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La petite Mu qui plume
26 septembre 2016

Maria Jalibert : Le joyeux abécédaire

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A comme Alligator, B comme Bison, C comme Caniche... Tiens, un abécédaire d'animaux, me direz-vous. A comme Atchoum, B comme Bêêêê, C comme Cocoricoooo, D comme Driiiiiiing : ah non, ce sont des onomatopées. Puis "Un gorille gelé sous une giboulée glaciale", un "Homme houspillant un âne harassé" : ah ? Serait-ce un abécédaire poétique ? 

En fait, c'est tout ça à la fois, et bien plus encore ! Maria Jalibert avait déjà exposé sa collection de jouets miniatures dans Bric-à-brac, un imagier dans lequel elle suggérait des classements astucieux et parfois inattendus pour découvrir des contraires ou des oppositions. Elle recycle ces petits objets une deuxième fois, en proposant cette fois-ci des associations alphabétiques. Point de règles ni de régularité : chez Maria Jalibert, on surprend, on s'amuse, on se désordonne, et puis on se réordonne, mais jamais de la même manière. De cela sortent toutes sortes de planches très rigolotes :  

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Et le pari vocabulaire est tenu : l'album foisonne de mots intéressants que l'on prendra plaisir à expliquer et raconter à l'aide des images : qu'est-ce qu'une araignée "acariâtre" ? Un chien "colossal" ? Un diable "disgracieux" ? Etc, etc. 

J'ai complètement craqué sur cet album aux images délicieusement vintage, que j'ai lu comme une véritable malle au trésor : on exhume des jouets, on exhume des mots, mais on réinvente l'abécédaire et on joue avec le langage. Du recyclage d'images et de lettres tout à fait réussi ! Ca donne plein d'idées de créations artistiques... Avant ou après la lecture de l'album, allez jeter un oeil aux coulisses de la création sur le blog de l'auteure-illustratrice, et découvrez encore plein de petits trésors ! 

Suite de ma collaboration avec les éditions Didier Jeunesse

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22 septembre 2016

#Rentrée littéraire : Sophie Adriansen, Le syndrome de la vitre étoilée

Le syndrome de la vitre étoilée

Première déception de cette rentrée littéraire 2016. Pour une fois que je me donne envie en lisant les catalogues et que j'investis dans un livre neuf !... 

Quatrième de couverture : "Un garçon, une fille, dix ans de vie commune. De cette équation parfaite naît le désir d'enfant. Puis les difficultés arrivent. Le désir se transforme. Le garçon et la fille aussi. Un couple sur cinq connaît des difficultés pour avoir un enfant." Faisant partie de ce couple sur cinq, forcément, le sujet m'intéressait. Je m'attendais à quelque chose d'assez poétique, à l'image du titre et de son commentaire en début d'ouvrage : "La vitre étoilée, c'est celle du flipper qui, sous les coups des joueurs frustrés d'avoir laissé échapper la bille, se brise sans se disloquer. Les fissures lui confèrent un aspect céleste. C'est quand tout est brisé à l'intérieur alors qu'à l'extérieur tout semble tenir. On peut même trouver ça joli. Après, généralement, ça fait tilt."

En feuilletant le livre, je remarque une présentation particulière, de nombreux mini-chapitres. Je comprends qu'il s'agit d'une sorte de journal intime. 

extrait vitre étoilée

Je me plonge dans ce journal avec assez de plaisir, mais très vite, je déchante. J'ai l'impression de lire le blog d'une lectrice de Cosmo. Je ne me reconnais absolument pas dans le personnage de Stéphanie, jeune working-girl qui travaille dans la pub. Elle représente ce genre de personnages qui, à mes yeux, sonne faux : l'auteur-e essaie de nous montrer qu'il ou elle n'a pas une vie parfaite, mais hormis le malheur qui s'immisce dans sa vie (pour Stéphanie et son compagnon Guillaume, leur infertilité), tout le reste semble lisse, fun, dans la norme. Moi qui n'aime que les personnages complexes, ambigus, voire tordus... Donc, certes, Stéphanie souffre, il lui manque ce que toutes ses copines ont et qui semble fait pour elle : un bébé. Mais à force de vouloir mettre à distance cette souffrance, la teinter d'humour, jouer sur le langage, on en perd l'émotion qui était censée être le fil conducteur du roman. Il y a quelques formules bien trouvées, mais dans l'ensemble, l'écriture n'a rien de différent d'une chroniqueuse de magazine girly. 

Par ailleurs, je n'ai pas aimé non plus l'orientation donnée à l'histoire. Au fil des pages, on sent que tout est fait pour nous montrer qu'on ne peut pas se complaire dans le malheur, qu'il faut rebondir, être positif. C'est ce que Stéphanie fait, par des choix de vie plus ou moins radicaux. J'ai donc aussi eu une désagréable impression de livre moralisateur. C'est assez insidieux, mais ça revient plus ou moins aux objectifs de ces magazines pour jeune femme qui veut améliorer sa vie : on peut trouver une solution à tout, moyennant un petit test de neuf ou dix questions et un petit article de quelques pages, avec des témoignages pour donner un peu de crédit aux conseils prodigués. Mouais. Ca peut marcher quand on cherche à perdre deux kilos ou à apprendre à se maquiller. Mais pour le genre de sujet que Sophie Adriansen a tenu à aborder, les recettes miracles ne fonctionnent pas. Alors, oui, elle s'attache à montrer, tout au long du roman, les clichés et les phrases à l'emporte-pièce contre lesquels les couples infertiles doivent souvent lutter. Mais la fin m'a laissée coite tellement je l'ai trouvée proche de ces clichés, justement. 

Peut-être que d'autres lecteurs, confrontés à ce même obstacle dans leur vie, apprécieront plus que moi ce roman et sauront justement y trouver le réconfort nécessaire. Peut-être que les amateurs de chick-lit liront avec plaisir un livre qui reprend quelques codes du genre, autour d'une histoire plus profonde, différente d'une simple romance. De mon côté, je ne retiendrais (presque) que les citations du roman de Julie Bonnie, Chambre 2  que Sophie Adriansen sème tout au long de son livre. Chambre 2 m'avait marquée et j'en trouve l'écriture plus belle et plus convaincante... 

Quelle déception, donc, d'autant plus que j'ai beaucoup aimé quand la plume de Sophie Adriansen s'adressait aux jeunes lecteurs, sur un thème pourtant tout aussi délicat, avec Max et les poissons, vainqueur du prix PEP42 de l'année dernière

Et de deux pour le TTT rentrée littéraire !  

19 septembre 2016

#Rentrée littéraire : Mikaël Thévenot, Flow (tome 2)

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Je retrouve Josh et ses aventures après quelques mois. Rappelez-vous, c'était ici : l'histoire d'un adolescent qui se découvre le pouvoir de capter le flot des pensées autour de lui, et dont le quotidien devient rocambolesque quand un mystérieux internaute le contacte... 

Nous retrouvons Josh, fraîchement revenu des Etats-Unis, et sacrément secoué par une rencontre absolument inattendue, à la toute fin du tome 1. Non, non, ne me suppliez pas : je ne révèlererai rien ! Après ce coup de théâtre, il devient nécessaire à Josh de se confier, et pas seulement à son meilleur ami Axel, avec qui il a partagé le début de ses aventures. Toutes les personnes importantes pour Josh sont alors mises dans la confidence de son "superpouvoir" et de tous les événements qui lui sont reliés. Pour ne pas vous spoiler quoi que ce soit, il me suffira de vous dire que Josh va très vite retourner aux Etats-Unis, et qu'il sera aidé par Kyle, un ancien agent du FBI - que le lecteur a rencontré dans le tome 1 à travers les nombreux flash-backs, qui revenaient sur l'enfance de Josh aux States... 

Il se passe beaucoup de choses dans ce tome 2, plus que dans le premier. Arrivée à la moitié du livre, et sachant déjà qu'il n'y avait pas de tome 3, je me suis demandée comment l'auteur allait faire pour rassembler la plupart des péripéties et le dénouement dans ce qui restait de pages. De fait, sur l'ensemble des deux volumes, le récit souffre quelque peu d'un problème de rythme, à mon sens. Peut-être aurait-il fallu consacrer moins de temps à la présentation de certains personnages ou à certaines intrigues secondaires. Mais c'est souvent le propre des romans jeunesse d'aventure : les romanciers cherchent à maintenir un équilibre entre tout ce qui fait avancer l'action et qui fait du roman un thriller, d'une part, et tout ce qui en fait un récit proche des lecteurs, avec davantage de touches réalistes, d'autre part. Cet équilibre est toujours assez fragile. Pour Flow, je crois que j'aurais préféré davantage de rocambolesque et moins de détails concernant la vie quotidienne de Josh, le lycée, les repas en famille... Cela aurait, en outre, donné plus de crédibilité au personnage de Josh, qui apparaît au lecteur comme un adolescent à la fois très banal et capable d'agir aussi bien, voire mieux qu'un agent d'une organisation nationale. 

Au final, j'ai quand même lu avec plus d'avidité ce deuxième tome, qui remplit parfaitement son rôle : on veut assembler les pièces du puzzle et savoir comment Josh va s'en sortir. Il reste matière à creuser : Josh pourrait certainement vivre d'autres aventures, avec ce pouvoir qu'il apprend seulement à maîtriser et qui peut s'avérer si pratique et si dangereux à la fois... 

Et d'un pour le TTT de la rentrée littéraire

Suite de ma collaboration avec les éditions Didier Jeunesse

12 septembre 2016

La rentrée des éditions Sarbacane

Présentation Sarbacane

Le 29 août, à Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse, c'était déjà la rentrée : celle des éditions Sarbacane, qui venaient présenter leurs nouveautés dans les locaux du chouette Complexe du Rire.

Sarbacane, c'est une maison d'éditions encore adolescente (treize ans cette année), encore familiale (treize membres cette rentrée), encore audacieuse, mais avec un catalogue déjà sacrément étoffé, riche d'albums pour petits et grands, de romans "ados-adultes", et de BDs jeunesse, adulte, tout public. Quelques fils conducteurs pour la ligne éditoriale : de la création (95% des titres du catalogue sont des manuscrits jamais publiés auparavant), une importance particulièrement accordée à la qualité du texte, y compris dans les albums et les BDs, et, le plus souvent possible, des paris parfois risqués avec les jeunes lecteurs.

En tant que grande lectrice de romans ados, c'est évidemment de la collection Exprim' que je connais le plus de titres. J'y ai découvert Antoine Dole (dans la collection Mini-romans plus exactement, avec A copier cent fois, puis chez Exprim' pour les autres romans) ; j'y ai lu des valeurs sûres, comme Frangine de Marion Brunet qui rencontre un bon succès auprès de mes élèves  j'y ai eu un tout récent coup de coeur, avec Dysfonctionnelle d'Axl Cendres. Je connaissais beaucoup moins les albums ; j'ai retrouvé des titres dont j'avais lus de très bonnes critiques à droite et à gauche, comme Le chien-chien à sa Mémère ou Course épique, vanté par la librairie des Croquelinottes. Des albums qu'on identifie immédiatement comme décalés, sortant du lot, par leurs choix de thèmes ou d'illustrations. Et ça se gâte encore pour les BDs, dont j'ignorais même l'existence chez l'éditeur, alors qu'il y en a quand même un certain nombre.

Quel menu alléchant Manue (éditrice albums) et Tibo (éditeur romans) nous ont-ils donc présenté ?

Côté albums, leur choix s'est porté sur trois parutions très différentes les unes des autres.

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D'abord un livre musical : Le fantôme de Carmen. Son créateur Pierre Créac'h, s'est payé le luxe de suivre cinq ans de Conservatoire puis cinq ans d'école d'art : c'est dire s'il a plusieurs cordes à son arc. Il est donc entièrement aux manettes de ce livre, à la fois auteur, dessinateur et responsable des choix musicaux et de la bande-son. Le fantôme de Carmen est le troisième tome d'un projet qui vise à faire découvrir la musique dite "classique" aux plus jeunes. L'histoire est toujours centrée autour d'un jeune garçon, Louis (parce qu'il écoute !), embarqué dans des aventures qui se déroulent bien sûr en musique. La bande-son est assurée par des instrumentistes de qualité, et la lecture est assurée par de grands noms, habitués à l'exercice : Jean Rochefort, Pierre Arditi, et pour cette nouveauté, Yolande Moreau. Ce dernier argument pourrait bien me convaincre, ainsi que les illustrations, en noir et blanc à la mine de plomb pour baigner le jeune lecteur dans un univers onirique.

Puis un album plutôt nourri en texte, qu'on a eu la chance d'emporter avec nous après la présentation pour le feuilleter posément : Le Royaume de Minuit, de Max Ducos. 

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Cet auteur illustrateur est apparemment un habitué des sélections et des prix littéraires, notamment les Incorruptibles que les professeurs (dézécoles ou décollèges) connaissent bien. Il privilégie de larges illustrations à la gouache, aux couleurs franches, en accordant de l'importance aux cadrages. La présentation de Jeu de piste à Volubilis, l'histoire d'une petite fille vivant dans une maison d'architecte qu'elle n'aime pas, et qui se transforme en chasse aux indices avec le lecteur, m'a accrochée. J'ai aimé aussi la couverture et les premières images du ce nouveau Royaume de Minuit.

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Mais, une fois l'album lu en entier (assez long, c'est un engagement des éditeurs pour faire aller les jeunes lecteurs vers des textes développés), je suis restée sur ma faim, surtout concernant l'histoire : deux enfants que tout oppose et qui se retrouvent réunis, tous seuls dans une école pendant une nuit entière. La manière dont Max Ducos a développé cette trame ne m'a pas semblé si originale, et l'écriture n'a rien d'exceptionnel non plus.

Enfin, un événement, à l'échelle éditoriale : Rébecca Dautremer, très connue pour ses Princesses et la panoplie de cartes et carnets qui en dérivent, anciennement publiée chez Gautier-Languereau, arrive chez Sarbacane après une période de "sommeil" artistique. Et c'est tout naturellement qu'elle se tourne vers une histoire de réveil : après avoir réinterprété le Petit Poucet et Alice, elle met en scène la Belle au bois dormant dans son album sobrement intitulé Le bois dormait. La même inspiration visuelle, bien sûr ; on peut être surpris, cependant, par la modernité de certains décors, les gros plans sur des visages, qui se démarquent quelque peu des précédents. Nouveauté en revanche, qui marque le début de cette nouvelle collaboration éditoriale, Rébecca Dautremer s'est mise à l'écriture. Parmi les petites anecdotes glanées au fil de la présentation, on apprend que c'est un coup de coeur pour Moi j'attends de Serge Bloch qui lui a donné envie, d'une part, de venir chez Sarbacane, et, d'autre part, d'écrire sur l'attente.

Afficher l'image d'origine

Passons maintenant aux romans ados :

L'éditeur fête les 10 ans de la collection Exprim'. Tibo, le directeur de collection, a rappelé le caractère "exceptionnel" de l'année 2015-2016, avec quatre romans très remarqués :

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Il a avoué ensuite s'être demandé comment faire aussi bien cette année... Le choix semble avoir été celui du challenge, avec des tentatives audacieuses.

Pour commencer, Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais, dont on a déjà beaucoup entendu parler sur les blogs et les sites de libraires. Il s'agit d'une variation autour d'un roman de Pouchkine, Eugène Onéguine, rédigé en vers : eh bien, l'auteure a décidé de conserver cette écriture en vers pour en faire un roman ado. Rien que ça ! Et il paraît que ça marche : de jeunes blogueurs ont été interrogés, et visiblement, passée la surprise de départ, le roman plaît. Cela rend curieux, en tout cas, et c'est pour ça que j'ai fait figurer ce titre dans mon TTT sur la rentrée littéraire 2016.

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Puis l'incontournable de cette rentrée littéraire : le roman sur les attentats. En littérature adulte comme ados, c'est LE thème qui revient. Sarbacane a donc aussi, dans son nouveau catalogue, un roman intitulé sobrement et clairement 14 novembre, de Vincent Villeminot. L'histoire d'un jeune homme dont le frère meurt dans les attentats des terrasses, et qui, le lendemain, croise l'un des terroristes dans le métro. Après ce début très proche des événements réels, une fiction se met en place, dans laquelle il sera question de la soeur du terroriste, et de dialogue entre les deux hommes. Forcément, on peut être méfiant, trouver que c'est prématuré, s'attendre à du voyeurisme, se demander si l'auteur, et tous les autres qui se sont attaqués à ce sujet, sauront trouver le recul qui manquait tellement au flot d'images et d'informations qui nous a noyés à plusieurs reprises ces douze derniers mois... Là encore, la curiosité me poussera peut-être à lire ce roman. 

Voilà... c'est là que j'ai dû partir ! Je ne peux donc malheureusement rien vous dire sur les romans 8-12 ans (je suis repartie avec un livre de Marion Brunet, L'ogre à poil(s), mais c'est un tome 2, et bon, ce n'est pas trop ma tasse de thé...), ni sur les BDs. Mais à vrai dire, cela faisait déjà beaucoup d'idées, d'envies, pour mon budget qui n'est pas celui d'un libraire ni d'un bibliothécaire !... 

Bonne rentrée à Sarbacane, et bonnes lectures à vous ! 

6 septembre 2016

TTT #3 : Les 10 romans qui se déroulent dans un lieu scolaire lus ou à lire

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Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire qui consiste à présenter chaque mardi 10 titres répondant à un thème littéraire précis. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français sur le blog Frogzine. (Et découvert par la petite Mu chez Forty-five weeks). 

Le thème de la semaine est évidemment d'actualité, et il prend la suite des derniers articles de la petite Mu. On ne vous apprendra rien (surtout que la plupart de ceux qui viennent faire un tour ici sont de l'Educ'Nat'...) : c'est la rentrée.  

 

En littérature jeunesse, j'aurais pu citer des dizaines et des dizaines de titres, forcément. Quand les romans jeunesse prennent pour personnages des enfants ou des adolescents, il se trouve que le quotidien de ceux-ci est souvent rythmé par l'école, le collège, le lycée, qui servent donc logiquement de cadre au récit. On peut penser aux enquêtes de Jean-Philippe Arrou-Vignod, aux Disparus de Saint-Agil, aux aventures de Laure et ses amis dans les romans de Catherine Missonnier que j'adorais quand j'étais petite (Superman contre CE2, Extraterrestre appelle CM1...)... Parmi les titres plumés sur ce blog, il y aurait aussi A copier cent fois d'Antoine Dole ou Frangine de Marion Brunet, parce que le harcèlement dont leurs héros sont victimes a lieu majoritairement sur leur lieu scolaire ; Avalon High de Meg Cabot, dont le titre reprend le nom de ce lycée mystérieux où le présent croise le passé du Moyen Âge ; ou même Eleanor&Park de Rainbow Rowell dont la plupart des scènes se passent au lycée. 

Mais il fallait bien choisir, et j'ai sélectionné des romans dont l'école est non seulement le cadre mais aussi la thématique, et qui ont une importance particulière dans mon parcours de lectrice : 

La sixième, de Susie Morgenstern : parce qu'à mon époque c'était un livre déjà culte mais pas encore vieilli comme il peut l'être actuellement, et que c'était l'une de mes premières acquisitions chez L'école des loisirs ; 

L'année Rase-Bitume, de Philippe Barbeau : parce que ce roman beaucoup moins connu, lu également quand j'étais jeune, m'avait beaucoup plu, et que, pour une fois dans un roman jeunesse, l'héroïne n'était pas une élève mais la professeure, fraichement arrivée en classe Segpa ; 

Harry Potter à l'école des sorciers, de J.K. Rowling : parce que Poudlard, c'est quand même une école, et que, même si je n'en ai quasiment jamais parlé sur ce blog, je suis une inconditionnelle de Harry Potter, une de celles qui ont lu les premiers livres à leur sortie ou presque (à la parution du 3e volume pour ma part), et qui ont ensuite grandi avec le personnage, s'obligeant à lire les deux derniers tomes en anglais (un exploit pour moi) parce qu'il était impossible d'attendre la traduction en français ; 

Vive la République !, de Marie-Aude Murail : parce que j'ai ce roman que j'ai découvert à l'âge adulte et dans lequel l'héroïne est aussi une institutrice m'a beaucoup plu, malgré quelques concessions à certains stéréotypes et un enthousiasme peut-être un peu exagéré. 

 

En littérature adulte, les candidats à la sélection sont plus rares. J'ai dû réfléchir un peu plus, mais ce fut l'occasion de me remémorer de vieilles lectures quasi oubliées et de découvrir des idées pour ma liste à lire : 

L'orange de Noël, de Michel Peyramaure : parce que c'est un souvenir de mon premier swap Néoprofs, et que je n'aurais d'ailleurs jamais lu ce roman de terroir sans la contrainte "Noël" + "couleur orange" ; 

Délicieuses pourritures, de Joyce Carol Oates : parce que ce campus novel (qui est un genre littéraire à part entière, popularisé entre autres par David Lodge) m'a réconciliée avec Oates que je goûtais peu jusque là ; 

Chagrin d'école, de Daniel Pennac : parce que ce fut une bonne surprise et la source d'intéressantes réflexions pédagogiques ;

Sortie de classes, de Laurent Torres (à lire) : parce que ce livre (qui m'a déjà servi pour le TTT#2 sur la rentrée littéraire 2016) qui s'intéresse de près à la vie d'un enseignant représente ce que j'appelle "mes lectures sadomasochistes" (je sais que ça va parler de choses qui ne vont pas m'égayer, mais je succombe quand même à la tentation de lire à propos de cet univers que je connais si bien) ; 

Entre les murs, de François Bégaudeau (à lire) : parce qu'après avoir vu le film, qui m'avait mise assez mal à l'aise car j'étais incapable de savoir quel "message" sur l'enseignement il cherchait à nous délivrer, j'ai tellement aimé La devise, du même auteur, que j'ai envie de découvrir le livre à l'origine du film, pour voir exactement ce qui relève de la plume propre de Bégaudeau, sans apport du réalisateur ; 

Honte et dignité, de Dag Solstad (à lire) : parce que je viens de le découvrir en faisant des recherches et que la critique de Libération, qui parle de quarante-cinq premières pages "extraordinaires", m'a donné envie. 

Et vous, aimez-vous retrouver avec nostalgie vos années d'écoliers au coeur de vos lectures ou êtes-vous allergiques à tout ce qui touche à l'école dans les livres ?

 

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3 septembre 2016

François Bégaudeau, La devise

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Voici une lecture dont je vais vous parler avec beaucoup, beaucoup d'enthousiasme. Un enthousiasme dont je suis la première surprise : théâtre contemporain, François Bégaudeau, les valeurs de la République, trois éléments qui avaient tout pour me faire fuir. Je le disais précédemment, le théâtre d'aujourd'hui, ce n'est pas mon fort ; ma "rencontre" avec Bégaudeau à travers son film Entre les murs m'avait laissé un souvenir teinté de malaise (j'en reparle plus loin) ; et les valeurs de la République, à force d'en manger à toutes les sauces dans nos diverses réunions et formations, je ne pouvais plus les voir en peinture. Mais ce mois d'août étant placé, chez la petite Mu, sous le signe du challenge, la lecture de cette pièce n'y échappera pas. 

J'ai été rassurée dès le prologue. Benoît Lambert, le metteur en scène de la pièce, raconte que François Bégaudeau, dans un premier temps, n'avait pas envie d'écrire sur la devise nationale. Ce thème, je cite Lambert, "lui semblait même potentiellement suspect : dans la France de l'après-Charlie [ndlr : la pièce a été créée en 2015], le retour aux valeurs de la République avait aussi pris des allures de revanche, et les discours de célébration tournaient souvent pour bon nombre d'entre eux à la crispation identitaire. Comment dans un tel contexte évoquer sereinement les trois mots les plus épuisés de notre dictionnaire ? Comment éviter le catéchisme lénifiant sans tomber dans la provocation inutile ?" Voilà qui traduisait exactement mon sentiment à l'égard de cette notion de "valeurs de la République". 

Moi qui suis difficile à l'égard du théâtre, et qui n'aime pas quand il se résume à un dialogue de film, sans recherche sur la langue et le style, j'ai pourtant été convaincue par ce texte-là : j'en reconnais les possibilités scéniques, et, en même temps, j'ai aimé le lire comme un texte brut. 

D'abord parce qu'il y a beaucoup d'humour, porté par le jeu entre les deux personnages, l'homme totalement dépourvu de second degré et la femme qui n'en manque pas. Elle "charrie" beaucoup, pour reprendre un terme que les élèves d'Entre les murs adressaient à leur professeur. J'ai vraiment éclaté de rire à de nombreuses reprises. Il y a des formules qui tiennent autant du bon mot que de la pertinence la plus totale, comme cette phrase : "Les jeunes ont beaucoup moins d'argent que les vieux, mais beaucoup plus d'avenir." Incontestable ! 

Ensuite, le pari est tenu, celui de dire quelque chose de vrai sur les trois valeurs *biiiiiiiip* mots (lisez, vous comprendrez) de notre devise sans tomber dans "le catéchisme lénifiant" ni "la provocation inutile". Là encore, c'est la répartition des rôles qui le permet. L'homme, qui prend sa "mission" de conférencier très à coeur, a souvent tendance à verser dans la facilité, le discours attendu, le jargon très 2015 (et 2016 encore, d'ailleurs). La femme, elle, est prête à sombrer dans la mauvaise foi pour critiquer et poser des limites au jargon et à la morale. Comme deux petites voix que chacun d'entre nous pourrait avoir en tête, ils se renvoient la balle, et ne sont finalement pas plus capables l'un que l'autre de fournir un propos cohérent et fédérateur sur ces trois mots que, pourtant, tout le monde connaît. Un vrai débat linguistique, historique, philosophique, politique, est engagé sur chacun de ces mots, dans un ton que l'auteur a su rendre véritablement pédagogique, avec accessibilité mais sans facilité. La fin, on s'y attend un peu : c'est évidemment au public (et aux lecteurs), quel qu'il soit, de donner soi-même du sens à des mots qu'on peut interpréter et surinterpréter. J'ai bien aimé cette réflexion : la vraie interactivité d'un discours, ce n'est pas de jouer aux questions-réponses avec le public, c'est de lui permettre, après avoir écouté le propos en entier, de le prolonger, seul, en groupe, en silence ou en paroles. C'est une très belle leçon de pédagogie, qui réaffirme qu'un point de vue critique se construit après avoir écouté, après avoir appris, y compris ce que le thème pouvait avoir de contradictoire. 

Enfin, je dois reconnaître que François Bégaudeau a un regard très juste sur l'adolescence. Dans Entre les murs, les postures d'élèves étaient représentées avec tellement de vérité que, pour un professeur, le visionnage des scènes d'affrontement est réellement pénible. Ici, les allusions au public adolescent parsemées dans la pièce ne tombent pas dans la caricature, tout en étant incisives. Leur justesse vient aussi du fait qu'elles renvoient toujours dos à dos adolescents et adultes. Ainsi dans cet échange : 

"HOMME [...] : Est-ce que je précise que c'est la République de 1848 qui a adopté cette devise ? 
FEMME : Ca leur dira rien. Quand on s'adresse aux jeunes, toujours partir du principe qu'ils ne savent rien. 
(Un temps.)
Surtout en histoire.
HOMME : Et en géo. 
FEMME : Et en maths. 
HOMME : Et en anglais.
FEMME : Cela dit, les adultes non plus. Personne ne sait rien. Parle de 1848 à un adulte, il pensera que c'est une marque de bière."

En fait, ce n'est pas que sur l'adolescence que l'auteur porte un regard pertinent, mais sur l'espèce humaine en général. Entre l'idéalisme teinté de naïveté de l'homme, et la lucidité parfois défaitiste de la femme se dessine un juste milieu, une image nuancée de l'homme et de ses contradictions. 

Bref, vous l'avez compris, je recommande cette lecture à tout le monde sans exception. C'est évidemment un sujet dont chacun peut s'emparer car, malheureusement, le propos créé en octobre 2015 est on ne peut plus d'actualité en août 2016. J'adorerais voir jouer cette pièce devant un public adolescent ; et j'envisage sérieusement de choisir certains extraits pour les lire ou les faire lire à mes élèves. Merci à François Bégaudeau pour ce beau texte dont on avait besoin ! 

 

- - - Sur la photo, vous pouvez voir d'autres titres de la collection jeunesse des éditions Les Solitaires intempestifs : j'en reparle bientôt, mais j'ai été déçue par ces deux autres titres. - -  

1 septembre 2016

Une bibliothèque dans la classe

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Une récente conversation sur Néoprofs m'a donné l'idée de cet article.

Non sans nostalgie et pincement au coeur, car, si j'ai pratiqué avec assez de bonheur la "bibliothèque de classe" dans mon désormais ancien collège, en l'améliorant d'année en année, jusqu'à arriver à quelque chose d'assez chouette, je dois dire... je ne peux en revanche pas affirmer du tout que j'arriverai un jour au même résultat dans mon désormais nouveau collège, car je deviens une professeure SSF (Sans Salle Fixe), retour en arrière bien connu des derniers arrivés dans un établissement scolaire. 

Bref, cela n'empêche pas de partager mon expérience.

D'abord, pourquoi une bibliothèque de classe alors que, depuis les années 1970, tous les collèges disposent d'un CDI entre leurs murs ? Mes trois réponses à cette question (et, évidemment, elles n'engagent que moi) : 

- Le besoin de compléter un fonds interne (celui du CDI) insuffisant. --> C’était mon cas, mais attention, j’explique le contexte : j’étais dans un petit établissement, doté d’un budget limité, mais surtout, dont la politique d’acquisition en terme de littérature jeunesse (ce qui m’intéressait plus particulièrement) n’avait visiblement pas été retravaillée depuis plusieurs années. Dans ce domaine, le fonds était donc effectivement très pauvre. Un nouveau professeur documentaliste est arrivé en même temps que moi, il y a progressivement remédié, mais mon impatience habituelle s’accoutumait mal des délais de commande et des impératifs de dates et de budgets qu’il devait respecter.

 - L’envie d’avoir des livres à proximité immédiate, à la fois des élèves et du professeur. --> Il y a le traditionnel « pour que les élèves s’occupent à la fin d’un contrôle ». Mais il n’y a pas que ça. C’est aussi beaucoup plus pratique de pouvoir saisir en direct le livre dont on est en train de parler aux élèves, ou de leur permettre d’aller le chercher eux-mêmes. S’ajoute à cela le bénéfice, j’en suis convaincue, d’une fréquentation régulière (presque journalière, puisque les élèves ont souvent un cours de français par jour) des livres, même si ce n’est que visuel. J’ai remarqué que les élèves jetaient souvent un œil, et remarquaient quasi toujours quand je modifiais quelque chose dans mes rayonnages ou présentoirs.

 - Enfin, le souhait de proposer ses livres, pas n’importe lesquels. -->  Au-delà d’une simple réserve de livres, la bibliothèque de classe, c’est aussi la bibliothèque du professeur. Elle lui permet de partager ses goûts et ses centres d’intérêt avec les élèves. Les titres qui y figurent ont été choisis par lui. Il sait précisément ce qui s’y trouve et la médiation n’en sera que plus facile. C’est un trait d’union entre son univers et celui des élèves. Je suis très attachée à cet aspect-là ; il m’importe de dire aux élèves, quand je leur présente un livre, que je l’ai aimé, ou pas, pour telle ou telle raison.

 

Si ces réponses vous ont convaincu, un petit document synthétique à télécharger pour les conseils pratiques : Une_biblioth_que_de_classe

 

Quant à mon aventure, par étapes : 

1°) Première année : Pas d’installation particulière, j’apporte de temps en temps quelques livres de chez moi, je les prête aux élèves qui le souhaitent en notant leur nom sur mon agenda, je les entrepose dans mon placard (souvent fermé).

2°) Deuxième année : Je décide de pratiquer l’exposition, et j’utilise pour cela une table placée au fond de la classe. Mieux, mais elle ne me permet d’exposer qu’une dizaine de livres (je dois donc varier les expositions et reléguer les anciens livres dans mon placard, toujours) et je dois attirer l’attention des élèves sur cette table, située dans leur dos.

3°) Troisième année : Je cherche à obtenir une étagère. J’atteins presque mon but : ce sera un placard, dont je dois ouvrir les portes. Mais j’utilise ces portes comme supports aux fiches indicatives ou autres affiches, et ça y est, j’ai enfin ma bibliothèque, une vraie ! J’y range, au fur et à mesure, jusqu’à une cinquantaine de livres : une grande partie de ma collection de littérature jeunesse (dont je ne faisais pas grand-chose chez moi ; je n’ai gardé que les livres auxquels je tenais vraiment, et encore, j’en ai fait circuler quelques-uns qui étaient même dédicacés !), des specimen reçus dans mon casier, de vieux Je Bouquine choisis pour être en rapport avec des thématiques étudiées en classe (je pense aux adaptations de classiques en BD), quelques documentaires bien spécifiques…
J’élabore alors mon propre classement :
- deux étages consacrés aux livres en lien avec les programmes, classés par thématique avec indication du niveau correspondant (récits merveilleux 6e, Moyen Âge 5e, fantastique 4e, récits d’enfance 3e…).
- un étage – bien rempli – pour la littérature sans lien avec les programmes, qu’on peut appeler « lecture plaisir » (mais pourquoi priver les autres de ce nom ?…). Je me suis un peu cassé la tête sur les indications de niveau (en mettre ? ne pas en mettre ? si oui, comment ?), et j’ai tranché pour ça :

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Enfin, un étage un peu « fourre-tout » : les Je Bouquine, quelques BD et documentaires, une collection dépareillée de Contes de ma mère l’Oye.
Les emprunts commençant à se faire plus nombreux, je me munis d’un petit cahier de prêts avec trois colonnes : nom de l’élève, titre du livre, date de prêt, et je raye la ligne au moment du retour. Pas de condition d’emprunt autre que de prendre soin des livres. Si un livre est très demandé, ou que moi-même j’en ai besoin, je demande à l’élève de le rapporter rapidement. J’ai toujours retrouvé mes livres. Pour ce qui de leur état, ça dépend des élèves emprunteurs. Certains ont les mêmes habitudes de grande précaution que moi, d’autres font manifestement du livre un objet totalement désacralisé. Mais puis-je leur en vouloir ? Je n’ai jamais eu de grosse dégradation en tout cas (livre déchiré, taché, ou autre chose de ce genre). Peut-être que je me déciderai à les couvrir, mais ça va me prendre beaucoup de temps et un peu d’argent.

4°) Quatrième année : Dernière étape, l’ultime : je me dote d’un présentoir, un vrai (bon, avec une vis en moins, mais quand même), et ma bibliothèque, plus d’un meuble, devient alors un lieu, un vrai, avec un espace destiné à la conservation (les rayonnages archivés), et un autre destiné à la valorisation (le présentoir). J’ai veillé à ce que ce dernier soit régulièrement « mis à jour », en m’adaptant soit au contenu de mes cours, soit à une thématique que je souhaitais mettre en avant à un moment particulier (la poésie pour le Printemps des Poètes, la 1e GM lors des commémorations…), soit à une actualité particulière : ainsi, ce présentoir m’a tristement aidé, après les attentats de Charlie et ceux du Bataclan, à exposer des images qui me touchaient et à mettre à disposition des élèves des ressources de toutes sortes (livres, magazines… J’avais même fait un portfolio « revue de presse », avec des articles et des caricatures).

J'espère vraiment, vraiment continuer l'aventure dans mon nouvel établissement... A suivre ! 

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Le royaume de Kensuké

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