Le garçon bientôt oublié
Je vais sans doute décevoir mon amie Arty... mais j'ai moi-même été déçue par ce qui aurait pu être mon Graal, la fin de ma longue quête (depuis l'été dernier déjà) du roman parfait sur le thème des transgenres.
Bon, eh bien, raté. Non seulement je ne me vois pas le donner à lire à mes élèves de cinquième (mais cela, je le savais déjà, le livre s'adresse plutôt à des lycéens), mais moi-même, je n'ai pas été emballée.
Première raison : la construction du livre, trop décousue. Jean-Noël Sciarini alterne des narrations à la première personne pendant lesquelles le héros, Toni, raconte un quotidien à la fois banal et difficile, empli de questionnements sur son identité, et des extraits de journal intime ou de "classeurs". Les fiches contenues dans ce classeur sont autant de pièces d'un "dossier d'enquête" que Toni mène sur lui-même. Pour essayer de se trouver, de comprendre qui il est.
L'idée de ces fiches était intéressante. Je ne suis pas réticente aux écritures fragmentaires, aux collages, loin de là. Mais ici, je ne sais pas, ça ne prend pas. Manque d'homogénéité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi telle fiche intervient à tel moment et pas un autre. J'ai l'impression qu'il n'y a aucun lien entre ces fiches et l'histoire qui se raconte à ce moment-là.
Comme Toni est en quête de la chanson qui changera sa vie, il demande à de nombreuses personnes de lui parler de la chanson qui a changé la leur, de vie. Et les témoignages en question sont notés dans des fiches. Moi qui suis passionnée de musique, cela aurait pu me parler, et même me plaire beaucoup. Mais non, ça ne fonctionne pas.
Deuxième raison : ce n'est en fait pas le style que j'aime. Toni s'écoute écrire. En littérature jeunesse, j'ai besoin de davantage de fluidité, de véritable autodérision, d'ironie. Ici, trop de lamentations, et presque, de chichis. Du coup, je n'accroche pas à une histoire que je sens pourtant profonde et bouleversante. J'ai cette désagréable impression que l'auteur a gâché un potentiel par une écriture inadaptée. Je ne suis pas sensible à la poésie de l'écriture. Les incessants "qui suis-je", "qui je suis" finissent par me lasser. Un roman sur l'interrogation d'un adolescent né dans le mauvais corps : oui, mais pas comme ça. Du coup, je compare : dans La face cachée de Luna, faire raconter l'histoire par la soeur du personnage central, c'était ingénieux. Cela permettait justement de mettre en valeur la souffrance de Liam/Luna sans en faire de trop, sans ennuyer le lecteur.
Donc : déçue. J'ai senti beaucoup de pistes, mais aucune ne m'a conduite là où j'aurais aimé aller. Dommage !
Lionel Labosse n'est en fait guère plus convaincu que moi.
La critique de Citrouille rejoint en partie ce que j'ai écrit.
Pour contrebalancer ces critiques mitigées, vous pouvez lire ceci, mais cela ne vous apportera guère plus d'informations...
J'invite donc Arty à (re)passer par ici pour donner son avis !