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La petite Mu qui plume
2 juin 2013

La pluie comme elle tombe

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un phénomène météorologique en catégorie littérature jeunesse


Là aussi, j'ai cherché à lire ce livre dans le cadre du challenge. Ce n'est pas du tout une parution récente, bien au contraire (1998). Mais, c'était drôle, à un mot près, le titre est le même qu'un roman de Coe que j'ai beaucoup aimé : La pluie, avant qu'elle tombe. Et puis, en zyeutant des résumés ici et là, pour savoir, quand même, deukwasaparl', j'ai eu l'impression de comprendre que le livre était en lien (le début, ou la fin, je ne savais pas trop) avec un livre que j'avais lu il y a très longtemps, avec, à la fin, un garçon qui vient voir une fille dans son sommeil (peut-être dans un hôpital ou quelque chose comme ça) et découvre quelque chose de perturbant dans sa bouche. Bref, en fait, ça n'a rien à voir, le livre dont je viens de parler s'appelle Les filles ne meurent jamais de Grégoire Solotareff... Bon, et si j'en venais au fait ? 

J'avais lu Comme les doigts de la main d'Olivier Adam peu de temps avant, et, même si les deux livres n'ont pas vraiment d'autre point commun que le fait de parler d'un garçon et d'une fille (original, n'est-ce-pas ?) et d'être édités chez L'Ecole des Loisirs (ah, et il y a le mot "comme" dans le titre aussi !!), je me suis fait la réflexion que le roman de Perez était comme le négatif de celui d'Adam. Je m'explique : 
Dans La pluie comme elle tombe, deux ados (dont j'ai déjà oublié le nom, honte à moi...) se retrouvent coincés dans un centre de colo de vacances pendant près d'un mois. Je dis coincés, car ils n'en avaient envie ni l'un ni l'autre. Ce qui est sûr, c'est que ce voyage va bousculer la tranquillité et le besoin de discrétion auxquels ils aspirent tous deux, car l'Amour et la Mort vont s'inviter eux aussi. La Mort s'incarne dans un accident fatal que subit un camarade du héros - enfin, non, un garçon qu'il venait à peine de rencontrer et avec qui il n'avait aucun lien, mais à cause duquel il va se retrouver au coeur de toutes les conversations du camp, car il est "celui qui a vu le gros mourir". Quant à l'Amour, c'est dans le coeur de l'héroïne qu'il apparaît, elle qui voudrait bien que le héros la regarde, comprenne qu'elle est différente des autres. 

Comme dans le roman d'Adam, les deux héros prennent la parole l'un à la suite de l'autre. Mais, en fait, c'est qu'il y en a vraiment, des points communs entre ces deux romans ! Car, je l'avais bien dit pour Comme les doigts de la main, le lien indissociable entre Eros et Thanatos est finalement lui aussi à l'honneur, même si c'est sur un tout autre mode : Serge Perez choisit résolument l'humour, avec une plume qui rappelle les auteurs humoristiques "classiques" de l'Ecole des Loisirs (Murail, Agnès Desarthe, Susie Morgenstern...), beaucoup d'autodérision chez les deux héros, une dédramatisation des évènements les plus dramatiques, comme cette mort qui, finalement, ne signifie pas grand-chose pour les adolescents, mais va quand même déclencher une foule de réflexions chez eux. 

Mais, si je parlais de romans "en négatif", c'est qu'Olivier Adam raconte comment, en une seule nuit, le contact entre deux adolescents se transforme en relation fusionnelle, en aimantation, en passion, Serge Perez montre, lui, comment deux êtres qui pourraient être faits l'un pour l'autre peuvent vivre pendant un mois dans des parallèles qui ne se rejoindront jamais. Et les deux fins sont vraiment l'envers l'une de l'autre. 

Voilà, j'ai tiré le fil de la comparaison entre ces deux romans sans me rendre compte qu'en fait, en le déroulant, ce serait une vraie mine ! J'ai en tout cas préféré le roman de Perez, car plus drôle, et nettement plus original à mon goût, même si plus amer, du coup. 

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12 mai 2013

Une putain de belle nuit

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un gros mot en catégorie littérature jeunesse

 

Alors là, pour le coup, j'avoue : j'ai choisi ce livre uniquement pour remplir la case manquante de ma grille "littérature jeunesse" pour le challenge petit bac. J'ai trouvé le titre en fouinant sur Internet, et l'histoire présentée m'attirait sans m'attirer : neuf adolescents bloqués en rase campagne suite à l'accident du car qui les ramenait chez eux après un match, et qui en profitent pour régler certains comptes, j'étais dubitative. Cela pouvait aussi bien être une vraie révélation comme un énième récit à plusieurs voix (type de récit auquel je semble être abonnée en ce moment) avec les énièmes thématiques adolescentes. 

Ma vraie impression, après lecture, se situerait entre les deux. Pas un roman exceptionnel, mais pas à mettre à la poubelle tout de même. 

Les défauts que j'y ai trouvés :
- j'ai eu du mal, surtout au début (mais même encore à la fin), à m'y retrouver dans les personnages. Pourtant, ils ne sont que neuf, mais les prénoms sont pour la plupart archi-classiques (Thomas, Cédric, Léo...). Et ils auraient gagné à être davantage caractérisés, notamment dans leur manière de parler, puisque le but de ce récit est justement (si j'ai bien compris l'intention) de montrer que, dans cette bande, cette équipe de hand, chaque individu est différent, avec ses peurs, ses passions, ses colères. L'idée était bonne mais pas suffisamment exploitée à mes yeux.
- les sentiments n'ont pas été, selon moi, suffisamment exacerbés. J'ai souvent trouvé que les réactions des ados étaient un peu légères, un peu molles, face aux évènements pourtant tragiques qui leur arrivent : ils sont perdus en rase campagne sans aucune certitude qu'on les retrouvera, leur entraîneur est gravement blessé, le chauffeur du car est mort. D'accord, on parle un peu de cette mort, mais sans plus. 

Ce que j'ai néanmoins aimé :
- certaines histoires qui émergent petit à petit, bien noyées dans les problèmes collectifs au début, mais qui font surface au fil de la nuit ;
- l'écriture, qui respecte le niveau de langue d'un adolescent, sans pour autant céder aux facilités de la vulgarité ou du parler "djeunz".

Finalement, une lecture pas immortelle, mais pas désagréable non plus. (Désolée pour la platitude de certaines de mes phrases, je ne suis guère inspirée aujourd'hui, d'autant plus que ces lectures remontent à deux semaines...)

 

12 mai 2013

La décision

 Encore une fois, les chaudes recommandations qui m'avaient été faites à propos de ce roman, par plusieurs personnes différentes, ont créé chez moi trop d'attente : j'ai été déçue par rapport à ces attentes (de manière toutefois moins grande que pour le roman d'Hubert Ben Kemoun). 

Certes, outre ces recommandations, le thème m'avait attirée : à savoir, le déni de grossesse, qui plus est vécu par une adolescente. C'est sans nul doute un thème fort, qui permet d'en aborder d'autres de manière percutante, la question de la maternité, du passage à l'âge adulte, des relations aux autres. C'est aussi un thème qui véhicule beaucoup de mystère. D'abord, un mystère médical, scientifique, car c'est une situation qui est évidemment difficile à comprendre, et tout simplement à croire. Elle peut vite faire l'objet de récits ultra-médiatiques : j'ai d'ailleurs regardé, pile au milieu de ma lecture, un épisode de Toute une histoire, talk-show hautement culturel (mais j'aime bien Sophie Davant), sur ces mystères liés à la grossesse. J'ai ensuite appris que Sheryfa Luna (restons dans la Culture) avait vécu elle aussi un déni de grossesse, et bien sûr on trouve sur le net quantité d'articles faisant référence à ce sujet, et à la polémique qui avait apparemment entouré l'annonce de sa grossesse, jetant des doutes sur sa victoire à Popstars. 

Bref, ce n'est pas pour vous faire un dossier de presse sur les phénomènes télé que je vous dis tout ça, mais pour insister sur le fil conducteur qu'on retrouve dans le roman d'Isabelle Pandazopoulos : le mystère et le questionnement. Bien sûr, de manière beaucoup plus subtile que dans la presse people ou sur les plateaux de France 2. L'écrivaine a choisi de raconter l'histoire à travers différents points de vue : cela retarde évidemment le moment où nous lirons enfin la vraie version, celle de l'héroïne, Louise. Car, depuis son malaise en cours de maths, qui s'est terminé par un accouchement imprévu dans les toilettes du lycée, personne ne peut dire ce qu'il s'est passé. Les informations arrivent au compte-gouttes, et les questions affluent, inévitablement : qui est le père ? Pourquoi Louise n'en a-t-elle jamais à personne, ni ses parents, ni ses amis ? Et surtout : que va-t-elle faire à présent ? 

Ce qui est assez frustrant, c'est que, lorsque la parole est donnée à Louise, on n'en apprend guère plus. Mais, en même temps que je me faisais cette réflexion pendant ma lecture, je me rendais compte de sa naïveté : on ne peut être que bouleversé par un tel évènement, et il est extrêmement difficile de poser des mots cohérents sur les faits, et même sur les sentiments éprouvés. De ce point de vue-là, le roman respecte bien cette difficulté, le chaos qui règne dans l'esprit de la jeune fille. 

La deuxième moitié du roman change quelque peu de rythme. Louise décide de vivre dans un centre hospitalier où elle peut à la fois être aidée et avoir son bébé auprès d'elle. A partir de là, le roman suit deux types de voix, des voix qui cherchent leur voie (vous m'autoriserez bien cette facilité) : la première, c'est la voix de Louise, qui cherche à s'apprivoiser, et à savoir si, oui ou non, elle est prête à être mère. La deuxième, c'est celle, confuse, chorale, de ses amis : ils veulent comprendre, et en particulier Samuel. C'est alors la confrontation des points de vue, des micro-scènes, des flash-backs, qui permettent d'arriver peu à peu à la vérité. 

C'est clairement cette deuxième moitié que j'ai préférée, car elle est extrêmement riche : entre récit d'introspection adolescente, témoignage sur la difficulté d'être mère à dix-huit ans, et suspense digne d'un roman policier. Je ne dirai rien sur la fin (même sous la torture), mais elle révèle un autre sujet, fort, qui m'a presque plus touchée, finalement, que la question du déni de grossesse. 

En fait, ce qui m'a déçue, c'est peut-être l'écriture, que je n'ai pas trouvé tellement originale, par rapport à ce que je lis en ce moment en littérature jeunesse. Le roman à plusieurs voix, c'est même un trait récurrent dans mes dernières lectures (une nouvelle de La couleur de la rage, le roman Une putain de belle nuit, et jusqu'à un album qui m'a été présenté en formation, Une histoire à quatre voix). Le ton adopté pour faire parler les lycéens n'était pas toujours convaincant à mes yeux, je le trouvais un peu léger par rapport au sujet. C'est donc bien la fin du roman qui a compensé toutes ces choses-là. 

Une lecture qui pourra être prolongée par l'autobiographie de Sheryfa Luna, T'étais déjà là mon fils, mais...

 

PS : Une plaisanterie se cache dans ce billet, saurez-vous la retrouver ?...

 

12 mai 2013

La couleur de la rage

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un sentiment (mais ça aurait aussi pu être une couleur) en catégorie littérature jeunesse

 

La quatrième de couverture m'apprend que je vais lire six nouvelles, "par un maître incontesté du genre". Je connais Jean-Noël Blanc, mais n'ai rien lu de lui, et j'ignorais même que c'était un auteur d'mon coin (Saint-Etienne forever). 

Je suis allée vers ce livre pour différentes raisons : le titre, parfaite invitation pour un nouvel opus du challenge petit bac, la collection (Scripto de chez Gallimard, que je commence à connaître : Max, La décision, Silhouette, Arthur l'autre légende), et la rapide présentation, qui met en valeur le point commun de ces six nouvelles, à savoir le thème de la construction psychologique chez l'adolescent. 

La première nouvelle, "Fugue en mineur", qui raconte la fugue d'un ado, racontée à plusieurs voix (sa mère, son beau-père, ses profs, les gens qu'il croise au cours de sa fugue...), ne m'a pas vraiment convaincue, sauf... à la fin. Ce qui est finalement le marque des nouvelles réussies - pas exceptionnelles, mais réussies. Les suivantes m'ont davantage accrochée, comme la deuxième, "Toi au moins tu dis rien", beaucoup plus courte, mais aussi plus poignante, avec un choix narratif différent (le monologue intérieur de l'héroïne) et sacrément efficace. La variété de techniques narratives semble d'ailleurs être la patte de l'auteur : superposition de récits de différentes époques dans "Ce genre de vieilles histoires", micro-chapitres égrenant les pronoms personnels sujets dans "Petite colombe" (je, tu, il, elle, nous... pour ceux qui auraient oublié leurs cours de grammaire)... 

J'ai beaucoup aimé "Ce genre de vieilles histoires", nouvelle dans laquelle deux adolescents visitent, lors d'un voyage scolaire, un lieu avec "un nom polonais, avec des S, des C et des Z partout" (dixit Rodolphe, adolescent quelque peu égocentrique et peu intéressé par les cours d'histoire), autrement dit "Auschwitz" (ça, c'est Simon, un peu plus concerné, qui le sait). Un lieu qui raconte de vieilles histoires, et qui pourrait bien transformer un ado-de-base en adulte conscient de l'Histoire qui s'est déroulée avant lui. 

Enfin, "Le vainqueur" et "Ping-pong", courtes, remplissent efficacement leur fonction : serrer le ventre du lecteur à la fin d'une histoire somme toute banale. 

Un recueil à comparer à celui de Jean-Claude Mourlevat, Silhouette, même si les personnages principaux et les histoires ne sont pas tout à fait les mêmes, et une lecture tout à fait agréable. 

 Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

11 mai 2013

Comme les doigts de la main

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : une partie du corps en catégorie littérature jeunesse

 

Il s'agit d'un beau récit de deux adolescents qui se retrouvent à l'hôpital pour une nuit, pour des problèmes plus ou moins impressionnants, sans enjeu vital néanmoins : "Chloé a une hanche qui se bloque à cause d'un petit bout d'os mort. Antoine a un doigt retourné, plié en deux pendant un cours de tennis." (je reprends la quatrième de couverture) Et ils partageront la même chambre cette nuit-là. 

Evidemment, ce sera une histoire d'amour. Du genre très court, très intense, puisqu'aucun des deux personnages ne sait ce qui se passera le lendemain matin, s'ils se reverront, s'il y aura un après. Mais cela ne les empêche pas de partager des mots, des confidences, notamment autour de la mort de leur père (car ils ont ceci en commun), et des émotions, pendant une échappée nocturne au bord d'un fleuve.

La grande force de cette histoire d'amour, outre cette intensité obligatoire (vivre vite, carpe diem, et toutes ces choses-là), c'est qu'elle est indissociable d'une peur de la mort. Et on sait bien qu'en littérature, l'amour et la mort, ça va souvent ensemble. Cet extrait en est la preuve : 

"- Mon père est mort comme ça, a dit Chloé.
Et sa voix a résonné longtemps après ça. Je l'ai embrassée pour que ça s'arrête de tourner dans nos crânes à tous les deux. Sa bouche, c'était d'une telle douceur, et son corps abandonné entre mes bras, pareil."

Dans cet extrait, on peut lire le besoin de combler le manque par l'amour, réparer un abandon par une aventure, mais toujours montré avec beaucoup d'optimisme, d'envie, d'enthousiasme. C'est l'amour comme moyen de surmonter ses peurs ou ses traumatismes. 

J'ai trouvé l'idée très belle, mais j'ai malheureusement été comme noyée dans une histoire peut-être trop longuement racontée. Le choix d'alterner la voix de Chloé avec celle d'Antoine oblige forcément à des redondances (volontaires, sinon Olivier Adam aurait choisi une autre forme narrative), et, pour moi, l'intérêt de l'histoire a été dilué. Je suis certainement passée à côté de la force du récit, c'est pourquoi je conseillerais tout de même la lecture de ce roman qui trouvera sans doute un écho, tant les thèmes qu'il aborde sont universels. 

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10 mai 2013

Max

Découverte littérature jeunesse 2012-2013

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un prénom en catégorie littérature jeunesse

(Publié en mai 2012, ce roman vient d'être lauréat du Prix Sorcières 2013. Il m'a tapé dans l'oeil lorsque je l'ai aperçu dans la vitrine de ma librairie viennoise préférée. Aussitôt vu, aussitôt acheté, presque aussitôt lu, et hop, la case "prénom" dans la sous-catégorie "littérature jeunesse" de mon challenge petit bac est remplie.)

Je connais et j'aime Sarah Cohen-Scali. J'ai lu d'elle plusieurs choses assez différentes : une belle biographie de Rimbaud, plusieurs romans policiers, dont Agathe en flagrant délire, roman épistolaire dont il faudra que je parle vite, même si ma lecture remonte à moultes années, des nouvelles plutôt choc, qui m'ont laissé un souvenir marquant. Je découvre avec ce roman-là une nouvelle facette, encore, de son oeuvre. 

Tout comme l'a été Swing à Berlin, plus tôt dans l'année scolaire, Max est un coup de coeur pour moi (et pas que pour moi, visiblement). Parce que, tout comme Swing à Berlin, il choisit un angle tout à fait original pour plonger le jeune (et le moins jeune) lecteur dans une époque qu'on a l'impression de ne connaître que trop, le IIIe Reich et ses nombreuses ignominies. Mais en fait, non, on ne le connaissait pas tant que ça : dans le roman de Christophe Lambert, j'avais découvert la création des groupes de "jazz aryen" par Goebbels, et ici, le programme "Lebensborn" ("source de vie"). Il s'agissait de faire s'accoupler des femmes de pure race aryenne, préalablement triées, avec des SS correspondant aux mêmes critères de pureté, évidemment : les bébés ainsi procréés devenaient les fils adoptifs du Führer, enfants spirituels mais bien réels, destinés à grossir les rangs de l'armée hitlérienne. 

L'autre choix efficace de ce roman est de faire raconter l'histoire par l'un de ces bébés Lebensborn lui-même. Et l'histoire commence dès les toutes premières minutes du nourrisson fraîchement sorti du ventre, pour se finir l'année de ses neuf ans. Entre ces deux bornes, cet enfant monstrueux de par sa création et son esprit endoctriné ne nous épargne rien, rien de ce qu'il sait en tout cas - mais il en sait beaucoup. Sur les mots codés (un nouveau-né "désinfecté", c'est un nouveau-né tué, par exemple, de même qu'une "réinstallation" est aussi une élimination mortelle de tout adulte ayant failli à sa tâche), sur les atrocités subies par tous les indésirables du régime (et même par ceux qui semblaient, au premier regard, correspondre parfaitement aux critères d'Hitler et sa bande). 
La grande force de ce choix narratif est qu'on est plongé en plein coeur des rouages du nazisme, mais sans oublier un seul moment qu'on est dans la tête d'un enfant. On assiste à ses moments de certitude : sa mère est l'Allemagne, son père le Führer, et rien d'autre n'a d'importance à ses yeux que de rester conforme à la volonté de ces parents-là. Oui, mais il y a aussi le doute qui s'immisce parfois : et si on pouvait s'attacher à d'autres que soi, et à vouloir protéger même ceux qui sont censés être nos pires ennemis ? 

Il s'agit donc d'un roman qui apprend l'Histoire, et qui fait froid dans le dos, même si tout est raconté avec les mots d'un enfant. Ce qui, finalement, est presque pire : une horreur décrite avec les mots de l'innocence, cela a bien plus de portée que le langage habituel, celui des adultes, avec les mots qu'on connaît par coeur pour les avoir lus des centaines de fois dans les manuels d'histoire. Mais c'est aussi un roman qui apprend à vivre, et qui apprend l'espoir : si la survie n'est pas toujours possible dans un contexte aussi difficile que celui d'une guerre mondiale (un conseil : ne vous attachez pas trop aux personnages !...), du moins peut-on croire que la haine, elle non plus, n'est pas immortelle, et qu'il suffit parfois de rencontrer les bonnes personnes. 

J'ai lu cette critique que je trouve très bonne et très bien écrite. 

Ce roman trouvera parfaitement sa place dans un CDI ou une bibliothèque de classe, et je suis convaincue que quelques pages lues à voix haute, bien choisies, pourront convaincre de nombreux lecteurs de tenter l'aventure, malgré l'allure épaisse de l'objet (472 pages. Mais moi, j'en aurais redemandé !)

 

6 mai 2013

Laisse brûler

Ayant déjà présenté Antoine Dole, commenté son écriture percutante et marquante, bien que parfois dérangeante, je vais aller, ici, directement à l'essentiel. 

Dans ce deuxième roman publié par l'auteur, j'ai aimé le travail très soigné sur la narration. Trois personnages, qui nous sont présentés sur la quatrième de couverture, sont tour à tour narrateurs de leur histoire, mais avec des choix stylistiques différents : Noah, "qui se gave de rancoeur et de médicaments depuis qu'un certain Julien l'a anéanti", parle à la première personne ; l'histoire de Maxime, "qui tombe amoureux de Noah juste au moment où celui-ci rompt avec lui", est narrée à la troisième personne ; quant à la mésaventure, si l'on peut dire, de Julien, "qui s'éveille nu, dans une cave, ligoté à une chaise", c'est à la deuxième personne qu'elle est racontée. Choix original qu'on voit rarement (l'exemple le plus connu est La modification de Butor). 

Et surtout j'ai aimé l'histoire qui est une "vraie" histoire, avec une vraie construction : des liens entre personnages apparaissent petit à petit, des révélations sont faites par flashbacks, point trop tôt ni trop tard, et c'est à une véritable scène de thriller qu'on assiste avec le personnage de Maxime. J'ai été embarquée dans cette histoire, me doutant de certaines choses, pas d'autres. Et j'ai trouvé que l'ensemble sonnait très vrai. Je n'ai pas eu (à la différence de Je reviens de mourir) l'impression d'un roman "gratuit", qui exposerait des situations de souffrance sans les emmener vers quelque chose. (Je suis assez dure avec Je reviens de mourir, mais ce n'est que pour appuyer le fait que j'ai aimé Laisse brûler !)

Seul un détail m'a perturbé [edit : problème résolu !]. Pour ne pas en dire trop, je formulerai ma remarque dans les commentaires. 

Promis, mon parcours dans l'oeuvre de cet auteur n'est pas terminé ! 

6 mai 2013

Je reviens de mourir

 J'ai déjà parlé d'Antoine Dole ici. Et . Et j'en parlerai encore : j'ai fini Laisse brûler. Je commence donc à être pas mal sur sa bibliographie. Surtout, je commence donc à connaître son écriture, et aussi à pouvoir comparer ses oeuvres entre elle. 

Tout comme K-Cendres, Je reviens de mourir (publié lui aussi aux éditions Sarbacane dans la collection Exprim', que j'ai ainsi découverte) ne laisse pas indifférent. Comment l'être face à cette histoire croisée de deux jeunes femmes, Marion et Eve, l'une prostituée par l'homme dont elle est folle amoureuse, l'autre se droguant au sexe jusqu'à écoeurement pour ne pas tomber dans les "pièges" de l'amour ? D'autant plus que l'écriture, là encore, est dure, brute et brutale, ne faisant aucune concession. 

J'ai vu ici et là sur Internet que ce roman faisait grand débat, notamment auprès des libraire et des bibliothécaires, avec une question récurrente : dans quel rayon le classer ? Autrement dit, à quel "public" est-il destiné ? La collection Exprim' vise les 15-25 ans. Sur leur site, Je reviens de mourir est même indiqué "à partir de 14 ans". Mais ce roman peut-il vraiment se lire à cet âge-là ? Pour répondre non, les deux arguments avancés sont le caractère sexuel de certaines scènes, renforcé par un langage cru, d'une part, et d'autre part, la noirceur de l'univers présenté, qui semble indiquer que l'amour n'a aucune issue.

Le premier argument est discutable et je ne le discuterai pas : je sais que, pour ma part, je goûte peu ce langage cru dans les romans de manière générale (qu'ils soient pour ados ou pour adultes), mais je ne me permettrai pas de l'interdire aux ados car, effectivement, il ne faut pas s'arrêter à ça dans un roman.
Le deuxième argument me touche davantage : effectivement, tout est très noir dans ce roman. Alors, certes, on ne vit pas dans le monde des Bisounours, et on ne va pas se sentir obligé de mettre des happy end partout sous prétexte qu'on s'adresse à des adolescents (c'est d'ailleurs ce que je critique dans le livre d'Hubert Ben Kemoun que j'ai lu précédemment). Mais je ne suis pas pour autant certaine de l'effet produit : est-ce un livre qui permet de trouver l'impulsion nécessaire pour donner un sens à sa vie, à ses relations amoureuses, pour éviter à tout prix d'en arriver là où en arrivent Marion et Eve ? Ne risque-t-on pas, au contraire, de dégoûter et de laisser la porte ouverte à des généralisations ? Par exemple, dans ce livre, les personnages masculins sont quand même sacrément écoeurants, et rien ne semble sauver la gente masculine (à part peut-être l'homme au fauteuil, mais qu'on ne rencontre que l'espace de deux pages). A ce titre, j'ai préféré K-Cendres, où le personnage de Marcus laisse flotter tout de même un espoir au-dessus de ce monde de brutes.

Je ne suis donc pas convaincue par ce roman-là ; mais ne vous inquiétez pas, fans d'Antoine Dole, il reste Laisse brûler, et vous allez lire des choses plus positives !  

6 mai 2013

La fille seule dans le vestiaire des garçons

Une belle... déception ! 

Pourtant le libraire de chez Lucioles m'a assuré que ce serait génial. En fait, c'est surtout la quatrième de couverture qui m'a trompée. La voici :

"Tout commence par un baiser, comme une chance, une promesse pour Marion. Une aubaine pour une jeune fille toujours si maladroite avec les garçons. Mais ce baiser va faire de sa vie un enfer. Peu à peu, la honte laisse toute la place à la rage, et Marion prépare sa vengeance. Sans réfléchir aux conséquences de ses actes..."

Peut-être encore imprégnée de Tarja, ou des romans d'Antoine Dole, je m'attendais à une histoire plus "choc". D'après le titre également : je m'attendais à une histoire de harcèlement, de viol, à une réflexion sur la difficulté à se protéger quand on se fait agresser sans témoin. 

En fait, c'est une histoire comme il y en a tant, d'une adolescente à qui les relations avec les garçons posent problème, avec la panoplie habituelle (intello sans véritables amis, parents séparés, mère sympa-mais-paumée, petit frère pénible-mais-adorable...), qui veut se venger d'un garçon allé trop loin dans la provocation. La scène de la vengeance (c'est elle qui se passe "dans le vestiaire des garçons", en fait) est plutôt savoureuse, c'est vrai. Mais la fin, dégoulinante de bonheur et de retournements de situation, gâche le tout.

Le seul intérêt de ce roman est d'être encore l'un des seuls (du moins, dans ceux que j'ai lus) à introduire les réseaux sociaux dans l'histoire de manière intelligente, pour en montrer les dangers et les répercussions sur les personnes. Mais rien de bien profond là-dedans au final. 

Paraît-il que c'est un auteur qui a fait plein de choses super : j'essaierai de ne pas rester sur un échec, et de persévérer... (mais ma liste à lire est déjà teeeeeeeeeeellement longue que, ben... ça attendra !)

4 mai 2013

De grandes espérances

Comme nous l'annonce la jaquette intérieure du livre, c'est apparemment le projet de retraite de Marie-Aude Murail que de traduire Dickens en l'adaptant "pas seulement au jeune lecteur, mais aussi au lecteur contemporain qui n'a plus le temps de s'ennuyer" (je passe sur cette dernière remarque qui me fait plutôt bondir, mais on parle de Marie-Aude, alors, on n'a pas le droit de dire du mal). La retraite, elle n'y est pas encore, mais elle s'est déjà attelée à ce roman moins connu : Great Expectations (titre original).

Sur le site de l'Ecole des Loisirs, on trouve ces mots de l'adaptatrice : 

«De grandes espérances est tout à la fois une histoire d’amour et un thriller, une comédie sociale et un roman populaire. On y trouve tous les ingrédients qu’on associe au nom de Dickens : un petit orphelin martyrisé, une mystérieuse fortune ou un homme de loi tortueux, mais aussi, plus insolite, un narrateur, Philip Pirrip, dit Pip, antihéros à l’humour acidulé, et qui peine à grandir tout au long de cette éducation sentimentale à l’anglaise. Mon travail d’adaptatrice a été celui que je faisais quand je lisais Dickens à voix haute à mes enfants, et que Dickens pratiquait lui-même sur ses œuvres quand il devait les lire en public. J’ai ôté au récit ses longueurs et ses redondances, j’ai donné aux personnages et aux phrases même cette netteté qui fait que les choses vous sautent aux yeux, que ce soit la terrifiante rencontre du petit Pip avec le forçat évadé au milieu des tombes du marais ou l’apparition spectrale de Miss Havisham, la fiancée trahie qui n’a plus jamais quitté sa robe de mariée. J’ai souhaité que De grandes espérances soit illustré comme l’étaient tous les romans de Dickens à leur parution. Les aquarelles de Philippe Dumas seront pour le lecteur autant de fenêtres ouvertes sur ce monde contrasté qui envoûta mon imagination quand j’avais seize ans, la Merry England des tavernes, des braves gens et des cottages fleuris, et l’Angleterre crépusculaire des écluses noyées sous la pluie et des bas-fonds de Londres à l’ombre du gibet d’Old Bailey.» 

J'ai découvert avec plaisir cette histoire imprégnée de la fantaisie habituelle de l'auteur anglais, cette manière toute particulière de parler d'événements les plus tragiques ou effrayants, cette succession de rebondissements à n'en plus finir. La ribambelle de personnages présentée dans la première partie du livre est un peu déroutante, mais elle trouve tout son sens dans la dernière partie, où des liens de parenté insoupçonnés apparaissent, transformant ce récit d'aventure en une sorte de thriller, avec son lot de révélations. Cette dernière partie, je l'ai lue d'une traite, alors que je chipotais un peu au début.

Les aquarelles de Philippe (encore un Pip ?) Dumas sont effectivement très réussies, et, en fouinant sur le Net pour trouver des précisions sur cet illustrateur, j'ai appris qu'il était l'auteur de deux albums que j'ai lus et possédés, enfant, et qui m'ont laissé un très agréable souvenir : Victor Hugo s'est égaré, ainsi que Le convive comme il faut, sorte de manuel de bonnes manières assez savoureux. 

Une lecture donc fort agréable, dans un registre bien différent de la précédente

3 mai 2013

K-Cendres

C'est un livre qui laisse des traces dont je vais vous parler là. L'histoire d'une adolescente qu'on découvre enfermée dans un HP (hôpital psychiatrique : il faut s'habituer à certaines abréviations et à certaines sigles dans ce livre) puis, dix ans plus tard, dans les coulisses du Zénith, s'apprêtant à donner un concert devant des milliers de personnes. Elle est devenue K-Cendres, star du rap, managée par une maison de disques sans états d'âme, le label 3fall. Toujours aussi ravagée de l'intérieur, ses textes n'ont pas la même résonance pour son public et pour elle : ses fans hystériques adulent le personnage torturé et n'écoutent que peu les paroles (c'est du moins ce dont on a l'impression), alors que, pour elle, ce sont des avertissements, des appels au secours et, en fait, des visions : les faits divers qu'elle décrit dans ses chansons ont la fâcheuse tendance à se produire très vite dans la réalité à peine la chanson terminée. Toute ressemblance avec le mythe antique de Cassandre est totalement assumée. Mais personne ne croit Alexandra, que son boss appelle "Kass" : lui veut surtout continuer de croire qu'elle est sa poule aux oeufs d'or, même si les autres (l'attachée de presse, le manager...) la trouvent plutôt "cassos'", voire bonne pour la casse. 

Il faut être préparé pour lire ce roman dont l'histoire était sacrément attirante : c'est dur, très dur. On se ramasse en pleine poire les crises de K-Cendres, mélange de rage, de douleur, de scarifications et d'overdose aux médicaments. Tout ce qui gravite autour d'elle semble baigner dans une noirceur incomparable : l'amour n'est que sexe et dépendances, les liens humains sont souvent faux, la drogue attend son heure, la mort rôde. Un seul personnage baigne dans la lumière, comme un roc insubmersible : Marcus, garde du corps de K-Cendres, le seul à l'écouter, à la protéger, et, presque, à la comprendre. Mais Marcus n'est pas Zeus et il ne peut décider de tout. 

Pour ma part, j'ai malheureusement été gênée par le niveau de langue adopté dans ce récit. J'avais trouvé celui d'A copier cent fois pur, oral, mais suffisamment neutre pour convenir à "tout public". Ici, le choix a été fait de se tourner vers une langue brute, souvent grossière, avec nombre d'expressions typées, verlan, abréviations... Je reconnais que cela colle à l'univers du rap tel qu'on se le représente, et que cette brutalité du style contribue à la dureté du récit. Mais je suis une puriste et je suis toujours gênée par ce genre d'écriture. Je continue de penser qu'on peut arriver aux mêmes fins en respectant un niveau de langue courant. Bon, c'est facile à dire quand on n'a pas soi-même écrit le bouquin, hein ! Je suis peut-être tout simplement déçue de ne pas pouvoir mettre ce livre entre les mains de mes élèves de cinquième, eux qui avaient aimé A copier cent fois

Mais, armés de ces mises en garde, je vous conseille tout de même cette lecture, chers visiteurs, car elle n'a pas son pareil en littérature jeunesse. 

29 avril 2013

Lettres de l'intérieur

Allez, sur ma lancée, je re-plume. Je vais tenter de mettre à jour ma liste de lectures cursives, ce qui n'est pas une mince affaire, puisqu'elle mêle des titres lus il y a fort longtemps, d'autres pas complètement lus mais figurant sur ma liste d'après des conseils d'autres collègues, et d'autres encore tellement marquants pour moi que je ne sais pas par où commencer pour plumer à leur sujet. 

Lettres de l'intérieur fait partie de cette dernière catégorie. Bref historique de ma rencontre avec ce livre : 

1998 (je crois) : je fais partie du jury décernant le Prix Lucioles des jeunes lecteurs. On se réunit une fois tous les deux mois, on échange nos impressions sur une série de livres parus dans l'année en littérature jeunesse, pré-sélectionnés par la libraire responsable du rayon jeunesse, et à la fin de l'année, on élit notre préféré. Cette année-là, Lettres de l'intérieur a été élu à une grande majorité. 

Par la suite, je l'ai souvent relu, souvent conseillé. Arrivée sur mon premier poste d'enseignante, quelle ne fut pas ma joie (et ma surprise) de découvrir que le CDI de mon collège possédait ce roman, en série qui plus est !! Les anciens programmes permettant à l'époque de travailler la littérature jeunesse en oeuvre intégrale (c'est-à-dire en l'étudiant en classe), je me suis jetée sur l'occasion avec ma classe de 4e, dans mon chapitre sur l'épistolaire. Pari gagnant : la majorité des élèves de la classe ont aimé ce livre. L'une d'entre elles a prononcé LA phrase magique : "Madame, je n'aime pas lire, et ben pourtant je l'ai dévoré, celui-là !" (NB : plus tard dans l'année, c'est elle qui m'a réclamé L'île des esclaves de Marivaux, pour le lire en entier après un extrait étudié en classe). 

L'an dernier, je l'ai proposé dans ma liste de lectures cursives sur l'épistolaire. Seule une élève l'a choisi (il faut dire qu'en Ecole des Loisirs, ce n'est pas le plus bas prix...) mais elle l'a aimé aussi. Je ne l'ai plus proposé en oeuvre intégrale pour me conformer aux nouveaux programmes (et parce que je suis d'accord avec l'idée de se concentrer, en classe, sur des lectures plus classiques et plus difficiles, en laissant la littérature jeunesse pour les lectures à la maison). 

Bref, tout ça pour dire que ce livre traverse les années et les générations et qu'il fonctionne toujours. 

Quand je l'ai découvert, ce fut vraiment une lecture coup de poing. J'ai tout adoré : la narration sous forme de lettres, les personnages, l'intrigue aux nombreux rebondissements, les thèmes. 

Impossible de résumer ce livre sans dévoiler la révélation qui a lieu au milieu du livre. Auparavant, l'histoire semble être celle, banale, de deux adolescentes qui ne se connaissent que par l'intermédiaire d'une annonce postée dans un magazine : Tracey cherche une correspondante et Mandy lui répond. Elles s'écrivent des lettres d'adolescentes, mais un certain déséquilibre se fait voir petit à petit : si Mandy connaît les déboires d'une vie sans originalité (des parents aimants mais des galères financières, une soeur ultra-complice mais des histoires de coeur compliquées...), Tracey, elle, semble avoir une vie parfaite : fille unique, gâtée par des parents richissimes, un petit ami sans défauts, des fêtes à tire-larigots... C'est à la moitié du roman que tout bascule. Des thématiques traditionnelles du roman d'ados, on passe à des thèmes beaucoup plus durs, qui nous sortent de notre quotidien. Les personnages s'étoffent alors. 
Âmes sensibles s'abstenir : le style est familier dans la première partie, celui de deux ados qui s'écrivent sans chichis, mais il se fait violent et cru dans la deuxième partie. Certains faits sont dévoilés tels quels, d'autres sont sous-entendus mais se comprennent assez aisément. Certains resteront toujours dans le secret, ce qui est presque pire, car on peut tout imaginer. La fin est complètement inattendue : il faut avoir les nerfs solides. 

L'intérêt pédagogique de ce roman n'est certes pas dans le style, qui reste très oral (qui plus est, traduit de l'australien - mais pas Valérie Dayre, qui n'est pas n'importe qui). En revanche, la structure est éminemment intéressante dans un chapitre sur l'épistolaire : l'échange parfois déséquilibré entre les deux amies, certaines lettres laissées sans réponse permettent de travailler sur les différents points de vue, et de montrer que, dans un roman épistolaire, l'intrigue se construit "en pointillés". Pour travailler sur l'implicite, c'est parfait. On peut proposer, à partir de la fin, divers travaux d'écriture permettant de vérifier ce que les élèves ont compris, et de tester leur imagination. Enfin, une réflexion annexe peut être menée sur les avantages et les limites (voire les dangers) d'une communication virtuelle : j'ai testé une sorte de "débat" avec ma classe de quatrième et il en est sorti des choses très intéressantes. 

Je le conseille et le re-conseille donc. Documentalistes, faites-le acheter pour votre CDI, et, si vous le pouvez, en série : on a besoin de ce genre de livres pour montrer aux élèves que la littérature n'est pas un truc ennuyeux et réservé aux adultes. 

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Le royaume de Kensuké

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