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La petite Mu qui plume
voyage
12 octobre 2013

Albert Lemant : Lettres des Isles Girafines

Vous pensez bien qu'un album comme celui-ci, la passionnée de girafes qu'est la petite Mu ne pouvait pas passer à côté... Eh bien, pourtant, je l'avoue, je ne l'ai découvert que récemment. Je n'ai en revanche pas traîné à en faire l'acquisition. Après lecture, mon opinion reste partagée. 

Esthétiquement parlant, c'est une réussite. Dans un monochrome de tons chocolat, avec une technique qui me semble être de l'aquarelle, ou peut-être de l'encre, mêlée à du dessin, l'auteur et dessinateur Albert Lemant nous promène de page en page dans un monde visuel qui n'est qu'une longue variation du motif "girafin". On retrouve les couleurs et les formes de ces animaux si majestueux et élégants - ce n'est pas moi qui vous dirait le contraire. Le souci du détail est poussé à l'extrême : je viens d'ailleurs à peine de voir apparaître, dans la carte ci-dessous, la silhouette qui m'est pourtant si familière...

En plus d'être superbes et minutieusement réalisées, ces illustrations débordent de créativité. Puisqu'il s'agit bien d'un récit de voyage, c'est à un journal de bord que ressemble cet album, avec tout l'arsenal graphique qui va de pair : des croquis, schémas, faux timbres, faux tampons, signatures calligraphiées... cohabitent, façon scrapbooking, avec les illustrations pleine page. 

L'objet, donc, est magnifique et plaira beaucoup, tant aux fans de girafe qu'aux amateurs de journaux de voyage ou aux enfants. 

Le récit, quant à lui, ne m'a pas entièrement satisfaite. Pour résumer, il s'agit du voyage de l'explorateur britannique Marmaduke Lovingstone, qui part en 1912 découvrir les Isles Girafines, en terre africaine. Il envoie des lettres, qui tiennent lieu de journal de bord, à lady Pawlette, l'épouse du capitaine parti à ses côtés. L'aventure se déroule à merveille dans un premier temps, puisque les hommes parviennent à destination, et découvrent une civilisation exceptionnelle, qui les ravit au plus haut point. Puis, petit à petit, les excès du colonialisme anglais font des ravages sur les membres de l'expédition, à qui il arrive des choses de plus en plus étranges...

L'idée est très bonne, elle permet de lire cet album à plusieurs niveaux, de faire, bien sûr, toutes sortes de liens avec des événements historiques, de lancer des réflexions sur la notion de civilisation, sur la question de l'Autre. L'aspect merveilleux ne m'a pas gêné, du moins pas en tant que tel. Mais je suis tout de même restée très perplexe quant à la fin. Après une longue première partie où les détails s'ajoutent très progressivement, à la fin, tout va très vite, et, à mon sens, trop de pistes sont lancées. Pour un album, destiné tout de même à un jeune public (publié chez Seuil Jeunesse), j'aurais préféré quelque chose de plus clair, de plus simple, quitte à aller vers plus de didactisme. 

C'est sans doute sa complexité qui fait l'intérêt de cet album, c'est pourquoi je ne doute pas que bien d'autres que moi puissent l'apprécier dans tous ses aspects. Pour ma part, j'hésiterais par exemple à travailler sur le récit avec des élèves, même grands - mais je sais que d'autres le font - ; en tout cas, je feuillette l'objet avec un plaisir inlassable. 

On me dit dans l'oreillette que l'album possède une suite : Le journal d'Emma, dont vous pourrez lire un commentaire chez Parolimage DaDo, lectures pour adolescents. Epuisé en librairie, d'après ce que j'ai compris. Mais qu'à cela ne tienne : les ventes d'occasion seront mes amies ! A suivre, donc. 

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31 mai 2013

Fraise et chocolat

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un aliment (et même deux) en catégorie BD


Et à présent, de la bande dessinée. Ca faisait longtemps. 

C'est d'abord pour les besoins du challenge que j'ai décidé de retrouver cette BD lue pour la première fois il y a six ans, dans une bibliothèque bruxelloise, lors d'un voyage avec une amie. Avant cela, je n'y connaissais pas grand-chose à la bande dessinée d'aujourd'hui, j'en étais restée aux grands classiques. Comme bédéistes contemporains, je ne connaissais que Joann Sfar (pas si connu à l'époque, je l'ai découvert avec les Grand Vampire, puis Le chat du rabbin), guère d'autres. Lors de ce voyage à Bruxelles, j'ai commencé à mettre les pieds dans l'immense paysage  de la BD contemporaine. Et il y en a, des choses, là-dedans ! Tellement qu'il est parfois difficile de s'y retrouver, d'autant plus que les formats changent, et brouillent les pistes. Roman graphique ? Bande dessinée pour adultes ? Album illustré ? La frontière est parfois mince, et je ne suis pas spécialiste.

La BD d'Aurélia Aurita joue justement sur cette frontière (ce qui est la moindre des choses pour une artiste à cheval entre deux pays, la France et le Japon). Le format assez petit, la souplesse de la couverture font davantage penser à un roman qu'à une BD traditionnelle. Et, selon la page à laquelle on ouvre le livre, on tombe soit sur une planche assez classique, composée de différentes cases, contenant des dessins et des bulles, soit sur un schéma beaucoup plus libre : une image qui prend toute la page, du texte écrit en dehors de tout phylactère... Le récit, lui aussi, est hybride : l'idée est d'abord celle d'un carnet de voyage. L'histoire est largement inspirée de la vie de l'auteure-illustratrice : invitée à un "gros projet BD franco-japonais, rassemblant en tout dix-sept auteurs", Chenda doit écrire une histoire sur la ville de Tokushima, dans l'île de Shikoku. Et c'est ce qu'elle fait : quelques paysages sont d'ailleurs représentés, et l'amour de cette Française d'origine sino-khmère pour le Japon est bien présent au fil des pages. Mais à ce récit de voyage se superpose très vite une histoire d'amour, entre la jeune femme et Frédéric. Il s'agit de Frédéric Boilet, auteur-dessinateur de BD, l'amant d'Aurélia Aurita. 

Mais là encore, les choses ne sont pas si simples : ce n'est pas une histoire à l'eau de rose que veut nous raconter l'auteure, mais bel et bien un récit hautement érotique, variations sur le thème du sexe, qui renverse tous les clichés, et avant tout celui de la jeune fille effarouchée face à l'homme mûr entreprenant. Aurélia Aurita a choisi de raconter sa vie sexuelle sans pudeur, sans complexe, mais également avec beaucoup d'humour.

"Pas évident de parler de ces deux petites merveilles (car il y a un deuxième tome) sans en abîmer l'essence. De nombreux s'y sont essayé et n'ont réussit qu'à transformer ces albums en banales et rigolotes BD érotiques.", comme je l'ai lu sur un blog. Et, effectivement, il est difficile de rendre, en mots, les diverses sensations qui peuvent nous traverser au cours de cette lecture. C'est sûr, il ne faut pas avoir peur des images et des mots crus. Mais la BD ne se réduit pas à une série d'images pornographiques, loin de là. Aurélia Aurita joue en réalité avec les codes de la BD européenne comme asiatique, où elle pioche ce qui l'intéresse, elle, pour donner sa propre vision de la relation de couple, et pour aborder les questions qui se posent à une jeune femme amoureuse à la fois du sexe et du visage d'un homme plus âgé qu'elle. 

Joann Sfar (justement) a rédigé une sorte de préface (en dessins, évidemment), qui met extrêmement bien en valeur l'oeuvre de la jeune auteure. Il se dit ami avec Frédéric Boilet, et ne dissimule pas sa réticence initiale à lire une BD qui retrace la vie sexuelle de cet ami. Puis il commence sa lecture, et voici ce qu'il en dit :

"Oh, la, la ! C'est bien ! Les dessins, l'histoire. Oh et puis c'est éducatif. On devrait le distribuer en pharmacie pour les amoureux. Ah, et pour une fois, c'est une fille qui parle. [...] D'habitude, quand des filles parlent de cul en bande dessinée, c'est des punks pourrites qui parlent de leurs chaussettes sales. Je ne sais pas qui a pris l'initiative de prêter un crayon à une fille amoureuse mais il faut que ça dure toujours, je veux dire il faut qu'elle en fasse plein, des histoires..."

Alors, plein, pas encore. Mais, pour rebondir sur ce cliché des "filles qui parlent de cul en bande dessinée", on ne peut évidemment pas s'empêcher de penser à l'auréole qui entoure aujourd'hui Le bleu est une couleur chaude, que j'ai déjà plumé. (Enfin, quand je dis auréole... Julie Maroh, l'auteure de cette BD, n'est pas forcément connue de tous pour être l'inspiratrice du film de Kechiche, La vie d'Adèle, qui vient d'obtenir la Palme d'Or. Voir ici.)

Bref, Fraise et chocolat : à goûter ! (métaphore culinaire plus ou moins adaptée quand vous saurez ce que ces deux termes signifient pour Chenda et son amant...) Et, si vous en revoulez, il y a donc un deuxième tome. (Que je n'ai pas relu, car ma médiathèque ne le possède pas. J'essaierai de le trouver ailleurs.)

24 janvier 2013

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S.Spivet : le film (1)

Si vous n'avez jamais entendu ce titre, dépêchez-vous d'aller lire la chronique de la petite Mu, et puis surtout de lire ce roman de Reif Larsen, car ce livre est un trésor. 

Un trésor tellement précieux et inépuisable que, comme je viens de l'apprendre, une adaptation cinématographique sortira dans nos salles en octobre 2013. Allociné en parle, ainsi que le site officiel de Jean-Pierre Jeunet, puisque c'est lui qui en est le réalisateur. 

J'attends de voir. Je suis très curieuse de voir ce que peut donner une adaptation filmique, donc forcément linéaire, d'une oeuvre qui, certes, raconte une histoire, mais fonctionne également beaucoup de manière statique. Plus clairement, je me demande bien comment Jeunet va pouvoir "rendre" à l'écran les nombreuses informations, scientifiques mais aussi narratives, contenues dans les marges du livre. Ma curiosité étant plus grande que mon scepticisme, j'irai sûrement voir ce film en salles. La présence d'Helena Bonham Carter, bien connue pour ses rôles loufoques, l'une des actrices fétiches de Burton, est un autre argument qui me touche. 

Pas de bande-annonce pour l'instant, puisque le tournage n'a même pas commencé... Rendez-vous sur ce blog en octobre !

(l'image que j'ai choisie vient du site de Jeunet, c'est une photo de l'un des décors, prise lors d'un repérage au Canada. L'endroit correspond bien à ce que j'avais en tête à la lecture.)

18 août 2012

La vie très privée de monsieur Sim

Rendons à César ce qui est à ma mère : sans elle, je n'aurais peut-être jamais lu ce livre, ni connu cet auteur. Ce qui aurait été fort, fort dommage. 

J'ai adoré ce labyrinthe narratif qui a l'air sans fin - et, d'une certaine manière, c'est le cas - et qui nous fait rebondir de personnage en personnage, d'époque en époque, de récit en récit, sans pour autant réussir à nous perdre, ni à nous dégoûter. Le narrateur aura beau faire, pratiquer l'auto-dénigrement, on aura quand même envie de savoir si Maxwell Sim, oui ou non, connaîtra une forme de bonheur. 

J'ai adoré le mélange des genres et des humeurs. Il y aurait de quoi sombrer dans la déprime, avec tout ce que Max nous raconte, mais non, l'ensemble est empreint d'un indéfectible optimisme. Certaines pages font franchement sourire, l'humour fait mouche. 

J'ai adoré, enfin, la diversité des thèmes abordés (l'adultère, l'homosexualité, la dépression, la folie... et la tromperie, thème récurrent). Le principe des récits enchâssés est un moyen habile d'aborder tous ces thèmes sans que cela sonne faux, "trop pour un seul homme". 

Malgré la fin qui sent un peu trop l'exercice de style (ou le manque d'inspiration...?), je n'ai plus qu'une envie : dévorer d'autres pages de cet auteur qui a, c'est sûr, quelque chose dans la plume. La suite au prochain épisode ! 

19 janvier 2012

L’extravagant voyage du jeune et fabuleux T.S.Spivet

 

Excellente lecture, ce à quoi je m’attendais, car j’avais lu des critiques au sujet de ce roman quelque peu hors du commun.

T.S.Spivet est certes un adolescent précocément doué pour les sciences en tout genre, en particulier les sciences physiques et naturelles, il se définit comme cartographe, mais il n’est pas un surdoué, pas un génie capable de faire de tête une opération mathématique très difficile :  il le dit lui-même. Sur bien des aspects, il reste un petit garçon de douze ans, « voire plus jeune », comme je l’ai lu dans une critique avec laquelle je suis entièrement d’accord. T.S. dialogue fréquemment avec les objets qui l’entourent, il a les émotions et les sentiments d’un enfant encore peu à l’aise dans ce monde d’adultes où il est plongé, un peu malgré lui. C’est donc bien de l'histoire d'un enfant qu'il s'agit : certaines critiques parlent de voyage initiatique. 

Par ailleurs, l’objet-livre est bien sûr très intéressant, avec ces nombreuses annotations, croquis, schémas ou cartes placés dans les marges. On peut aller loin dans une réflexion sur la marginalité du personnage, qui vit tout autant, sinon plus, dans ces marges, que dans ce qu’il écrit. Pour simplifier, il y a la vie, et il y a tout ce qui est à côté. C’est cela qui le construit. De manière moins profonde, j’aime beaucoup ces livres qui jouent sur la frontière entre réel et imaginaire, qui nous font croire qu’on a entre les mains un objet appartenant réellement au personnage.

Quelques images : 

                  

Le thème de la généalogie d'une famille à la fois commune et exceptionnelle, qu'on retrouve du début à la fin, m'a rappelé Les monstres de Templeton (voir l'article sur ce blog). Il s'agit tout autant de l'histoire de T.S. que de celle de autres membres de sa famille. 

Un livre, donc, d'une extrême richesse, dont la lecture (qui demande un petit effort, surtout au début, pour s'adapter à ce va-et-vient constant entre récit et marges) vaut véritablement le détour. 

Voir aussi : une critique et une interview de l'auteur sur Culture-café, le site officiel du livre qui a l'air d'être une vraie mine d'or, pour le peu que j'ai eu le temps d'en regarder, et un tout nouvel article sur ce blog, suite à l'actualité cinématographique 2013. 

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Le royaume de Kensuké

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