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La petite Mu qui plume
4 mai 2013

De grandes espérances

Comme nous l'annonce la jaquette intérieure du livre, c'est apparemment le projet de retraite de Marie-Aude Murail que de traduire Dickens en l'adaptant "pas seulement au jeune lecteur, mais aussi au lecteur contemporain qui n'a plus le temps de s'ennuyer" (je passe sur cette dernière remarque qui me fait plutôt bondir, mais on parle de Marie-Aude, alors, on n'a pas le droit de dire du mal). La retraite, elle n'y est pas encore, mais elle s'est déjà attelée à ce roman moins connu : Great Expectations (titre original).

Sur le site de l'Ecole des Loisirs, on trouve ces mots de l'adaptatrice : 

«De grandes espérances est tout à la fois une histoire d’amour et un thriller, une comédie sociale et un roman populaire. On y trouve tous les ingrédients qu’on associe au nom de Dickens : un petit orphelin martyrisé, une mystérieuse fortune ou un homme de loi tortueux, mais aussi, plus insolite, un narrateur, Philip Pirrip, dit Pip, antihéros à l’humour acidulé, et qui peine à grandir tout au long de cette éducation sentimentale à l’anglaise. Mon travail d’adaptatrice a été celui que je faisais quand je lisais Dickens à voix haute à mes enfants, et que Dickens pratiquait lui-même sur ses œuvres quand il devait les lire en public. J’ai ôté au récit ses longueurs et ses redondances, j’ai donné aux personnages et aux phrases même cette netteté qui fait que les choses vous sautent aux yeux, que ce soit la terrifiante rencontre du petit Pip avec le forçat évadé au milieu des tombes du marais ou l’apparition spectrale de Miss Havisham, la fiancée trahie qui n’a plus jamais quitté sa robe de mariée. J’ai souhaité que De grandes espérances soit illustré comme l’étaient tous les romans de Dickens à leur parution. Les aquarelles de Philippe Dumas seront pour le lecteur autant de fenêtres ouvertes sur ce monde contrasté qui envoûta mon imagination quand j’avais seize ans, la Merry England des tavernes, des braves gens et des cottages fleuris, et l’Angleterre crépusculaire des écluses noyées sous la pluie et des bas-fonds de Londres à l’ombre du gibet d’Old Bailey.» 

J'ai découvert avec plaisir cette histoire imprégnée de la fantaisie habituelle de l'auteur anglais, cette manière toute particulière de parler d'événements les plus tragiques ou effrayants, cette succession de rebondissements à n'en plus finir. La ribambelle de personnages présentée dans la première partie du livre est un peu déroutante, mais elle trouve tout son sens dans la dernière partie, où des liens de parenté insoupçonnés apparaissent, transformant ce récit d'aventure en une sorte de thriller, avec son lot de révélations. Cette dernière partie, je l'ai lue d'une traite, alors que je chipotais un peu au début.

Les aquarelles de Philippe (encore un Pip ?) Dumas sont effectivement très réussies, et, en fouinant sur le Net pour trouver des précisions sur cet illustrateur, j'ai appris qu'il était l'auteur de deux albums que j'ai lus et possédés, enfant, et qui m'ont laissé un très agréable souvenir : Victor Hugo s'est égaré, ainsi que Le convive comme il faut, sorte de manuel de bonnes manières assez savoureux. 

Une lecture donc fort agréable, dans un registre bien différent de la précédente

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3 mai 2013

K-Cendres

C'est un livre qui laisse des traces dont je vais vous parler là. L'histoire d'une adolescente qu'on découvre enfermée dans un HP (hôpital psychiatrique : il faut s'habituer à certaines abréviations et à certaines sigles dans ce livre) puis, dix ans plus tard, dans les coulisses du Zénith, s'apprêtant à donner un concert devant des milliers de personnes. Elle est devenue K-Cendres, star du rap, managée par une maison de disques sans états d'âme, le label 3fall. Toujours aussi ravagée de l'intérieur, ses textes n'ont pas la même résonance pour son public et pour elle : ses fans hystériques adulent le personnage torturé et n'écoutent que peu les paroles (c'est du moins ce dont on a l'impression), alors que, pour elle, ce sont des avertissements, des appels au secours et, en fait, des visions : les faits divers qu'elle décrit dans ses chansons ont la fâcheuse tendance à se produire très vite dans la réalité à peine la chanson terminée. Toute ressemblance avec le mythe antique de Cassandre est totalement assumée. Mais personne ne croit Alexandra, que son boss appelle "Kass" : lui veut surtout continuer de croire qu'elle est sa poule aux oeufs d'or, même si les autres (l'attachée de presse, le manager...) la trouvent plutôt "cassos'", voire bonne pour la casse. 

Il faut être préparé pour lire ce roman dont l'histoire était sacrément attirante : c'est dur, très dur. On se ramasse en pleine poire les crises de K-Cendres, mélange de rage, de douleur, de scarifications et d'overdose aux médicaments. Tout ce qui gravite autour d'elle semble baigner dans une noirceur incomparable : l'amour n'est que sexe et dépendances, les liens humains sont souvent faux, la drogue attend son heure, la mort rôde. Un seul personnage baigne dans la lumière, comme un roc insubmersible : Marcus, garde du corps de K-Cendres, le seul à l'écouter, à la protéger, et, presque, à la comprendre. Mais Marcus n'est pas Zeus et il ne peut décider de tout. 

Pour ma part, j'ai malheureusement été gênée par le niveau de langue adopté dans ce récit. J'avais trouvé celui d'A copier cent fois pur, oral, mais suffisamment neutre pour convenir à "tout public". Ici, le choix a été fait de se tourner vers une langue brute, souvent grossière, avec nombre d'expressions typées, verlan, abréviations... Je reconnais que cela colle à l'univers du rap tel qu'on se le représente, et que cette brutalité du style contribue à la dureté du récit. Mais je suis une puriste et je suis toujours gênée par ce genre d'écriture. Je continue de penser qu'on peut arriver aux mêmes fins en respectant un niveau de langue courant. Bon, c'est facile à dire quand on n'a pas soi-même écrit le bouquin, hein ! Je suis peut-être tout simplement déçue de ne pas pouvoir mettre ce livre entre les mains de mes élèves de cinquième, eux qui avaient aimé A copier cent fois

Mais, armés de ces mises en garde, je vous conseille tout de même cette lecture, chers visiteurs, car elle n'a pas son pareil en littérature jeunesse. 

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Le royaume de Kensuké

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