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La petite Mu qui plume
26 septembre 2017

Toni Morrison : Délivrances

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Cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu un roman de Morrison. D'ailleurs je me rends compte qu'il n'y a même aucun article chez la petite Mu à propos de cette grande, grande dame de la littérature américaine. Pourtant, je suis tombée dedans il y a un bon moment déjà, à la fin de mes années lycée. Je n'ai pas tout lu, mais beaucoup ; ça ne me ferait pas de mal de les relire car, en regardant sa bibliographie, il y a certains titres sur lesquels j'ai un doute. Ai-je lu Love en 2004 ? Peut-être pas ; Un don, en revanche, était mon dernier, ça, j'en suis sûre. L'autre chose dont je suis sûre, c'est que celui qui m'a le plus marquée reste Beloved, qui est un véritable chef-d'oeuvre - je ne suis certes pas la seule à le dire. 

Toni Morrison, c'est l'auteure de la peau noire. Elle en parle comme une peintre, elle en connaît toutes les nuances. Par exemple, dans Sula, son deuxième roman : "Nel était plutôt claire -couleur de papier de verre mouillé- échappant aux quolibets les plus acerbes et au mépris des vieilles femmes championnes des histoires de métissage de leur communauté. Sula était plus sombre, d'un marron brun avec de grands yeux paisibles, des yeux purs pailletés d'or." (note importante : ceci est une citation de Wikipédia ; je n'ai malheureusement pas le livre avec moi et suis incapable de dire à quel point la paraphrase de Wikipédia est proche de l'original ou pas). 

Je ne peux donc pas m'empêcher, en lisant du Morrison, de penser à cette chanson de Nina Simone, "Four women", dans laquelle, à chaque couplet, une femme annonce la couleur, au sens propre : "My skin is black", "My skin is yellow"... 

Four Women Nina Simone

Dans Délivrances, l'héroïne, Lula Ann, qui se fait appeler Bride, est "noire comme la nuit, noire comme le Soudan" (citation authentique cette fois !), pourtant née de "ce qu'on appelle une mulâtre au teint blond". La noirceur de sa peau en a fait une paria quand elle était enfant, même aux yeux de ses propres parents, puis Bride en a fait une arme, au contraire, se servant de sa beauté indiscutable pour ébahir tous les regards. 

Mais cette couleur de peau n'est qu'un élément de la grande toile que l'auteure peint patiemment, touche par touche, avec la polyphonie qui caractérise très souvent ses textes. L'histoire de Bride se découvre au fur et à mesure, à travers les différents narrateurs : sa mère, à peine ; son amie Brooklyn, un peu plus ; d'autres personnages qu'elle croise sur son chemin, comme une institutrice ayant fini de purger sa peine pour attouchements sur mineurs, ou une petite fille abandonnée par sa mère puis recueillie par un couple bienveillant. On se rend compte progressivement que c'est un roman qui parle de l'enfance - et de la violence. Des thèmes récurrents chez Toni Morrison, mais encore jamais traités sous cet angle-là. Il est question de maltraitance, de viol, de mépris, d'abandon. Egalement de vérité et de mensonge, avec des découvertes inattendues à la fin de l'histoire. 

C'est l'un des rares romans de Morrison (peut-être le seul ?) qui se déroule à notre époque, et cela m'a plu. Ce fut une lecture agréable, peut-être un peu moins "brutale" que Beloved, un peu moins marquante, mais néanmoins toujours aussi réussie. 

Neo-défi lecture 2016-continué-en-2017 : un livre qui est la dernière oeuvre d'un auteur (aujourd'hui en tout cas ; j'espère qu'il ne sera pas le tout dernier !)

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