de boxe, c'est pas pour les filles, c'est pas pour les garçons, c'est pour les danseurs de boxe !" Voilà, dans cette phrase, tout est dit. Ce combat d'Emile pour faire l'activité qu'il a choisie, lui, c'est un beau combat pour le droit de chacun à sortir des cases.

Ce que je salue dans cet album, c'est qu'à aucun moment l'auteur n'abandonne pour tenter de faire rentrer son héros dans un cadre plus conventionnel, même s'il fait beaucoup rire ses petites camarades de cours de danse. Jusqu'au bout, Emile "aime bien, il aime bien la danse". Certes, sur l'avant-dernière page, on peut soupçonner le jeune garçon d'aimer tout particulièrement être entouré de filles en tutus qui lui font des bisous. Mais, quand bien même ce serait sa motivation finale, ce n'était pas la première, et l'album se termine bien par une image d'Emile, tout seul, en marcel vert et caleçon rose, imperturbable dans son froncement de sourcils avec les "Hi hi hi" en arrière-plan. 

Un album court et très efficace, à lire dès 3 ans, pour dénoncer plusieurs travers de notre société et de la pression qu'elle cherche à imposer aux parents et aux enfants. 

 

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Le second est plus poétique et s'adresse, d'après les éditions du Rouergue, à un public adolescent. Moi qui suis d'habitude frileuse avec les prescriptions d'âge (j'ai tendance à très vite trouver un ouvrage complexe et déconseillé aux plus jeunes), j'inclurai pour le coup les préados dans cette cible. Parce que le texte repose sur des jeux de sons qu'un écolier de cycle 3 peut certainement comprendre, avec des phrases courtes, au vocabulaire plutôt simple, et que le propos ne doit évidemment pas être réservé aux plus grands. 

"B.B.", en quatrième de couverture, ce n'est pas Brigitte Bardot, mais Annabelle, ou Buffalo Belle, qui dès l'école maternil préfère le tractopil à la maril, et, adolescent-e, refuse le ricelle et rêve de pantalons et de bretils. Le personnage grandit au fil (pardon : au felle) des pages, et arrive l'âge adulte où la question se pose différemment, parce qu'à "l'état civelle [...], elle ou il, ce n'est plus désormais un détail futelle". La fin est très ouverte, et laisse libre cours aux interprétations, lumineuses ou sombres. La fusion avec la nature est évoquée, parce que tout y est plus facile - facelle, plus "subtelle". 

J'ai beaucoup aimé cet album qui se lit à toutes sortes de niveaux : on peut s'arrêter sur le texte ludique qui nous fait redécouvrir la langue française ; on réfléchit, forcément, aux diktats concernant le genre et l'identité sexuelle ; on s'intéresse enfin à la différence, qui prend diverses formes, à l'identité au sens large, au développement de soi. L'auteur et illustrateur, Olivier Douzou, raconte sur le site des éditions du Rouergue la genèse de cet album, fortement inspiré par ses enfants et en particulier sa fille Zélie. Je lui laisse la parole, pour conclure : 

"On peut affirmer dans notre bon français
que certaines gens sont incertains

Les accords réservent des surprises

Singulièrement l'amour est il
et plurielles les amours sont elles"

Un sacré farceur, ce bon français... 

 

Quelques liens pour prolonger la réflexion sur la thématique du genre dans les albums pour enfants :

un article chez La voix du livre, qui prend pour cible les albums Papa et Maman des éditions Sarbacane, et en profite pour nous donner tout un tas d'exemples et de contre-exemples ;
- un blog tout entier, Fille d'album, une vraie mine d'analyses et d'idées lecture ; 
- une réflexion sur le rôle de l'école et du collège, dans un article de Max Butlen intitulé "Que faire des stéréotypes que la littérature adresse à la jeunesse ?"

Et les albums : 

Emile et la danse de boxe 
Auteur : Vincent Cuvellier
Ilustrateur : Ronan Badel
Editions  Gallimard jeunesse - Giboulées

Buffalo Belle
Auteur et illustrateur : Olivier Douzou
Editions du Rouergue 
 

 

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