Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

La petite Mu qui plume

11 juillet 2016

Mikaël Thévenot : Flow

P1030102

[Toutes mes excuses pour l'erreur qui subsistait depuis 10 jours dans le prénom de l'auteur...]

Ce premier roman d'un auteur passionné de musique vient tout juste de sortir. Concernant l'homme, quelqu'un dont le film préféré est Un air de famille (dixit son éditeur) ne peut pas être quelqu'un de mauvais. Peut-être quelqu'un d'un peu curieux, dans tous les sens du terme, qui, à la question "Qu'aimerais-tu avoir comme superpouvoir ?", aurait répondu : "Lire dans les pensées". 

C'est en effet ce qui arrive à son jeune héros, Josh, un lycéen franco-américain. Plus précisément, il commence par ressentir de violentes migraines, auxquelles lui et son entourage finissent par s'habituer, avec résignation : rentrer chez soi, se mettre dans le noir, dans un silence absolu. Jusqu'au jour où, alors qu'une migraine plus terrible que les autres arrive à Josh pendant un contrôle de maths, il se rend compte qu'il peut capter les pensées de ses camarades de classe. Un rebondissement en entraînant un autre, il est bientôt contacté par un "mystérieux internaute" qui a l'air d'en savoir long sur ce pouvoir non moins mystérieux, qu'on peut définir par la capacité à capter le "flot" intérieur des personnes qui entourent Josh.

J'ai parlé de superpouvoir : on pourrait s'attendre à un récit de superhéros, de superantihéros, ou quelque chose de ce genre dans la mouvance d'un film comme American Hero, mais pas du tout. Josh refuse de se servir de ce pouvoir pour autre chose qu'assouvir sa curiosité et, surtout, calmer ses migraines. D'ailleurs, quand son ami Axel lui conseille de chercher une table de poker et de se faire le plus d'argent possible, Josh rétorque : "Bien sûr, bien sûr, [...] sauf que là, on est à Poitiers, pas à Las Vegas." Mickaël Thévenot affirme ici sa volonté de rester dans un terrain "réaliste", si l'on peut dire. Aucune explication, rationnelle ou non, ne sera d'ailleurs donnée dans ce premier tome : peut-être dans le prochain ? 

C'est donc bien du côté du roman policier ou, du moins, du récit à suspense que l'auteur nous emmène. Une absence marque en effet la vie de Josh depuis son plus jeune âge : celle de sa mère, morte dans des circonstances mystérieuses alors que la famille habitait encore aux Etats-Unis. Un autre récit s'entrecroise avec l'histoire de Josh : celui de l'agent fédéral Kyle Chester qui, douze ans plus tôt, enquête sur l'agression de Leonard Cooper, un médecin collègue de la mère de Josh...

Ce deuxième récit est moins fourni que l'histoire de Josh, et laisse peut-être un peu le lecteur sur sa faim. Mais on comprend aisément qu'elle ne sera qu'un éclairage à tous les mystères qui entourent l'adolescent, et on devine que les deux histoires se rejoindront à un moment ou à un autre. J'ai été captée par les rebondissements et le suspense surtout dans la deuxième moitié du livre. La peinture de la vie quotidienne de Josh m'a moins convaincue. Trop de détails qui se veulent réalistes ne cadrent pas toujours avec le rocambolesque nécessaire pour donner de l'action au récit. La fin, en tout cas, joue parfaitement son rôle de chute, tout en nous laissant avec beaucoup de questions : rendez-vous le 3 octobre pour le tome 2 ! 

Suite de ma collaboration avec les éditions Didier Jeunesse

Publicité
Publicité
10 juillet 2016

John Agard : Je m'appelle livre et je vais vous raconter mon histoire

Je m'appelle livre

Voici un livre documentaire plutôt original dans sa présentation et sa conception. Documentaire, car il s'agit bien d'une histoire du livre, comme il en existe beaucoup et comme j'aime en lire en ce moment. Mais c'est bien une histoire "racontée" qu'on va lire, adressée à un public jeune, mais non dépourvue d'intérêt pour des lecteurs plus grands.

Le livre prend donc la parole et raconte ses nombreuses évolutions, de l'époque sumérienne à l'ère de l'électronique. Original donc par ce choix d'écriture, narration à la première personne, qui impliquera nécessairement davantage les moins habitués aux lectures documentaires. Mais original aussi par ce qu'on voit en tournant les pages. Regardez par vous-mêmes, puisque Nathan a cette bonne idée de proposer un feuilletage en ligne : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782092556757. Une typographie inventive et variée, des illustrations sobres, modernes et atemporelles en même temps, des citations venues d'hier et aujourd'hui : on lit du Lao-Tseu, mais aussi des auto-citations, si je puis dire, de John Agard lui-même, et de sa femme, Grace Nichols, tous deux étant poètes. Enfin, les informations y sont précises. Les questionnements liés au livre électronique, notamment, ne sont pas oubliés, ni traités de manière rigide.

C'est un beau livre, sous tous les angles, que j'ai trouvé très agréable à lire, et que je conseillerais volontiers aux jeunes lecteurs. Une très chouette découverte que j'ajoute à la liste des histoires du livre que j'aime : celle de Bruno Blasselle (les petits Découvertes Gallimard), celle de Roger Chartier (Le livre en révolutions), et la superbe exposition virtuelle de la Bnf.

7 juillet 2016

Elisa Géhin : Il était plusieurs fois une forêt

Coup de coeur pour cet album sorti des cartons (il est sorti en 2009), et, en même temps, pour Elisa Géhin, son auteure-illustratrice.

Les illustrations sont très simples, sur fond blanc épuré. Quelques traits, quelques taches de couleur suffisent à figurer un oiseau, un arbre, un chapeau. Le jeu sur la répétition, l'organisation, désordonnée ou non, sur la page, rend l'ensemble très graphique. Je suis allée voir le site d'Elisa Géhin, et l'on retrouve cette simplicité et cette vivacité dans le reste de ses travaux.

Du coup, on a envie de tourner les pages, pour découvrir l'histoire qui se cache. Il était une fois un oiseau, avec une couronne, qui vivait seul dans son arbre. Alors il partit, pour "voir du pays". Jusque là, rien de surprenant : les éléments du conte sont réunis. Mais le disque semble rayé puisqu'à la page 7, ça recommence : "Il était une fois une forêt". Mais alors, il était combien de fois, exactement ? En fait, il était plusieurs fois, comme nous l'avait promis le titre. En effet, pour notre oiseau et sa couronne, la vie semble être un éternel recommencement. A chaque fois, il arrive dans un groupe ; tous sont différents de lui ; tous l'excluent ; il doit repartir. Qu'il porte une couronne, qu'il porte un chapeau, à chaque fois, il n'est pas comme les autres. Il était donc une fois un oiseau qui n'arrivait pas à s'intégrer. Mais, heureusement, un jour, il "tira son chapeau, jeta sa couronne"... et tout le monde l'imita ! Pour finir, voici ce qu'il arriva :

Une formidable réflexion sur la différence, l'exclusion, l'originalité, l'acceptation de soi, véhiculée par une narration originale et des illustrations très efficaces, qui se suffisent parfois à elles-mêmes. Beaucoup de fantaisie, d'humour, en très peu de traits : un cocktail réussi pour un album indispensable.

Auteure : Elisa Géhin
Illustratrice : Elisa Géhin
Editions Thierry Magnier
2009 

4 juillet 2016

Stéphane Servant : La langue des bêtes

 

P1030073

Je déteste Stéphane Servant. Il m'énerve. Mais vraiment. En fait, je vous expliquer pourquoi il m'énerve : il a écrit un livre que j'aurais voulu écrire. Déjà, France 2, avec la série Trapped, m'avait volé mon idée de thriller en huis clos sur une île scandinave... Bon, je m'égare. Mais, ce roman, La langue des bêtes, il concentre effectivement tout ce que j'aurais eu envie de mettre dans un roman : la forêt, les animaux sauvages, le cirque, les monstres, le choc des cultures. Tous les univers qui me parlent, m'attirent, que je cherche un peu partout dans mes découvertes culturelles.

Avant de vous parler de ce roman, une petite parenthèse sur Stéphane Servant : c'est un auteur que j'ai déjà rencontré deux fois, mais sans faire le lien. La dernière fois, c'était récemment, avec l'album Purée de cochons. Mais je l'avais déjà lu dans Chat par-ci, Chat par-là, un de ces formidables petits romans de la collection Boomerang, aux éditions du Rouergue : des romans qui se lisent à l'endroit, à l'envers, avec des histoires qui se répondent entre elles, dont j'ai parlé la dernière fois. Pour ce qui est de Stéphane Servant, c'est donc un auteur assez surprenant, dont on a l'impression qu'il se glisse dans plusieurs plumes, tant ses textes ne se ressemblent pas. L'album Purée de cochons joue surtout sur l'humour et le jeu avec les classiques des contes pour enfants, pour les plus jeunes. Chat par-ci, Chat par-là amène plutôt à une réflexion sur la tolérance, l'entraide, l'acceptation de l'autre, sous des airs de récit léger, adressé à des lecteurs "cycle 3" (en langage Education Nationale, ça veut dire "CM1-CM2-6e). Quant à La langue des bêtes, c'est un roman bien plus conséquent, également aux éditions du Rouergue, mais pour les plus grands.

On y raconte l'histoire d'une ancienne troupe de forains. Ancienne, car, pour une raison qui ne sera expliquée qu'à la fin, mais qu'on devine peu à peu, le cirque a dû fermer ses portes aux spectateurs. Le chapiteau semble s'être définitivement posé dans un endroit qu'on appelle le "Puits aux anges", en lisière de forêt. Mais la poésie de ce nom est rattrapée par la dure modernité : la forêt et le Puits aux anges sont en passe d'être rasés, pour laisser place à une autoroute.

Voici pour la situation initiale. Et les personnages ? Leurs noms sont une histoire à eux seuls : il y a Belle, la mère ; Petite, la petite ; le Père, le père ; Major Tom, le nain ; Pipo et son lion Franco ; Colodi le marionnettiste. Beaucoup d'adultes, certains éreintés par la vie et les hommes, et une seule enfant, qui fait tout pour ne pas grandir et, surtout, pour ne pas oublier les histoires.

Car le fil conducteur de ce récit envoûtant est là : Petite croit aux histoires que les adultes lui racontent, elle veut, elle aussi, en raconter, et elle est persuadée que, le jour où tout le monde les aura oubliées, alors la Bête viendra se repaître de la solitude et de la souffrance qui régnera au Puits des Anges. Face aux gens du Village, puis de la Ville, qui les appellent ou les excluent, face aux mystères que portent en eux les adules qui l'entourent, face à cette mystérieuse Bête qui rôde dans la forêt et qui fascine autant qu'elle effraie, Petite lutte. Elle veut transmettre les histoires, comprendre pourquoi les bêtes ne parlent plus, renouer des liens qui n'existent plus.

C'est un roman extrêmement riche et profond que Stéphane Servant nous livre. Avec une langue d'une rare poésie, il dit la forêt et ses mystères, la solitude humaine, l'exclusion et l'amour, l'archaïsme et la modernité. On se laisse bercer de chapitre en chapitre, dans une histoire assez tortueuse : je me suis un peu perdue dans le dernier tiers du livre, mais finalement, n'était-ce pas l'intention de l'auteur ? On se perd avec les personnages, on se retrouvera (peut-être ?) avec eux.

Je le disais plus haut, j'ai rarement lu un livre qui rassemble autant de mes thèmes et univers de prédilection. Et j'ai aussi été convaincue par l'écriture. Je parlerai donc vraiment de chef-d'oeuvre pour ce roman découvert plutôt par hasard. Et je me réjouis d'avance de découvrir ses autres romans, dont on dit aussi le plus grand bien sur la Toile. En parlant de Toile, j'ai découvert deux blogs bien sympathiques avec des articles très enthousiastes aussi sur ce roman : c'est chez Keskonlit, et chez Bob et Jean-Michel.  

3 juillet 2016

Ghérasim Luca : Héros-Limite

 

P1030084

Enfin un peu de poésie chez la petite Mu ! 

La poésie, j'en lis... en picorant. J'ai souvent du mal à lire un recueil en entier. Les rares fois où je l'ai fait jusqu'à présent, c'était quand lesdits recueils étaient au programme d'un cours de fac. 

Mais, dans ce mois de mai de folie où tout le monde m'envoie des livres (Didier Jeunesse, Exploratology...), j'ai participé à une chaîne où, en envoyant un livre, on en reçoit trente-six. Bon, pour l'instant, je n'en ai reçu qu'un, et c'est celui dont je vais vous parler. Mais, rien que pour lui, ça valait le coup de participer. D'abord parce que, comme je l'ai dit, j'ai besoin d'un coup de pouce pour lire de la poésie. Ensuite parce que ça m'a fait découvrir un auteur. Enfin parce que je peux ajouter à ma collection un exemplaire de ces beaux livres Poésie Gallimard que j'aime tellement. 

Un petit mot sur le poète. Ghérasim Luca (mort en 1192) est Roumain mais il a beaucoup écrit en français. Il aime les langues (il en parle cinq). Il a participé à la fondation du mouvement surréaliste roumain (avec Tristan Tzara notamment). A quatre-vingt un ans, il se jette dans la Seine, en imitant son ami Paul Celan, "puisqu'il n'y a plus de place pour les poètes dans ce monde". Voilà pour les grandes lignes, vous en lirez davantage sur Wikipédia

J'ai débuté la lecture du recueil avec appréhension. Le surréalisme, ça m'évoque des textes incompréhensibles, auxquels on s'efforce de trouver un sens, une interprétation, sans y croire. Après tout, le cadavre exquis, l'écriture automatique, qu'est-ce d'autre qu'un jeu ? Eh bien, justement, la beauté du surréalisme, c'est quand un sens sort du jeu (comme la tête du mur chez Henri Michaux). Voyez donc les premiers mots du premier poème, "Héros-limite" : "La mort, la mort folle, la morphologie de la méta, de la métamort, de la métamorphose ou la vie, la vit, la vie-vice, la vivisection de la vie". A l'instar de ce poème liminaire, beaucoup de textes, en prose ou en vers, fonctionnent sur des enchaînements de mots, antonymes, paronymes, mots qui riment, et j'en passe. (Tiens, ça me rappelle les Carambolages du Grand Palais dont je vous ai parlé il y a peu !) Mais le sens n'est jamais sacrifié au jeu sonore. Là est la force de l'oeuvre de Luca : c'est du travail d'orfèvre, à mon avis bien loin d'une simple écriture automatique. 

 Par ailleurs, Luca aime l'oral, l'oralité, et il s'est d'ailleurs enregistré lisant certains de ses poèmes, Certains ont parlé de poète "bégayant", écoutez donc "Auto-détermination" (le deuxième de la vidéo) : "la manière de / la manière de ma de maman / la manière de maman de s'asseoir". La lecture des poèmes de Ghérasim Luca est une expérience. Ce poète roumain nous fait redécouvrir notre propre langue, ce qui est, avouez-le, assez fort. 

Dans le recueil, on trouve des réflexions sur la pensée, voire sur la vie, comme le "Quart d'heure de culture métaphysique", qui se lit comme un mode d'emploi : 

"Elever les angoisses tendues
au-dessus de la tête
Marquer un léger temps d'arrêt
et ramener la vie à son point de départ
Ne pas baisser les frissons
et conserver le vide très en arrière"

J'aime tout particulièrement ce mélange d'émotions profondes et de mise à distance, avec un humour décalé. 

On trouve aussi de beaux textes sur l'amour et la sensualité, comme "L'écho du corps", ou "Hermétiquement ouverte". 

Enfin, il y a le magnifique "Prendre corps", long poème sur la relation binaire entre un "je" et un "tu", dans lequel les noms ou les adjectifs deviennent verbes, voyez vous-mêmes : 

01

Olivier Mouginot dans son "carnet de thèse numérique" parle de "déréglage syntaxique" et de "dérèglement sémantique"... un formidable axe d'étude pour nos chères têtes blondes (pour l'anecdote, peu de temps avant de recevoir le livre, j'étais tombée sur ce poème dans un nouveau manuel de 4e, pour le thème "Dire l'amour", et il m'avait tapé dans l'oeil à ce moment-là.) Mais c'est avant tout un texte qui nous transporte dans les méandres de l'amour et de la passion. Il a été superbement mis en musique par Arthur H, et vous pouvez l'écouter ici : 

Arthur H Prendre Corps

Pour les yeux, pour les oreilles, pour la tête, pour le coeur... il y a de tout dans la poésie de Ghérasim Luca. A découvrir sans tarder !

 Néo-défi lecture 2016 : Un recueil de poèmes

Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

Publicité
Publicité
30 juin 2016

Petites lectures pour petits lecteurs, épisode 3 : la collection "Boomerang"

P1030077

J'ai découvert cette collection en septembre, lors du lancement du prix Pep 42 avec nos classes de sixième. 

Le premier livre que j'en ai lu faisait donc partie de la sélection du prix, et c'était Chat par-ci, Chat par-là, de Stéphane Servant. Il n'a pas gagné le prix, mais, dans ma classe, il a remporté pas mal de succès. Evidemment, la première question qu'on se pose, c'est : "On commence par oùùùùù ?". Eh bien, justement, c'est ça qui est très chouette : on commence par où on veut ! La collection est fondée sur le principe de deux histoires qui se répondent (une même intrigue, avec deux points de vue différents). Le côté qu'on choisira va nécessairement déterminer la façon dont on entre dans l'histoire, le regard qu'on portera sur les personnages, mais c'est ça qui est intéressant. Dans Chat par-ci, Chat par-là, vous choisissez Lorette, une vieille dame qui râle beaucoup, ou Sofiane, un adolescent plutôt joyeux. Les deux sont coincés chez eux avec une jambe dans le plâtre. Voyez vous-mêmes comment ces deux récits débutent : 

"J'attends Lunes.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais j'adore les lundis et les chats. Et l'espagnol aussi. Lunes, ça veut dire lundi.
Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Elle a un accent espagnol qui chante. Et j'aime bien ça."

"J'attends Lundi.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais je n'aime ni les lundis ni les chats. C'est pour cela que j'ai choisi de l'appeler Lundi. Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Et je n'aime ni la gymnastique, ni l'infirmière. Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Avec son accent de chanteuse de flamenco, elle est insupportable !"

Derrière une histoire qui semble légère se cache un message sur la différence, la solidarité, la tolérance, et une "fin" (si l'on peut parler de fin) pas si attendue que ça. Stéphane Servant, il écrit des choses bien, quand même, j'ai découvert ça depuis quelques temps ; j'en ai déjà parlé ici et j'en reparlerai bientôt. 

Puis j'ai découvert qu'Antoine Dole avait co-écrit un titre de cette collection. Cette fois-ci, ça s'appelle Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin ! Et, comme le suggèrent les titres, il est question de voyage et de langues. Une histoire toute simple, là encore, de deux écoliers, l'un français, l'autre japonaise, qui s'envoient des lettres. Mais une histoire pas si naïve que ça, qui, elle aussi, reflète bien les préjugés qu'on peut avoir sur certaines personnes ou certaines pratiques. 

Tous les autres titres sont dans le catalogue, et certains me paraissent alléchants dès le titre (notamment J'aime pas ma petite soeur/Je veux être la grande !). 

D'autres idées de lecture utilisant l'idée des différents points de vue : 

- un album : l'indémodable Une histoire à quatre voix, d'Anthony Browne

- un roman jeunesse : le non moins indémodable L'enfant océan, de Jean-Claude Mourlevat. (plumé ici chez la petite Mu, mais aussi sur le site Educalire, un peu plus fourni, et plus pédagogique.)

- enfin, deux romans jeunesse qui ne racontent qu'une seule histoire : Le pianiste sans visage et La fille de 3eB, de Christian Grenier (et là, allez voir directement sur le site de l'auteur, avec un long commentaire sur l'écriture des deux romans - attention aux spoilers, cependant).

 

 Néo-défi lecture 2016 : Un livre avec deux auteurs (pour Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin !)

27 juin 2016

Petits livres pour petits lecteurs, épisode 2 : la collection "Premier roman"

P1030085      WP_000432

J'ai découvert cette collection un peu par hasard, dans une librairie. J'ai reconnu Antoine Dole, que j'ai acheté, et j'ai aussi remarqué les deux autres titres ci-dessus : Chère Théo, parce que je pensais y découvrir un questionnement sur le genre, à l'époque où j'étais en quête de ce thème-là dans les récits jeunesse (voir mes archives en juillet 2012), et Construire un feu, parce que c'est une nouvelle de London que je venais de découvrir, qui m'avait plu, et je m'étonnais de la découvrir dans cette collection. Finalement, mes deux attentes ont été déçues : après lecture du résumé et des premières pages (qu'on peut feuilleter ici), Chère Théo ne parle pas vraiment de genre, et Construire un feu reste à ce jour le seul titre "classique" de la collection. Si on en feuillette le catalogue, on découvre surtout des récits de jeunes enfants en apprentissage, ou des textes proches de l'univers des contes et légendes. Si j'aime beaucoup les couvertures, je suis donc un peu déçue par la relative monotonie des thèmes proposés par la collection. 

Pour dire un mot sur Le baiser du mammouth : je l'ai lu avec étonnement, car je n'attendais pas Antoine Dole dans ce registre du récit pour jeunes lecteurs, humoristique, bien plus léger que les romans pour ados que j'avais lus jusque là (K-Cendres pour n'en citer qu'un). Pas non plus de la même veine qu'A copier cent fois, même si on s'en rapproche pour ce qui est du lectorat visé. Le baiser du mammouth, c'est l'histoire d'un jeune garçon de neuf ans, Arthur, amoureux d'une fille beaucoup plus âgée que lui : quinze ans ! Différence d'âge tout à fait négligeable à l'âge adulte mais, évidemment, pas du tout dans l'enfance. Le roman raconte les stratégies totalement fantaisistes d'Arthur pour conquérir la belle Fiona, notamment l'idée de la congeler jusqu'à ce qu'il la rejoigne en âge... Il y a une suite (que je n'ai pas encore lue), Mon coeur caméléon, dans laquelle Arthur se trouve cette fois-ci amoureux de deux jumelles, qui à elles deux forment la fille parfaite à ses yeux. Le sujet du premier tome me semble un peu plus original que le second. L'écriture est tout à fait agréable. Je pense qu'elle peut plaire aux jeunes lecteurs. Cependant, je reste quand même attachée aux livres "pour les plus grands" de cet auteur...

Signalons qu'en fait, Antoine Dole aime écrire pour les plus jeunes, et même de plus en plus. La file d'attente à son stand lors de la dernière Fête du livre jeunesse de Villeurbanne avait une moyenne d'âge peu élevée. Beaucoup venaient se faire dédicacer les bandes dessinées Mortelle Adèle, elles aussi ciblées pour de jeunes lecteurs. Et maintenant, l'auteur a pris goût à ce public, et même aux tout premiers lecteurs : il l'explique sur son site à propos des petits livres publiés chez Bayard Jeunesse pour accompagner l'apprentissage de la lecture, ou encore de son tout premier album pour enfants, Le monstre du placard existe (et je peux le prouver!), à paraître en septembre 2016. 

"Premier roman", une collection qui a donc le mérite de publier Antoine Dole aux côtés de Jack London ! 

26 juin 2016

Grand Palais : Carambolages

Afficher l'image d'origine

Vite, plus que quelques jours pour découvrir cette exposition pas comme les autres ! 

En ne voyant que l'affiche, vous ne pouvez pas réellement deviner ce qui vous attend. Le titre, le tableau choisi, on penserait à une exposition sur l'art flamand, quelque chose dans le genre. En fait, ce tableau (qui n'est pas un Brueghel, mais bien une oeuvre anonyme) n'est que l'une des 185 oeuvres exposées, sculptures, photographies, peintures, et j'en passe, de l'Antiquité jusqu'à notre époque contemporaine. Attention, je dis "de...jusqu'à", mais l'un des principes de l'exposition est de ne pas présenter ces oeuvres dans un ordre chronologique. Les "carambolages", en effet, sont des entrechocs, des ricochets (le terme vient du billard), entre des oeuvres qui partagent des points communs mais ne se suivent pas nécessairement dans l'histoire de l'art. 

Il s'agit donc (en tout cas, c'est l'intention des organisateurs) d'un moment d'interaction entre le visiteur et les oeuvres. Chacun doit trouver par soi-même le lien qui unit les oeuvres, présentées les unes à côté des autres, mais sans qu'aucune indication ne soit donnée. On peut penser aux formes, à la lumière, à la composition de l'oeuvre, parfois à un détail... Des vidéos ont été publiées, avec des interviews de visiteurs. 

De mon côté, j'ai visité l'exposition virtuellement grâce au livre (voir plus loin). Je dois reconnaître que c'est assez déconcertant. Ce n'est pas tant le fait qu'il n'y ait pas de chronologie qui m'a gênée, ni que l'interprétation des oeuvres nous soit laissée. Mais j'ai eu une impression d'intense foisonnement, avec des oeuvres dont je ne possédais absolument pas les codes, que ce soit l'art antique non européen ou des installations contemporaines plus ou moins conceptuelles. Je n'ai pas beaucoup pu me raccrocher à des artistes ou des styles que je connaissais. Du coup, à la fin, je n'ai pas l'impression d'avoir "appris" quelque chose. Mais c'est, je pense, tout l'enjeu du projet : insister sur le fait qu'on n'a pas forcément à apprendre quelque chose de l'art, mais que le plus important est le choc esthétique (une expression qui revient souvent dans les diverses présentations de l'exposition), la rencontre très personnelle entre l'oeuvre et l'observateur. 

Certes, il ne reste plus beaucoup de temps pour voir physiquement l'exposition, mais si vous n'en avez pas l'occasion, vous pouvez en profiter de différentes manières : 

- le site internet, qui propose notamment des jeux : pas tellement palpitants, mais qui ont le mérite de faire découvrir certaines des oeuvres exposées. (En faible qualité, cependant, à cause de la petite taille des images.)

- le livre, surtout, très bel objet qui peut certainement remplacer la visite en elle-même. Il se compose d'une reproduction des 185 oeuvres sous forme de livre-accordéon : 

P1030086

Ce dépliant est accompagné par deux livrets : l'un présentant une brève notice pour chaque oeuvre (mais attention, sans jamais les relier entre elles, pour respecter le principe de l'exposition), l'autre, intitulé "Essais", présentant plusieurs réflexions par des spécialistes de l'histoire des arts. Prévoyez de la place dans votre bibliothèque, le livre est énorme ! 

P1030087

Sinon, pour les Parisiens qui n'ont rien de prévu cette semaine, voici les informations pratiques : 

Exposition Carambolages
Grand Palais (3, avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris)
Du 2 mars au 4 juillet 2016
Plein tarif : 13€ (différents tarifs avec visites ou animations)
Tous les jours sauf le mardi, avec nocturne le mercredi. 

23 juin 2016

Petites lectures pour petits lecteurs, épisode 1 : la collection "Il était une (mini) fois"

P1030076

J'inaugure aujourd'hui une petite série, sur de petits livres adressés aux petits lecteurs. 

Commençons avec les éditions Didier jeunesse, et leur collection appelée "Il était une (mini) fois". Le principe est de proposer aux petits lecteurs des réécritures courtes, par des auteurs contemporains, de célèbres histoires. Une première chose que j'ai aimée, c'est que, dans ces histoires, il n'y a pas que des contes. Les deux dernières parutions de la collection, par exemple, s'intéressent pour l'une au théâtre, avec l'histoire de Roméo et Juliette, pour l'autre à un roman de Georges Perec. 

Intéressons-nous d'abord à ce dernier : Le livre envolé de Piotr-Olivius Pilgrim, par Séverine Vidal. Une mention à l'intérieur précise : "très librement adapté du Voyage d'hiver de Georges Perec". Le choix de réécrire ce roman-là s'avère judicieux et malicieux, puisque c'est une histoire de réécriture, qui commence en fait comme une histoire de plagiat. Dans les deux cas, un personnage découvre un livre dans lequel il ne cesse de reconnaître des phrases, des extraits mêmes d'oeuvres très connues. Pourtant, ce livre mystérieux a été publié bien avant toutes les oeuvres qu'il semble plagier... Comment est-ce possible ? N'ayant pas lu le roman de Perec, je ne sais pas quelle réponse il apporte à la question, mais celle du mini-roman de Séverine Vidal est à la fois d'une logique implacable et d'une fantaisie savoureuse. J'ai beaucoup aimé cette petite histoire qui parle de littérature. Elle m'a donné envie de lire "l'original". 

Qu'en est-il du Roméo et Juliette de Valérie de La Rochefoucauld ? Précisons tout d'abord que le texte n'est pas théâtral : l'histoire est romancée, ce qui lui donne beaucoup de chair, indispensable aux plus jeunes qui ont besoin d'une atmosphère pour goûter pleinement cette histoire éternelle (mais qu'ils ne connaissent peut-être pas encore). Les phrases sont courtes, rédigées au présent de narration, et font la part belle à l'oralité : jeux sur les sons, répétitions, énumérations... Le vocabulaire est précis, les comparaisons et métaphores mises à contribution pour donner de la poésie au texte. 

Si vous en voulez encore, à vous de découvrir les autres titres de la collection : grands classiques (Peter Pan, La petite sirène, Le petit Poucet), contes d'ici et d'ailleurs... Avec, pour certains titres, des fiches pédagogiques à destination des enseignants (plutôt pour le cycle 2). 

Suite de ma collaboration avec les éditions Didier Jeunesse

20 juin 2016

La découverte de la semaine : les livres en box

Colis Exploratology

En fait, j'ai fait cette découverte il y a un peu plus d'un mois. "On" me demandait des idées de cadeaux d'anniversaire, et j'avais envie de quelque chose de différent. Je pensais au début à un abonnement à la Thé Box, qui me faisait envie, à l'époque où je me promenais en bavant dans ce superbe site, Griottes : palette culinaire. Et, un peu par hasard, j'ai découvert qu'il existait aussi des box de livres !! En fait, il existe des box pour à peu près tout. Donc, les livres faisant partie du tout, ils ont aussi leurs box. 

De tous les concepts que j'ai trouvés à droite à gauche sur la Toile, j'ai aimé celui d'Exploratology

1) pour sa démarche : il s'agit d'un partage tout à fait personnel entre Marjorie, fondatrice du projet, et les destinataires des box. Elle choisit les livres envoyés, les produits ajoutés, réalise les paquets, ajoute un petit mot pour expliquer ses choix. 

2) pour sa simplicité : pas de thème à choisir, de cases à cocher ; une fois qu'on est abonné, on attend le colis surprise, et c'est tout ! 

3) pour le concept de surprise, justement : les livres sont très différents les uns des autres (en tout cas, je juge sur les deux que j'ai reçus pour l'instant), ce ne sont pas des nouveautés, pas des titres "attendus", et pas du tout des livres vers lesquels je me serais tournée (principalement parce que je n'en connais pas les auteurs). 

Avec le livre, des cartes, de petits bonbons, des sachets de thé, de marques différentes à chaque fois. Je ne saurais pas dire encore si ça va me faire devenir une cliente régulière de ces marques. J'ai bien aimé, ce mois-ci, recevoir un petit carnet, assorti à la couverture du livre d'ailleurs.  

P1030072

Bref, la box de livres, ça avait tout pour me plaire. Mon abonnement se termine dans un mois, déjà ; peut-être en testerai-je un autre (mais les autres concepts que j'ai pu sur la Toile m'ont fait moins envie). Sinon, il y a les swaps de chez Neoprofs, qui jouent aussi le rôle de "book box" ! Un aperçu d'un colis "Kit de survie pour vacances d'été" que j'avais envoyé à une autre Neo : 

   swap été 2013 bis

 Et il y a aussi les box spéciales de la Petite Mu ! Arty en avait gagné une : 

_SAM3240

Mais le problème, c'est que la petite Mu ne peut pas se les offrir à elle-même. Ben non.

En tout cas, merci aux généreux responsables de cet abonnement original ! 

19 juin 2016

François-Henri Désérable : Evariste

P1030063

Evariste. Evariste Galois. Oui, ça me parle. Mais pourquoi ? C'est le nom d'un collège de mon académie. Bon, alors, ça doit être le nom de quelqu'un de connu, alors. Ah oui, c'est ce qu'on me dit, non pas dans l'oreillette, mais en quatrième de couverture : "A quinze ans, Evariste Galois découvre les mathématiques ; à dix-huit, il les révolutionne ; à vingt, il meurt en duel." Mieux que Rimbaud, dites donc ! Ah, je lis que je ne suis pas la première à avoir fait la comparaison : «Une magnifique biographie romancée du "Rimbaud des mathématiques", Évariste Galois. C’est superbe.», écrit Jean-Christophe Buisson dans Le Figaro Magazine à propos de ce premier roman de François-Henri Désérable. Re-ah, en fait, l'auteur a carrément mis en exergue une citation de Pierre Michon extraite de Rimbaud le fils.

Bon, alors, puisque tout a été dit, que diable suis-je allée faire dans cette lecture ? Eh bien, pour mon défi-lecture 2016, il n'a pas été si facile de trouver un auteur "né la même année que moi". Voilà, vous savez tout, j'ai le même âge que Monsieur Désérable. (Et ce n'est plus vingt-sept ans, hélas, comme l'indique encore la quatrième de couverture de l'édition originale.) Et puis, à parcourir Internet, il semblerait que, tant pour ce premier roman que pour son précédent recueil Tu montreras ma tête au peuple, l'auteur ait eu du succès, en tout cas auprès de la critique. Je suis donc alléchée. J'attaque donc ma lecture. 

Et là... 

Wahou ! Outch ! Vindidiousc ! 

Ce sont les mots qui me viennent à l'esprit en posant ce livre. Ils ne sont pas assez forts pour vous dire à quel point cette découverte (d'un livre, d'un auteur) a été formidable pour moi. Ce livre est un concentré de causticité, de mordant, d'ironie, de franche rigolade aussi parfois : qui aurait cru pouvoir dire cela à propos de la biographie d'un mathématicien ? C'est qu'Evariste, du mordant, il en avait. Il lui en fallait, en réalité, pour garder la tête haute face aux divers affronts que la vie a mis sur son chemin : son oeuvre mathématique est incomprise de son vivant, son génie est nié, de nombreuses occasions de s'illustrer (scientifiquement, historiquement) lui sont refusées, la justice manque de justesse avec lui. Même si c'est bien sûr l'auteur qui prend en charge la plupart des remarques pleines d'humour et de fiel qui parsèment les pages de ce récit, des citations du mathématicien ne laissent aucun doute sur sa plume vive et percutante. François-Henri Désérable semble avoir trouvé un personnage à la hauteur de son ambition stylistique, quelqu'un en qui il se reconnaît certainement : on sent transpirer son admiration, même légèrement distante, de part et d'autre de cette biographie. 

Par ailleurs, Désérable est un auteur de l'Histoire. Déjà dans le recueil Tu montreras ma tête au peuple, en racontant les dernières minutes de célèbres guillotinés, le jeune écrivain (oui, j'insiste sur "jeune"...) montrait son envie d'entrelacer Histoire et récit. Je n'ai pas lu ce recueil, mais, dans Evariste, on devrait même dire "entortiller" : cette biographie d'un homme qui n'a vécu que vingt ans est constellée de micro-portraits, de grands hommes (Nerval, Dumas) comme de plus petits, c'est-à-dire tous ces hommes qui se sont tenus sur le passage d'Evariste Galois et qui parfois, sans le vouloir (et même, en ne le voulant pas), l'ont fait accéder à l'Histoire. Je suis loin d'être une spécialiste de l'histoire de la Révolution, mais j'ai beaucoup aimé la redécouvrir à travers les ratés, les à-côtés, les scènes manquées d'un jeune homme qui a dû rédiger une partie de son oeuvre scientifique en prison, parce qu'il avait porté illégalement un costume militaire. 

Désérable est passionné d'Histoire, ça se voit ; moins de mathématiques, parce qu'il avoue franchement qu'il n'y connaît rien et qu'il ne comprend pas un traître mot des théories géniales de Galois. Cette biographie n'est donc pas un ouvrage scientifique ; il serait inexact de dire qu'elle est un ouvrage historique ; c'est surtout une formidable (j'insiste, encore plus que sur "jeune") oeuvre littéraire, un tourbillon, parfois exigeant (Désérable a la phrase longue, il aime passer du registre soutenu à la plus plate vulgarité, le mot "digression" semble avoir été inventé pour lui... et caetera), mais qui arrache plus d'une fois un sourire, voire un rire. 

M'est avis qu'il s'agit là d'un auteur à suivre, et qu'il a certainement été bien inspiré d'écrire un livre sur un jeune génie ! 

 

 Néo-défi lecture 2016 : Un livre écrit par un auteur né la même année que moi 

16 juin 2016

Sandrine Beau : La porte de la salle de bains

P1030064

Je vous avais parlé de Hors de moi, de Florence Hinckel, un récit sur la grossesse adolescente que j'avais beaucoup aimé, par la simplicité et la sincérité de son approche. Le roman de Sandrine Beau est publié dans la même collection, Ego, des éditions Talents hauts. On y trouve aussi Mauv@ise connexion, un roman sur le cyber-harcèlement que je n'ai pas lu mais dont j'ai entendu parler, et bien d'autres récits sur des thèmes-clé de la vie adolescente. A cet éditeur, on doit aussi Le zizi des mots et des livres de toutes sortes sur les préjugés, les stéréotypes, les différences. 

La porte de la salle de bains, c'est un roman tout simple (de lecture plus facile que Florence Hinckel, avec un personnage plus jeune, aussi), sur un sujet qui ne l'est pas. Ce sujet, au début, on pense que c'est "tout simplement" la puberté et les transformations qu'elle apporte aux corps des jeunes personnes. En effet, c'est le point de départ de l'histoire : Mia commence à avoir des seins. Bon. Le premier tiers du livre s'attache à donner un cadre à ce point de départ, en présentant les membres de la famille : le petit frère, la mère d'abord célibataire, puis nouvellement en couple, et, donc, le nouveau compagnon qui joue le rôle du père à la maison. 

Mais le jour où ce beau-père rentre dans la salle de bains pendant que Mia se douche, elle est gênée. De gênée, elle devient méfiante : en effet, la situation se reproduit. Jusqu'à ce que le doute ne soit plus permis, ni pour elle, ni pour le lecteur. Sauf qu'évidemment, Mia n'est encore qu'une enfant, aux prises avec une situation très compliquée, source de honte, de culpabilité, d'incertitude. Le lecteur, lui seul, est capable de mettre les mots d'abus sexuel sur la chose. Mia ne le peut pas. Tout ce qu'elle sait, c'est que la vie quotidienne, qui avait l'air si simple et légère au début de l'histoire, a viré pour elle au cauchemar. 

C'est la force de ce récit : amener ce thème très dur (non seulement l'abus sexuel, mais au sein de la famille, qui plus est) par un enchaînement de faits, vus comme ils peuvent être vus par une jeune adolescente. Elle n'est ni plus bête, ni plus mûre qu'une autre fille de son âge. Elle sait qu'il y a des choses qui ne se font pas, mais elle ne sait pas comment agir. Elle veut à la fois protéger (sa mère, son petit frère) et être protégée. Elle trouve des stratagèmes, comme d'aller se doucher chez sa grand-mère, qui peuvent paraître bien futiles mais représentent son seul bouclier. 

La fin est ce qu'elle doit être : positive pour véhiculer un message d'espoir aux jeunes lecteurs. Ce n'est pas tellement cela qui m'a gênée, mais la manière dont les choses se déroulent : un peu trop simples pour être réalistes. Cela correspond, certes, au ton donné par le récit, mais j'aurais apprécié un peu plus de nuances, sans supprimer la happy end, pour montrer qu'une solution existe, même si elle passe par une succession d'étapes. 

Hormis les toutes dernières pages, donc, j'ai trouvé ce roman très réussi et moins simpliste qu'il n'en a l'air dans les premières pages. A mettre entre toutes les mains, y compris les plus jeunes. 

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 > >>
Publicité
Lecture en cours

 

Le royaume de Kensuké

Visiteurs
Depuis la création 97 530
Publicité