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La petite Mu qui plume
30 août 2016

Top Ten Tuesday #2 : Les 10 romans de la rentrée littéraire automnale 2016 que vous souhaitez absolument vous procurer

TTT 2 Rentrée littéraire

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire qui consiste à présenter chaque mardi 10 titres répondant à un thème littéraire précis. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français sur le blog Frogzine. (Et découvert par la petite Mu chez Forty-five weeks). 

Je n'étais pas sûre d'écrire pour ce Top Ten Tuesday, car la rentrée littéraire me laisse, d'habitude, plutôt indifférente : étant une acheteuse de livres de poche ou une usagère de bibliothèque, il m'est difficile de lire les livres à leur première sortie. Mais ça n'empêche pas de se faire envie, après tout, et peut-être que cette année je ferai une entorse à mes habitudes. (Et si un éditeur passe par là et souhaite m'offrir l'un des titres de ma liste, qu'il n'hésite pas :-) ) 

Mais pourquoi ces dix-là ? 

 

Pour exorciser une mauvaise expérience passée : 

Comment tu parles de ton père, de Joann Sfar : parce que le titre me fait rire et que, peut-être, lui, je le lirai jusqu'au bout, contrairement à L'éternel (que j'ai dû abandonner avant même la moitié).

Les bottes suédoises, de Henning Mankell : parce que je ne veux pas rester sur la déception du premier volume, Les chaussures italiennes, alors que tout le monde en disait du bien. 

 

Pour prolonger logiquement mes partenariats ou challenges : 

Flow 2, de Mikaël Thévenot : parce que je veux connaître la suite des aventures de Josh, et savoir s'il va se laisser tenter par le côté obscur de son superpouvoir. (LU)

Le rouge vif de la rhubarbe, d'Auður Ava Ólafsdóttir : parce que l'islandais est une langue de moins de 10 millions de locuteurs (pour comprendre, voir la liste des catégories du Néo-défi lecture 2016), que j'ai déjà lu - et plutôt aimé - Rosa Candida de la même auteure, et que j'aime bien la rhubarbe. 

 

Pour me laisser surprendre, et, pourquoi pas, séduire : 

Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais : parce qu'après avoir lu la chronique de la librairie des Croquelinottes, je ne peux qu'avoir envie de le lire. 

Anatomie d'un soldat, de Harry Parker : parce qu'un roman sur le syndrome post-traumatique dont les narrateurs sont des objets, forcément, ça interpelle. (LU)

Génération K, de Marine Carteron : parce que les mots-clés m'ont attirée et que le teaser promotionnel m'a plu (moi qui n'avais plus vu de book-trailer depuis longtemps), surtout dans une librairie qui expose l'album Buffalo Belle

 

Enfin, parce que les thématiques abordées ont tout pour me plaire : 

Le syndrome de la vitre étoilée, de Sophie Adriansen, qui parle de désir d'enfant (LU)

Amour monstre, de Katherine Dunnqui parle de phénomènes de foire  (LU) 

et Sortie de classes, de Laurent Torres, qui parle d'enseignement. 

 

Et vous, quelle sera votre rentrée littéraire ? 

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26 août 2016

Fiona Woodcock : Heidi joue à cache-cache

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Dans sa présentation de l'ouvrage, l'éditeur parlait d'un album "sur l'amitié et l'acceptation des différences". Ce qui m'intriguait car le résumé insistait surtout sur le don de la petite Heidi pour gagner à cache-cache. Comment l'auteure et dessinatrice allait-elle associer tout ça ? 

En fait, l'idée est simple et maline. C'est l'histoire, donc, de Heidi, qui adore se cacher. Forcément, quand ses amis n'arrivent pas à se décider pour un jeu, elle s'empresse de proposer cache-cache, parce qu'elle est sûre de gagner. Jusqu'à ce fameux jour de son anniversaire, où à force de se cacher trop bien, plus personne n'a envie de la chercher : "Charlie, Katie et Rosie ne purent trouver Heidi. En revanche, ils trouvèrent de délicieuses coupes glacées." Après réflexion, Heidi décide non seulement d'essayer les jeux de ses amis, mais, surtout, de les encourager, chacun, à proposer leur jeu préféré. Ainsi, ils pourront tous, tour à tour, être le meilleur. Et, finalement, c'est nettement plus rigolo de perdre, mais avec ses amis, que de gagner, mais toute seule. 

Moi qui aime tant le jeu, et qui crois fermement à son grand pouvoir éducatif (clin d'oeil au blogueur de Méliméludes ;-) ), cette réflexion sur la manière qu'a un groupe de jouer, et, d'abord, de choisir son jeu, m'a beaucoup plu. "Que le meilleur gagne !" : belle devise, mais encore faut-il que tout le monde en ait la possibilité, et que le potentiel de chacun puisse être mis en avant. 

Enfin, les illustrations ajoutent à la thématique de l'histoire, puisque le petit lecteur peut lui aussi s'amuser à chercher Heidi, toujours bien camouflée dans de très belles illustrations (crayon ? encre ? Un jour, il faudra vraiment que je prenne un cours d'arts plastiques...). Si j'en crois cet article, l'image est venue en premier, le texte en second : Fiona Woodcock aurait en effet d'abord créé la petite fille pour des cartes de voeux, ainsi que ce tableau, où l'idée de camouflage primait finalement sur celle d'une petite fille jouant à cache-cache avec des amis. 

Fiona 2

Un bien joli album sur tous les plans, donc, à découvrir très vite et à mettre entre les petites et les grandes mains. C'est le premier de Fiona Woodcock, mais attendez-vous à la retrouver bientôt ! 

Auteure et illustratrice : Fiona Woodcock
Editions Hatier jeunesse
A paraître le 27 septembre 2016

Etiquette Hatier jeunesseCe billet inaugure mon partenariat avec les éditions Hatier Jeunesse.

24 août 2016

Des albums sur le genre

Dans les sorties d'albums jeunesse 2016, deux albums abordant la question du genre ont retenu mon attention. 

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Le premier, Emile ou la danse de boxe, fait partie d'une série écrite par Vincent Cuvellier et illustrée par Ronan Badel, et il m'a fait découvrir le personnage irrésistible d'Emile, un sacré garnement au caractère bien trempé. Quand il veut quelque chose, il ne se laisse pas détourner de son objectif. Vous voyez sa tête sur la couverture ? Eh ben, pareil tout le temps. Si les titres des autres albums de la série sont assez classiques, Emile a froid, Emile fait un cauchemar, Emile invite une copine, et ne semblent pas tellement différents des archi-classiques Max et Lili, de petites surprises se cachent quand même derrière certaines histoires : par exemple, la "copine du parc" qu'Emile fait venir chez lui n'est pas celle à laquelle ses parents (et le lecteur) s'attendent. Et, pour l'album dont il est question aujourd'hui, c'est dès le titre que le lecteur est interpellé. C'est quoi, "la danse de boxe" ?

En fait, personne ne le sait très bien, surtout pas les parents d'Emile, qui veulent "inscrire Emile à l'activité" (joli petit clin d'oeil critique à cette injonction sociétale où tout le monde, dès son plus jeune âge, doit faire "des choses", le plus possible). Sauf que dans la liste, Emile ne veut pas faire éveil au yoga, foot en salle ou découpe papier-carton. Il veut "faire de la danse, mais de la danse de boxe". Parce que "la danse de boxe, c'est pas pour les filles, c'est pas pour les garçons, c'est pour les danseurs de boxe !" Voilà, dans cette phrase, tout est dit. Ce combat d'Emile pour faire l'activité qu'il a choisie, lui, c'est un beau combat pour le droit de chacun à sortir des cases.

Ce que je salue dans cet album, c'est qu'à aucun moment l'auteur n'abandonne pour tenter de faire rentrer son héros dans un cadre plus conventionnel, même s'il fait beaucoup rire ses petites camarades de cours de danse. Jusqu'au bout, Emile "aime bien, il aime bien la danse". Certes, sur l'avant-dernière page, on peut soupçonner le jeune garçon d'aimer tout particulièrement être entouré de filles en tutus qui lui font des bisous. Mais, quand bien même ce serait sa motivation finale, ce n'était pas la première, et l'album se termine bien par une image d'Emile, tout seul, en marcel vert et caleçon rose, imperturbable dans son froncement de sourcils avec les "Hi hi hi" en arrière-plan. 

Un album court et très efficace, à lire dès 3 ans, pour dénoncer plusieurs travers de notre société et de la pression qu'elle cherche à imposer aux parents et aux enfants. 

 

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Le second est plus poétique et s'adresse, d'après les éditions du Rouergue, à un public adolescent. Moi qui suis d'habitude frileuse avec les prescriptions d'âge (j'ai tendance à très vite trouver un ouvrage complexe et déconseillé aux plus jeunes), j'inclurai pour le coup les préados dans cette cible. Parce que le texte repose sur des jeux de sons qu'un écolier de cycle 3 peut certainement comprendre, avec des phrases courtes, au vocabulaire plutôt simple, et que le propos ne doit évidemment pas être réservé aux plus grands. 

"B.B.", en quatrième de couverture, ce n'est pas Brigitte Bardot, mais Annabelle, ou Buffalo Belle, qui dès l'école maternil préfère le tractopil à la maril, et, adolescent-e, refuse le ricelle et rêve de pantalons et de bretils. Le personnage grandit au fil (pardon : au felle) des pages, et arrive l'âge adulte où la question se pose différemment, parce qu'à "l'état civelle [...], elle ou il, ce n'est plus désormais un détail futelle". La fin est très ouverte, et laisse libre cours aux interprétations, lumineuses ou sombres. La fusion avec la nature est évoquée, parce que tout y est plus facile - facelle, plus "subtelle". 

J'ai beaucoup aimé cet album qui se lit à toutes sortes de niveaux : on peut s'arrêter sur le texte ludique qui nous fait redécouvrir la langue française ; on réfléchit, forcément, aux diktats concernant le genre et l'identité sexuelle ; on s'intéresse enfin à la différence, qui prend diverses formes, à l'identité au sens large, au développement de soi. L'auteur et illustrateur, Olivier Douzou, raconte sur le site des éditions du Rouergue la genèse de cet album, fortement inspiré par ses enfants et en particulier sa fille Zélie. Je lui laisse la parole, pour conclure : 

"On peut affirmer dans notre bon français
que certaines gens sont incertains

Les accords réservent des surprises

Singulièrement l'amour est il
et plurielles les amours sont elles"

Un sacré farceur, ce bon français... 

 

Quelques liens pour prolonger la réflexion sur la thématique du genre dans les albums pour enfants :

un article chez La voix du livre, qui prend pour cible les albums Papa et Maman des éditions Sarbacane, et en profite pour nous donner tout un tas d'exemples et de contre-exemples ;
- un blog tout entier, Fille d'album, une vraie mine d'analyses et d'idées lecture ; 
- une réflexion sur le rôle de l'école et du collège, dans un article de Max Butlen intitulé "Que faire des stéréotypes que la littérature adresse à la jeunesse ?"

Et les albums : 

Emile et la danse de boxe 
Auteur : Vincent Cuvellier
Ilustrateur : Ronan Badel
Editions  Gallimard jeunesse - Giboulées

Buffalo Belle
Auteur et illustrateur : Olivier Douzou
Editions du Rouergue 
 

 

Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

22 août 2016

Carnet de lecture du Néo-défi lecture 2016 : et de 19 !

Néo-défi lecture 2016

Et de 19 dans ma liste du Néo-défi lecture 2016 (sur l'objectif de 50 : on avance lentement, mais sûrement.)

Défi 16 : Un journal intime / Défi 46 : Un livre dont l'un des personnages est musicien

Cette semaine, j'ai enfin lu le Journal d'un vampire en pyjama : ce fameux récit de Mathias Malzieu, chanteur de Dionysos, qui raconte toutes les étapes de son combat contre une maladie qui l'a porté aux limites de ses ressources. C'est du sang de cordon ombilical qui l'a sauvé. Après avoir entendu l'histoire sur La Grande Librairie, et écouté l'album presque éponyme, Vampire en pyjama, j'ai apprécié la lecture du journal. Au-delà d'un récit de vie, c'est un formidable hommage à l'art, parce qu'il permet de supporter ces épreuves, puis d'en témoigner, avec le choix de sublimer ou non chaque douleur, chaque souffrance, chaque angoisse. Cependant, il faut un véritable artiste pour arriver à une oeuvre aussi débordante de poésie et de vie : assurément, Mathias Malzieu en est un. Après avoir passé le cap de ce texte qui passe évidemment beaucoup de pages dans l'univers oppressant de l'hôpital, je me sens davantage prête à reprendre Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi, l'autre roman autobiographique qui raconte la mort de la mère du chanteur. Un bel article sur ce dernier chez Forty-five weeks.

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Défi 26 : Un livre dont l'un des personnages est handicapé

J'ai aussi avalé Tant que nous sommes vivants d'Anne-Laure Bondoux, un roman jeunesse qu'on m'avait prêté il y a plus d'un an déjà. Une belle histoire d'amour, avec une originalité dans la narration, puisqu'après une première partie portée par un narrateur omniscient et centrée autout des deux personnages principaux, Bo et Hama, les deux amoureux, c'est ensuite leur fille qui prend la parole. J'ai trouvé ce détail très intelligent : quel meilleur moyen de montrer qu'un enfant est une forme de prolongement d'un couple ? Et en même temps, ce changement de narrateur entretient le mystère car ces trois individus restent autonomes et ne savent pas tout les uns des autres. L'histoire se déroule dans un univers et une époque indéfinis et indéfinissables : des réminiscences de début de XXe siècle, avec le travail à la mine, à la forge, à l'usine, une impression de Hauts de France (on parle de "chicon"... ben oui, une endive, quoi), et cette fameuse guerre, dont on ne connaît pas l'ennemi, mais qui pousse tout le monde à se disputer, fuir, se cacher, se battre. J'ai été un peu décontenancée par les multiples directions dans lesquelles ce livre nous entraîne, mais je l'ai quand même avalé, comme je le disais, d'un bout à l'autre sans sourciller.

(Petit spoiler pour expliquer la conformité du livre au défi : Hama, l'héroïne, se retrouve amputée de ses deux mains après un terrible accident à l'usine. La deuxième partie du récit tourne beaucoup autour de ce handicap qui implique autant Hama que les autres personnages.)

Défi 15 : Une pièce de théâtre du XVIIIe siècle

Pour préparer mon programme de 4e, j'ai relu L'île des esclaves de Marivaux. La scène 1 a retrouvé tout le caractère comique et efficace qu'elle avait dans mon souvenir, en posant le cadre de la pièce : un maître et son serviteur échoué sur une île où les esclaves au pouvoir manifestent leur autorité en obligeant les maîtres à endosser le rôle de serviteur, et vice-versa. A partir de la scène 2, ça se corse : il ne faut pas se perdre dans les noms des personnages (étrangers à nous, pauvres lecteurs du XXIe siècle, et en plus ils ont échangé leurs noms, les plaisantins), il faut enclencher le traducteur "français du XVIIIe". La langue de Marivaux, ça carbure. Chaque mot compte dans chaque phrase. Mais j'aime toujours autant ces réflexions sur l'Autre, sur le travestissement, sur les apparences, sur le hasard. On n'est pas vraiment dans une pièce politique, plutôt dans une satire des caractères, au sens que La Bruyère donnait à ce terme, et c'est très réussi. 

Défi 14 : Un livre dont les héros sont des animaux

En revanche, j'ai lu un peu à contre-coeur L'appel de la forêt, de Jack London. Je le classerais dans la catégorie de ces livres dont je préfère lire les analyses (très intéressant de savoir, par exemple, que la traduction française du titre est "frileuse" par rapport au terme anglais, the wild, qui aurait dû être traduit par "la vie sauvage" ou quelque chose comme ça) que le livre en lui-même. J'ai lu de nombreux passages en diagonale, tout en notant mentalement les effets de progression, de parallélisme, de boucle. Bref, je ne suis décidément pas une lectrice de romans d'aventure.  

Défi 20 : Un livre choisi par un proche 

Enfin, je reviens sur Demain, j'arrête de Gilles Legardinier, qu'une amie m'a offert pour me rendre la bonne humeur qu'il me manquait un peu à ce moment-là. C'est un roman "chick-litt mais pas que" pour reprendre les mots d'Enna sur son blog : l'histoire de Julie, éternelle maladroite et gaffeuse, qui va rencontre un voisin extrêmement charmant dans des circonstances qui se veulent abracadabrantes (mais que je n'ai pas trouvé si délirantes que ça). J'ai lu ce livre jusqu'au bout parce que j'avais envie de connaître la fin (sans m'attendre à rien de surprenant). Mais je crois que je reste décidément assez hermétique à ce genre. Plusieurs raisons, sans doute, à cela. D'abord parce que je me reconnais souvent mal dans les héroïnes (de même que j'ai du mal aussi à m'identifier aux cibles des magazines comme Cosmo), jeunes actives - mais rarement profs - qui ne sont pas des canons mais quand même pas moches non plus, qui se disent timides et gaffeuses mais font quand même pas mal de choses improbables que je ne me verrai pas faire dans la vie. Leiloona, de Bric à Book, par exemple,  a adoré parce qu'elle a trouvé en Julie son sosie : l'identification compte certainement beaucoup pour l'appréciation de ce livre. Ensuite parce qu'à force de lire magazines et blogs, on retrouve des expressions et des situations qu'on a l'impression d'avoir déjà lues cent fois. En outre, dans ce roman, il y a une pseudo-intrigue policière, car Julie soupçonne son séduisant voisin de préparer un cambriolage : c'était de trop, beaucoup trop invraisemblable par rapport au reste de l'histoire qui se veut "croquis de vie". Bref, je suis contente d'avoir tenté l'expérience, mais pas convaincue. Je laisserai Enna et Leiloona vous convaincre sur leurs blogs respectifs. 

20 août 2016

Axl Cendres : Dysfonctionnelle

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Une belle, belle, très belle découverte chez Sarbacane !

Le choix des tags a été difficile. J'aurais pu en ajouter une dizaine de plus tant ce roman est foisonnant et ébouriffant. Et en plus, il m'a prise par surprise. 

Fausse piste n°1 : le titre et la couverture sobre et sans présence humaine me faisaient penser à une nouvelle dystopie à la Divergente. En fait, pas du tout.

Fausse piste n°2 : le premier chapitre et la quatrième de couverture nous plongent à un moment de l'histoire où Fifi, l'héroïne, n'est déjà plus une enfant, et où elle rend visite à son père déjà en prison. On se fait une image assez dure de ce père qui n'a pas l'air franchement sympathique : il reluque les serveuses, annonce de but en blanc à sa fille qu'il n'a jamais voulu d'enfants... Et puis, après cette prolepse, on repart au début de l'histoire, et on découvre des personnages plus nuancés, plus attachants, et plus nombreux.

En effet, autour de Fidèle, dite Fifi ou Bouboule, gravitent un nombre impressionnant de personnages : son père, donc, sa mère, son oncle qui vit avec eux au "Bout du monde", le bar qui appartient à la famille, à Belleville, et six frères et soeurs, tous plus différents les uns que les autres. On a un Jésus qui se prend vraiment pour Jésus, une Maryline qui se prend pour Simone Weil, une Dalida qui se prend pour quelqu'un qui ne serait pas de cette famille, quelqu'un qui pourrait se construire une vie "sans cris, sans bagarre, sans alcool, sans folie". Oui, c'est comme ça que la soeur aînée voit cette famille que Fifi qualifie elle-même de "dysfonctionnelle". Elle explique ce terme ainsi à son petit frère Grégo : "Ca veut dire une famille qui ne marche pas bien, enfin pas comme il faudrait... mais qui tient debout quand même, pigé ?". Et en fait, oui, malgré les allers-retours en prison du père, ceux en hôpital psychiatrique de la mère (traumatisée par sa déportation pendant la guerre), les caractères difficiles de certains frères et soeurs et le cadre de vie atypique du "Bout du monde"... elle tient quand même debout, cette famille. 

J'ai aimé cette phrase de Jean-Michel du blog éponyme : "M’est avis que c’est un roman qui est capable de remettre en place la personne la plus étroite d’esprit qui soit : une pensée raciste ? une intolérance aux gays ? à Johnny ? au football ? pas de problème, Axl Cendres est là pour poutrer tes préjugés moisis avec autant de talent que Barbra Streisand se déchaînant en duo avec Sinatra [...]". C'est exactement ça : j'ai rarement lu un livre (qui plus est en littérature jeunesse) qui aborde tant de situations de discriminations ou, du moins, de confrontation des différences, mais surtout, surtout, avec un naturel désarmant. L'accent est mis sur le choc des cultures, c'est ce qui pèse le plus dans la relation entre Fidèle et Sarah, son premier amour. Mais il y a tellement d'autres questions qui y sont liées ; par exemple, le passé douloureux de Fidèle dans une famille d'accueil revient tout au long de l'histoire, toujours en filigrane, à travers cette cicatrice au dos qu'elle ne montre qu'en cas de nécessité absolue et dont on ne saura jamais (non, non, j'insiste : jamais) dans quelles circonstances elle est apparue.

Par ailleurs, si j'avais lu ce livre avant le 17 juillet, il aurait trouvé sa place, proche des premières positions, dans la liste des plus belles histoires d'amour découvertes en littérature jeunesse. L'amour passion entre Fidèle et Sarah et les nombreux rebondissements au sein de leur relation m'ont fortement émue. C'est surtout cette histoire-là qui a provoqué chez moi "le cafard de la fin", selon l'expression de ClaireD de la super librairie Les Croquelinottes (elle, c'est à propos du nouveau roman de Clémentine Beauvais, Songe à la douceur).

Il va sans dire que, désormais, le nom d'Axl Cendres fera partie de ma veille littéraire : j'attends de pied ferme son prochain roman. Vivement !

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18 août 2016

Des romans sur les migrants

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J'ai déjà évoqué plusieurs fois Refuge(s), le roman d'Annelise Heurtier, que j'ai lu il y a un certain temps déjà,  ; quant à celui de Jean-Christophe Tixier, La traversée, je viens de le finir. Tous les deux sont sortis au printemps 2015, mais ils continuent bien entendu d'être "au coeur de l'actualité", comme je l'indiquais à mes élèves sur la fiche que vous pouvez voir à l'image. 

Les deux romans reposent sur une narration plutôt travaillée, qui se veut originale, avec une alternance de points de vue : il y a le personnage-narrateur principal, et d'autres personnages dont les récits s'égrènent au fil du livre. La différence, c'est que, chez Jean-Christophe Tixier, le narrateur principal, Sam, est un jeune migrant, dont le récit s'entremêle avec celui de ses compagnons de galère, alors que chez Annelise Heurtier, le personnage principal est Mila, une jeune italienne qui passe ses vacances sur l'île de Lampedusa et qui ne rencontrera jamais les migrants dont les récits croisent le sien. Seul un objet, à la toute fin du roman, servira de pont entre toutes ces histoires. Je n'en dis pas plus. 

De fait, le roman de Jean-Christophe Tixier est moins surprenant que celui d'Annelise Heurtier. Je dirais même que, pour un lecteur adulte - voire adolescent - un tant soit peu concerné par l'actualité, il ne nous apprend pas grand-chose sur la rude odyssée des migrants. Certes, il nous plonge, au sens propre, dans une traversée à son pire moment, et il ne nous épargne aucune des difficultés présentes ou passées qui accompagnent la décision de l'exil. Mais cet aspect documentaire est limité par la nécessité de faire avancer l'histoire, et la poursuite de cette histoire est elle-même entravée par la réalité de la traversée. La fin est "abrupte", des mots mêmes de l'auteur, qui s'en excuse en postface, tout en expliquant cette volonté de "rendre hommage à ces clandestins qui ignorent de quoi la minute suivante de leur vie sera faite."

Refuge(s) est un roman plus étoffé, en partie parce qu'on suit l'histoire de Mila, qui compte elle aussi son drame personnel : la mort de son frère, Manuele, dont elle et ses parents ont bien du mal à se remettre. Le fait d'avoir cette histoire en parallèle des destins des jeunes migrants, de l'autre côté de la Méditerranée, rend la lecture agréable car on se demande quand et comment les deux vont se lier. C'est l'île qui sert en fait de liaison et ce, dès le début du roman. Elle est associée à des valeurs différentes selon les personnages : Eldorado inconnu pour les migrants, lieu d'enfance ambivalent, porteur de bons et de mauvais souvenirs pour Mila. Bien sûr, la thématique de l'adolescence et des aspects qui lui sont souvent associés - l'amour, l'amitié, la famille... - est présente. Elle est mise en valeur par les adolescences malmenées des autres récits. La fin est belle, réaliste et émouvante à la fois. 

Je reste donc beaucoup plus convaincue par ce dernier livre que par La traversée, qui s'adresse certainement à un public plus jeune, avec une volonté plus marquée de faire découvrir une réalité à des lecteurs qui ne la connaissent pas encore. Il serait donc à lire en premier, et à prolonger par d'autres lectures, celle d'Annelise Heurtier, mais pas seulement. Si vous voulez rester sur l'île, il existe un roman nommé Lampedusa, de Maryline Desbiolles, paru chez L'école des loisirs en 2012 : moins actuel, mais qui permet de voir que la situation ne date pas d'aujourd'hui. En littérature jeunesse, on peut piocher dans la liste faite par Manon Guesdon, dans Le petit journal des profs. J'y découvre une collection, "Français d'ailleurs" aux éditions Autrement, dont tous les titres sont écrits par Valentine Goby : de bonnes idées de lecture pour plus tard. Et puis, pourquoi ne pas relire l'extrait de Laurent Gaudé donné au brevet 2013 ? On y parle bien de traversée, la fameuse qui mena tant de "miséreux d'Europe" vers le rêve de l'Amérique : 

Une thématique riche, qui interroge l'actualité et ouvre de beaux questionnements pour les jeunes et les moins jeunes. 

16 août 2016

Top Ten Tuesday #1 : Les 10 récits de voyage (ou livres sur le thème des voyages) lus ou à lire

TTT 1 pour récap

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire qui consiste à présenter chaque mardi 10 titres répondant à un thème littéraire précis. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français sur le blog Frogzine. (Et découvert par la petite Mu chez Forty-five weeks). 

Je ne suis pas certaine de tenir le rythme d'une chronique chaque mardi, mais cela faisait longtemps, finalement, que je n'avais pas pratiqué la liste sur ce blog, alors allons-y pour un premier TTT, et on verra bien la suite. 

Surtout, le thème du jour est évidemment idéal en ce milieu du mois d'août, et prolonge mon article de départ en vacances. D'abord, il y a mes chouchous, dont je vous ai déjà parlés : 

1°) L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, de Reif Larsen, parce que c'est LE livre idéal pour partir en voyage : en un seul volume (certes, épais), vous avez une histoire pour s'évader, des annotations dans les marges pour se cultiver, et beaucoup de fantaisie pour rêver. 

2°) Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson, parce que c'est le plus beau livre que j'aie lu (peut-être le seul, d'ailleurs) sur l'alliance de la nature et de la culture. Le tout dans un paysage glacial mais somptueux. Si vous aimez le froid, vous adorerez ; si vous aimez la chaleur, ça vous rafraîchira sans clim ni glaçons. 

3°) Lettres des Isles Girafines, d'Albert Lemant, parce que c'est le plus beau livre sur les girafes que j'aie jamais lu !! Si, comme moi, vous adorez ces grandes bestioles, vous en aurez à toutes les pages, à toutes les sauces, et vous n'aurez qu'une envie : visiter, vous aussi, le Girafawaland. 

4°) Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier parce qu'après avoir longtemps boudé cette lecture, j'ai appris à l'apprécier et je la trouve maintenant d'une très grande richesse. Un vrai dépaysement, et une réflexion sobre mais très efficace sur les rapports entre l'homme et la nature, le sauvage et le civilisé. 

5°) Refuge(s), d'Annelise Heurtier, parce que ce roman jeunesse publié en 2015 s'est emparé avec intelligence de "la question des migrants", et que, malheureusement, il est toujours d'actualité en 2016. 

 

Et puis il y en a quelques autres : 

6°) L'Odyssée, d'Homère, parce que c'est quand même le récit de voyage fondateur et incontournable, et que, déjà, tout y était : l'amour, la tentation, le conflit entre monde sauvage et monde civilisé, l'hommage à la nature, la peur des dieux, et des créatures toutes plus merveilleuses (au sens premier, c'est-à-dire extraordinaires, mais pas toujours amicales) les unes que les autres. 

7°) Les aventures de Télémaque, de Fénelon, parce que ce fut l'une de mes lectures préférées d'agrégative : assez éprouvant à lire, mais tellement passionnant à étudier. Un roman d'apprentissage qui se paye le luxe de réécrire l'un des plus grands textes fondateurs tout en faisant la satire du Roi Soleil. Le "livre divin de ce siècle", aurait dit Montesquieu. Rien que ça. 

8°) Le Magicien d'Oz, de Franck L. Baum, parce que, y'a pas, ce voyage du réel à l'imaginaire reste l'un de mes récits merveilleux préférés, et ce n'est pas pour rien que je l'ai inscrit six années de suite à ma progression de 6e. Je n'ai pas de 6e l'an prochain, snif, Dorothée et ses amis vont me manquer. 

9°) Mardi, d'Herman Melville, parce qu'il fait partie d'un programme d'agrégation que je n'ai jamais eu à travailler puisque j'ai eu le concours avant :-) Du coup, je n'ai jamais terminé ce gros pavé dont j'aimais le titre, mais qui m'a noyée avant même la moitié. 

10°) Construire un feu, de Jack London, parce que je suis obligée de finir avec de la neige, et que j'ai aimé cette nouvelle dont le héros et son orgueil souvent mal placé m'ont plu, dans leur lutte pour la survie. Une entrée dans l'univers de London plus simple que ses romans, car plus brève, et en même temps, tout aussi efficace. 

13 août 2016

Semaine de la BD, #3 : Yayoiso, ReLife

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Dernière étape dans la découverte des genres que tout le monde connaît sauf la petite Mu : les mangas. 

Pour être exacte, des mangas, j'en ai lu une série : Love Hina qui, d'après mes recherches, s'avère être un shōnen, "manga pour jeunes garçons". En effet, dans le monde du manga, la notion de cible éditoriale est prioritaire dans la classification des parutions, et s'avère très déterminée par l'opposition fille/garçon. Ce qui me laisse doublement sceptique car, pour ce qui est de Love Hina en tout cas, bien que le héros soit un jeune homme, les histoires et le cadre rappellent bon nombre de séries télé "teenagers" dont les téléspectateurs sont très souvent des téléspectatrices. 

ReLife, dans la catégorie seinen, "mangas pour jeunes hommes adultes" (de 15 à 30 ans), a ceci de particulier que c'est un manga tout en couleurs. Ceci s'explique par le fait qu'il a d'abord été publié sur téléphone et autres écrans, medium difficilement compatible avec le noir et blanc (moins lisible). Ca change, en effet, et c'est plutôt agréable, notamment pour des néophytes comme moi. L'histoire, elle, a un point de départ très actuel. Arata, un jeune homme de 27 ans (correspondant donc bien à la cible éditoriale), aimerait voir sa vie se remplir davantage, à l'instar de ses camarades, en couple et dans la vie active, mais il paye inlassablement le prix d'une erreur de parcours : sa démission d'un premier emploi au bout de trois mois, qu'on lui rappelle à chaque nouvel entretien d'embauche. Puis le récit prend un tour inattendu, voire inquiétant : un mystérieux inconnu le contacte et lui propose de le rajeunir de plusieurs années à l'aide d'une pilule spéciale, pour qu'il retourne au lycée et bénéficie ainsi d'un nouveau départ. Cet inconnu fait partie d'un institut de recherche, le fameux "ReLIFE", dont Arata ne sait rien, mais il accepte le challenge, plus ou moins contraint.

Bon. Passé ce début qui oscille entre témoignage réaliste de l'entrée pas toujours facile dans la vie adulte et thriller de science-fiction, j'ai trouvé que le rythme devenait moins trépidant et l'histoire moins palpitante. On retombe dans le côté "série teenager" dont je parlais au début, puisque le scénario tourne surtout autour de l'intégration d'Arata dans son lycée, de ses relations avec les professeurs et les élèves, de ses déboires scolaires. Il y a quelques moments un peu drôles concernant le décalage entre son âge affiché et son âge réel, mais ce n'est pas à se rouler par terre non plus. Même si Arata est attachant avec son côté râleur, j'aurais préféré en savoir plus sur la société ReLIFE et les conséquences de la pilule qui rajeunit. Il faudra lire la suite, me direz-vous : eh bien, justement,, il y a encore quatre volumes prévus, et le prochain sort mardi prochain, le 16 août !

Bilan de ma semaine découverte en BD : je ne suis décidément pas une adepte des genres assez codés et restrictifs du manga et du comic. Je reste bien plus amatrice des romans graphiques, autobiographiques ou non, avec un graphisme accessible et des dialogues travaillés. Cependant, je reconnais que les histoires d'Arata et de Khamala Khan ont un aspect original, et je suppose qu'elles peuvent s'avérer addictives au fur et à mesure des volumes.

 

10 août 2016

Semaine de la BD, #2 : Ms. Marvel

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D'un Fauve à l'autre (voir l'article sur L'arabe du futur), d'un genre à l'autre, la petite Mu plonge à présent dans l'univers des comics et des histoires de superhéros. 

J'étais tombée une première fois sur une référence à cette nouvelle série de chez Marvel ; considérant, justement, que ce n'était pas mon domaine de prédilection, je n'avais pas donné suite. Puis j'en ai entendu parler une nouvelle fois, dans un magazine professionnel, en des termes élogieux. La curiosité l'a alors emporté : une superhéroïne musulmane, à mes yeux, ce n'était pas banal ! Bon, en fait, après quelques recherches, ce n'est pas la première : dans l'univers des X-men existent en effet déjà M, depuis 1994, et Dust, depuis 2002. En outre, une série d'animation a été lancée en 2013 au Pakistan met en scène "Burka Avenger" (si, si), enseignante de jour, justicière au nom de l'éducation pour les filles de nuit. (Quelques détails à lire ici et à écouter là.)

Ms Marvel, c'est donc l'histoire de Khamala Khan, une jeune pakistaine, musulmane pratiquante, vivant aux Etats-Unis, qui écrit une fanfic sur les Avengers et qui voudrait être (pas ressembler à, vraiment être) Captain Marvel, la superhéroïne blonde qui accompagne Captain America et Ironman dans certaines de leurs aventures. Et, bim ! Un soir où elle se retrouve à une fête pour essayer d'être une ado comme les autres, et où elle boit par accident une gorgée d'alcool, un étrange brouillard se lève dans la ville, et elle se réveille face à son idole, puis, encore mieux, elle se transforme en superhéroïne ! Dans la foulée, elle sauve une de ses camarades de la noyade : ce ne sera que le début de ses aventures, évidemment. 

Au final, le premier volume de cette série prometteuse m'a laissée quelque peu sur ma faim. J'ai aimé toutes les pages où l'héroïne se pose des questions, que ce soit sur son mode de vie différent de certains de ses camarades américains, sur les limites que lui imposent ses parents et qu'elle aimerait franchir, sur sa relation avec son ami Bruno, qu'elle trouve trop protecteur avec elle mais qu'elle est quand même bien contente d'avoir à ses côtés... En revanche, dès que les superaventures se mettent en marche, ça me laisse plutôt froide. Les pouvoirs de Miss Marvel sont tellement variés qu'ils en deviennent extravagants, même pour des superpouvoirs : elle peut changer de forme, rapetisser, grandir, cicatriser ses blessures mais seulement quand elle change d'apparence... Elle trouve un méchant presque par hasard, quand le frère de Bruno se retrouve mêlé à de sales embrouilles avec un homme nommé "L'inventeur" qui a des chats électroniques dans son sous-sol. Bref, autant de choses qui peuvent certainement réjouir les fans de Marvel mais auxquelles j'aurais préféré des aventures plus réalistes. 

Ms Marvel, c'est donc bien un comic, peut-être un peu plus actuel et original que d'autres, mais j'avoue si peu m'y connaître que je ne peux même pas l'affirmer. Cette lecture confirme que ce n'est pas mon genre de prédilection ; cependant, j'avoue m'être attachée à l'héroïne et avoir envie de savoir comment elle se débrouille avec ses nouveaux pouvoirs. Ca tombe bien, il y a un tome 2 : "Génération Y". Et certainement une ribambelle de suites qui s'annoncent. 

8 août 2016

Semaine de la BD, #1 : Riad Sattouf, L'arabe du futur

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Pour cette semaine de la BD chez la petite Mu, le principe sera le suivant : découvrir des auteurs, des séries ou des genres que la petite Mu est la dernière - ou presque - à découvrir. 

En effet, les deux premiers tomes de l'autobiographie dessinée et racontée par Riad Sattouf ne datent pas d'aujourd'hui : le premier tome, paru en 2014, a remporté le Fauve d'or au festival d'Angoulême de 2015, et le deuxième tome est sorti dans la foulée en juin 2015. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire : à défaut, donc, de vous apprendre qui est cet auteur et de quoi parle cette bande dessinée, je me contenterai de vous livrer mes impressions sur un phénomène déjà connu. 

Je suis plutôt bonne cliente pour les autobiographies en bande dessinée. Qu'elles s'inscrivent dans un cadre historique, comme Persepolis, Couleur de peau : miel, Deuxième génération, ou pas du tout, comme Fraise et chocolatj'aime lire des récits de vie, voir le regard qu'un auteur porte sur lui-même, et, qui plus est en BD, un regard au sens propre : comment cet auteur illustrateur voit-il son propre corps, comment se le représente-t-il dans l'espace et le temps ? Je partais donc assez convaincue d'avance, avec, en outre, l'envie d'en apprendre davantage sur l'histoire du Moyen Orient, vue de l'intérieur. 

Je suis sortie de ma lecture un peu noyée sous le flot d'informations. C'est, parfois, je trouve, l'écueil de ces autobiographies dessinées. Le genre de la BD appelle la vivacité, exige de ramasser des morceaux entiers en une case efficace, tant par le dessin que par le texte. Dans une bonne BD, l'histoire se joue presque autant entre les cases que dans ce qui est dessiné. Or, quand on entre dans un univers qu'on ne connaît pas, ou mal, il est difficile de lire entre les lignes. J'ai eu parfois l'impression de passer à côté de faits qui devaient être évidents à Riad, enfant et adulte. Cependant, là où le pari est gagné, c'est que cette lecture donne envie d'aller chercher des précisions ou des compléments sur les faits historiques ou sociologiques abordés dans cette BD. 

De même, la BD n'étant pas spontanément un genre se prêtant aux développements ou à l'analyse, Saatouf prend le parti, justement, de ne jamais prendre parti. Les comportements de ses parents - le père et son admiration aveugle du "socialisme arabe", la mère et ses quelques coups de colère comme des coups d'épée dans l'eau - sont déstabilisants, et parfois clairement choquants. Mais aucun jugement de valeur n'est proféré par le narrateur. Dans le deuxième tome, le petit Riad qui grandit se laisse aller à exprimer davantage d'émotions : une "incroyable envie de pleurer" quand son père l'emmène chasser les moineaux, une peur bleue de l'école syrienne et de sa terrible maîtresse. Certainement que le choix d'une certaine distance vient d'une volonté de réalisme : il est toujours difficile pour un enfant - à la fin du tome 2, Riad n'a jamais que sept ans - de mettre des mots sur ses sentiments. En cela, la narration est très naturelle, car elle restitue par images des scènes que l'enfant a mémorisées, sans pour autant les avoir analysées. Finalement, il en est de même dans Persepolis, où Marjane Satrapi cherche bien à montrer à quel point il est difficile de poser un regard critique sur des lieux, des gens, des habitudes qui ont rythmé son enfance. 

Peut-être que le tome 3 (à paraître le 6 octobre) introduira peu à peu un regard plus critique ? A moins que ce parti pris de distance soit maintenu tout au long des cinq tomes annoncés ? Je reste en tout cas quelque peu sur ma faim, et j'aurai certainement besoin de relectures pour apprécier davantage cet énorme succès de la bande dessinée. 

6 août 2016

Semaine des couleurs, #3 : Flavia Ruotolo, Du matin au soir

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Découverte inopinée au détour d’un catalogue, cet album trouve sa place dans la semaine des couleurs non par son propos, mais pour ce choix bicolore tellement évocateur de l’orange et du bleu.

Le propos, quant à lui, est très original. « Une forme peut en cacher une autre… », annonce la quatrième de couverture. Flavia Ruotolo, auteure et illustratrice, invite petits et grands à prendre du recul par rapport aux images qu’elle nous propose, et à les voir différemment. Ainsi, sous un certain angle, un bol orange tacheté de blanc dans lequel repose une cuillère bleue peut se changer en champignon, aux couleurs certes inhabituelles. Une assiette bleue avec un « quartier » d’orange devient le « tour complet » d’une lune autour d’une planète à anneau…

Afficher l'image d'origine    

Les esprits rationnels chipoteront sur le caractère mensonger de certaines transformations. Mais, évidemment, c’est de poésie dont il s’agit. La terre bleue comme une orange, on a beau faire, ça parle à tout le monde. Il en est de même pour cet album très sobre, tant dans le graphisme que dans le texte, qui véhicule d’ailleurs lui aussi beaucoup de rêve.

Une belle découverte, que l’on peut prolonger avec l’album Zoo, sorti en 2011, dans lequel Flavia Ruotolo joue aussi avec les formes, en fabriquant des animaux à partir de cubes. 

Auteure et illustratrice : Flavia Ruotolo
Editions Hélium
2016

3 août 2016

Semaine des couleurs, #2 : Drew Daywalt et Oliver Jeffers, Rébellion chez les crayons

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 Vous voulez des couleurs ? Vous en aurez plein la trousse !

Car, oui, les personnages de cet album ne sont autres que les crayons de couleur du jeune Duncan. Bon, d’après les illustrations, on parlerait plutôt de pastels : en fait, dans le titre anglais, c’est le mot « crayons » qui est utilisé, et il peut effectivement signifier « craie grasse ». Pourquoi vous parlè-je du titre anglais ? Parce que c’est à Londres, lors de mon passage dans la gigantesque librairie Waterstone’s, que j’ai vu cet album pour la première fois. Un an plus tard, le voici dans ma bibliothèque.

C’est donc l’histoire d’une bande de crayons qui ont chacun de bonnes raisons de se plaindre auprès de leur propriétaire et utilisateur : le rouge et le bleu sont épuisés à force d’être mis à contribution, le noir et le rose se sentent au contraire sous-employés, le beige voudrait être appelé par son nom véritable et non des succédanés comme « brun clair » ou « blé doré »…

Toutes ces récriminations sont adressées par courrier au jeune Duncan avec, bien sûr, beaucoup d’humour, mais aussi des remarques très pertinentes sur les stéréotypes enfantins : Duncan, comme garçon, dessine des camions de pompier mais délaisse la couleur rose ; par ailleurs, comme beaucoup d’enfants (voir Pierre n’a plus peur du noir de Pastoureau), il ne considère pas le noir comme une couleur à part entière.

Les illustrations sont très sympathiques, mêlant naïveté et précision. Il y a cette impression de « collage », avec l’insertion d’images dans l’image, que j’aime beaucoup dans les albums.

C’est un album qui fera certainement rire les enfants qui aiment dessiner et qui, à son échelle, transmet aussi des réflexions sur l’esthétique, au sens large.

Et, ce qui tombe très bien, c’est que la suite, Les crayons rentrent à la maison, est à paraître le 31/08 ! 

Auteur : Drew Daywalt
Illustrateur : Oliver Jeffers
Editions Thierry Magnier
2014

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Le royaume de Kensuké

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