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La petite Mu qui plume
10 juillet 2016

John Agard : Je m'appelle livre et je vais vous raconter mon histoire

Je m'appelle livre

Voici un livre documentaire plutôt original dans sa présentation et sa conception. Documentaire, car il s'agit bien d'une histoire du livre, comme il en existe beaucoup et comme j'aime en lire en ce moment. Mais c'est bien une histoire "racontée" qu'on va lire, adressée à un public jeune, mais non dépourvue d'intérêt pour des lecteurs plus grands.

Le livre prend donc la parole et raconte ses nombreuses évolutions, de l'époque sumérienne à l'ère de l'électronique. Original donc par ce choix d'écriture, narration à la première personne, qui impliquera nécessairement davantage les moins habitués aux lectures documentaires. Mais original aussi par ce qu'on voit en tournant les pages. Regardez par vous-mêmes, puisque Nathan a cette bonne idée de proposer un feuilletage en ligne : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782092556757. Une typographie inventive et variée, des illustrations sobres, modernes et atemporelles en même temps, des citations venues d'hier et aujourd'hui : on lit du Lao-Tseu, mais aussi des auto-citations, si je puis dire, de John Agard lui-même, et de sa femme, Grace Nichols, tous deux étant poètes. Enfin, les informations y sont précises. Les questionnements liés au livre électronique, notamment, ne sont pas oubliés, ni traités de manière rigide.

C'est un beau livre, sous tous les angles, que j'ai trouvé très agréable à lire, et que je conseillerais volontiers aux jeunes lecteurs. Une très chouette découverte que j'ajoute à la liste des histoires du livre que j'aime : celle de Bruno Blasselle (les petits Découvertes Gallimard), celle de Roger Chartier (Le livre en révolutions), et la superbe exposition virtuelle de la Bnf.

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4 juillet 2016

Stéphane Servant : La langue des bêtes

 

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Je déteste Stéphane Servant. Il m'énerve. Mais vraiment. En fait, je vous expliquer pourquoi il m'énerve : il a écrit un livre que j'aurais voulu écrire. Déjà, France 2, avec la série Trapped, m'avait volé mon idée de thriller en huis clos sur une île scandinave... Bon, je m'égare. Mais, ce roman, La langue des bêtes, il concentre effectivement tout ce que j'aurais eu envie de mettre dans un roman : la forêt, les animaux sauvages, le cirque, les monstres, le choc des cultures. Tous les univers qui me parlent, m'attirent, que je cherche un peu partout dans mes découvertes culturelles.

Avant de vous parler de ce roman, une petite parenthèse sur Stéphane Servant : c'est un auteur que j'ai déjà rencontré deux fois, mais sans faire le lien. La dernière fois, c'était récemment, avec l'album Purée de cochons. Mais je l'avais déjà lu dans Chat par-ci, Chat par-là, un de ces formidables petits romans de la collection Boomerang, aux éditions du Rouergue : des romans qui se lisent à l'endroit, à l'envers, avec des histoires qui se répondent entre elles, dont j'ai parlé la dernière fois. Pour ce qui est de Stéphane Servant, c'est donc un auteur assez surprenant, dont on a l'impression qu'il se glisse dans plusieurs plumes, tant ses textes ne se ressemblent pas. L'album Purée de cochons joue surtout sur l'humour et le jeu avec les classiques des contes pour enfants, pour les plus jeunes. Chat par-ci, Chat par-là amène plutôt à une réflexion sur la tolérance, l'entraide, l'acceptation de l'autre, sous des airs de récit léger, adressé à des lecteurs "cycle 3" (en langage Education Nationale, ça veut dire "CM1-CM2-6e). Quant à La langue des bêtes, c'est un roman bien plus conséquent, également aux éditions du Rouergue, mais pour les plus grands.

On y raconte l'histoire d'une ancienne troupe de forains. Ancienne, car, pour une raison qui ne sera expliquée qu'à la fin, mais qu'on devine peu à peu, le cirque a dû fermer ses portes aux spectateurs. Le chapiteau semble s'être définitivement posé dans un endroit qu'on appelle le "Puits aux anges", en lisière de forêt. Mais la poésie de ce nom est rattrapée par la dure modernité : la forêt et le Puits aux anges sont en passe d'être rasés, pour laisser place à une autoroute.

Voici pour la situation initiale. Et les personnages ? Leurs noms sont une histoire à eux seuls : il y a Belle, la mère ; Petite, la petite ; le Père, le père ; Major Tom, le nain ; Pipo et son lion Franco ; Colodi le marionnettiste. Beaucoup d'adultes, certains éreintés par la vie et les hommes, et une seule enfant, qui fait tout pour ne pas grandir et, surtout, pour ne pas oublier les histoires.

Car le fil conducteur de ce récit envoûtant est là : Petite croit aux histoires que les adultes lui racontent, elle veut, elle aussi, en raconter, et elle est persuadée que, le jour où tout le monde les aura oubliées, alors la Bête viendra se repaître de la solitude et de la souffrance qui régnera au Puits des Anges. Face aux gens du Village, puis de la Ville, qui les appellent ou les excluent, face aux mystères que portent en eux les adules qui l'entourent, face à cette mystérieuse Bête qui rôde dans la forêt et qui fascine autant qu'elle effraie, Petite lutte. Elle veut transmettre les histoires, comprendre pourquoi les bêtes ne parlent plus, renouer des liens qui n'existent plus.

C'est un roman extrêmement riche et profond que Stéphane Servant nous livre. Avec une langue d'une rare poésie, il dit la forêt et ses mystères, la solitude humaine, l'exclusion et l'amour, l'archaïsme et la modernité. On se laisse bercer de chapitre en chapitre, dans une histoire assez tortueuse : je me suis un peu perdue dans le dernier tiers du livre, mais finalement, n'était-ce pas l'intention de l'auteur ? On se perd avec les personnages, on se retrouvera (peut-être ?) avec eux.

Je le disais plus haut, j'ai rarement lu un livre qui rassemble autant de mes thèmes et univers de prédilection. Et j'ai aussi été convaincue par l'écriture. Je parlerai donc vraiment de chef-d'oeuvre pour ce roman découvert plutôt par hasard. Et je me réjouis d'avance de découvrir ses autres romans, dont on dit aussi le plus grand bien sur la Toile. En parlant de Toile, j'ai découvert deux blogs bien sympathiques avec des articles très enthousiastes aussi sur ce roman : c'est chez Keskonlit, et chez Bob et Jean-Michel.  

30 juin 2016

Petites lectures pour petits lecteurs, épisode 3 : la collection "Boomerang"

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J'ai découvert cette collection en septembre, lors du lancement du prix Pep 42 avec nos classes de sixième. 

Le premier livre que j'en ai lu faisait donc partie de la sélection du prix, et c'était Chat par-ci, Chat par-là, de Stéphane Servant. Il n'a pas gagné le prix, mais, dans ma classe, il a remporté pas mal de succès. Evidemment, la première question qu'on se pose, c'est : "On commence par oùùùùù ?". Eh bien, justement, c'est ça qui est très chouette : on commence par où on veut ! La collection est fondée sur le principe de deux histoires qui se répondent (une même intrigue, avec deux points de vue différents). Le côté qu'on choisira va nécessairement déterminer la façon dont on entre dans l'histoire, le regard qu'on portera sur les personnages, mais c'est ça qui est intéressant. Dans Chat par-ci, Chat par-là, vous choisissez Lorette, une vieille dame qui râle beaucoup, ou Sofiane, un adolescent plutôt joyeux. Les deux sont coincés chez eux avec une jambe dans le plâtre. Voyez vous-mêmes comment ces deux récits débutent : 

"J'attends Lunes.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais j'adore les lundis et les chats. Et l'espagnol aussi. Lunes, ça veut dire lundi.
Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Elle a un accent espagnol qui chante. Et j'aime bien ça."

"J'attends Lundi.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais je n'aime ni les lundis ni les chats. C'est pour cela que j'ai choisi de l'appeler Lundi. Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Et je n'aime ni la gymnastique, ni l'infirmière. Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Avec son accent de chanteuse de flamenco, elle est insupportable !"

Derrière une histoire qui semble légère se cache un message sur la différence, la solidarité, la tolérance, et une "fin" (si l'on peut parler de fin) pas si attendue que ça. Stéphane Servant, il écrit des choses bien, quand même, j'ai découvert ça depuis quelques temps ; j'en ai déjà parlé ici et j'en reparlerai bientôt. 

Puis j'ai découvert qu'Antoine Dole avait co-écrit un titre de cette collection. Cette fois-ci, ça s'appelle Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin ! Et, comme le suggèrent les titres, il est question de voyage et de langues. Une histoire toute simple, là encore, de deux écoliers, l'un français, l'autre japonaise, qui s'envoient des lettres. Mais une histoire pas si naïve que ça, qui, elle aussi, reflète bien les préjugés qu'on peut avoir sur certaines personnes ou certaines pratiques. 

Tous les autres titres sont dans le catalogue, et certains me paraissent alléchants dès le titre (notamment J'aime pas ma petite soeur/Je veux être la grande !). 

D'autres idées de lecture utilisant l'idée des différents points de vue : 

- un album : l'indémodable Une histoire à quatre voix, d'Anthony Browne

- un roman jeunesse : le non moins indémodable L'enfant océan, de Jean-Claude Mourlevat. (plumé ici chez la petite Mu, mais aussi sur le site Educalire, un peu plus fourni, et plus pédagogique.)

- enfin, deux romans jeunesse qui ne racontent qu'une seule histoire : Le pianiste sans visage et La fille de 3eB, de Christian Grenier (et là, allez voir directement sur le site de l'auteur, avec un long commentaire sur l'écriture des deux romans - attention aux spoilers, cependant).

 

 Néo-défi lecture 2016 : Un livre avec deux auteurs (pour Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin !)

27 juin 2016

Petits livres pour petits lecteurs, épisode 2 : la collection "Premier roman"

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J'ai découvert cette collection un peu par hasard, dans une librairie. J'ai reconnu Antoine Dole, que j'ai acheté, et j'ai aussi remarqué les deux autres titres ci-dessus : Chère Théo, parce que je pensais y découvrir un questionnement sur le genre, à l'époque où j'étais en quête de ce thème-là dans les récits jeunesse (voir mes archives en juillet 2012), et Construire un feu, parce que c'est une nouvelle de London que je venais de découvrir, qui m'avait plu, et je m'étonnais de la découvrir dans cette collection. Finalement, mes deux attentes ont été déçues : après lecture du résumé et des premières pages (qu'on peut feuilleter ici), Chère Théo ne parle pas vraiment de genre, et Construire un feu reste à ce jour le seul titre "classique" de la collection. Si on en feuillette le catalogue, on découvre surtout des récits de jeunes enfants en apprentissage, ou des textes proches de l'univers des contes et légendes. Si j'aime beaucoup les couvertures, je suis donc un peu déçue par la relative monotonie des thèmes proposés par la collection. 

Pour dire un mot sur Le baiser du mammouth : je l'ai lu avec étonnement, car je n'attendais pas Antoine Dole dans ce registre du récit pour jeunes lecteurs, humoristique, bien plus léger que les romans pour ados que j'avais lus jusque là (K-Cendres pour n'en citer qu'un). Pas non plus de la même veine qu'A copier cent fois, même si on s'en rapproche pour ce qui est du lectorat visé. Le baiser du mammouth, c'est l'histoire d'un jeune garçon de neuf ans, Arthur, amoureux d'une fille beaucoup plus âgée que lui : quinze ans ! Différence d'âge tout à fait négligeable à l'âge adulte mais, évidemment, pas du tout dans l'enfance. Le roman raconte les stratégies totalement fantaisistes d'Arthur pour conquérir la belle Fiona, notamment l'idée de la congeler jusqu'à ce qu'il la rejoigne en âge... Il y a une suite (que je n'ai pas encore lue), Mon coeur caméléon, dans laquelle Arthur se trouve cette fois-ci amoureux de deux jumelles, qui à elles deux forment la fille parfaite à ses yeux. Le sujet du premier tome me semble un peu plus original que le second. L'écriture est tout à fait agréable. Je pense qu'elle peut plaire aux jeunes lecteurs. Cependant, je reste quand même attachée aux livres "pour les plus grands" de cet auteur...

Signalons qu'en fait, Antoine Dole aime écrire pour les plus jeunes, et même de plus en plus. La file d'attente à son stand lors de la dernière Fête du livre jeunesse de Villeurbanne avait une moyenne d'âge peu élevée. Beaucoup venaient se faire dédicacer les bandes dessinées Mortelle Adèle, elles aussi ciblées pour de jeunes lecteurs. Et maintenant, l'auteur a pris goût à ce public, et même aux tout premiers lecteurs : il l'explique sur son site à propos des petits livres publiés chez Bayard Jeunesse pour accompagner l'apprentissage de la lecture, ou encore de son tout premier album pour enfants, Le monstre du placard existe (et je peux le prouver!), à paraître en septembre 2016. 

"Premier roman", une collection qui a donc le mérite de publier Antoine Dole aux côtés de Jack London ! 

23 juin 2016

Petites lectures pour petits lecteurs, épisode 1 : la collection "Il était une (mini) fois"

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J'inaugure aujourd'hui une petite série, sur de petits livres adressés aux petits lecteurs. 

Commençons avec les éditions Didier jeunesse, et leur collection appelée "Il était une (mini) fois". Le principe est de proposer aux petits lecteurs des réécritures courtes, par des auteurs contemporains, de célèbres histoires. Une première chose que j'ai aimée, c'est que, dans ces histoires, il n'y a pas que des contes. Les deux dernières parutions de la collection, par exemple, s'intéressent pour l'une au théâtre, avec l'histoire de Roméo et Juliette, pour l'autre à un roman de Georges Perec. 

Intéressons-nous d'abord à ce dernier : Le livre envolé de Piotr-Olivius Pilgrim, par Séverine Vidal. Une mention à l'intérieur précise : "très librement adapté du Voyage d'hiver de Georges Perec". Le choix de réécrire ce roman-là s'avère judicieux et malicieux, puisque c'est une histoire de réécriture, qui commence en fait comme une histoire de plagiat. Dans les deux cas, un personnage découvre un livre dans lequel il ne cesse de reconnaître des phrases, des extraits mêmes d'oeuvres très connues. Pourtant, ce livre mystérieux a été publié bien avant toutes les oeuvres qu'il semble plagier... Comment est-ce possible ? N'ayant pas lu le roman de Perec, je ne sais pas quelle réponse il apporte à la question, mais celle du mini-roman de Séverine Vidal est à la fois d'une logique implacable et d'une fantaisie savoureuse. J'ai beaucoup aimé cette petite histoire qui parle de littérature. Elle m'a donné envie de lire "l'original". 

Qu'en est-il du Roméo et Juliette de Valérie de La Rochefoucauld ? Précisons tout d'abord que le texte n'est pas théâtral : l'histoire est romancée, ce qui lui donne beaucoup de chair, indispensable aux plus jeunes qui ont besoin d'une atmosphère pour goûter pleinement cette histoire éternelle (mais qu'ils ne connaissent peut-être pas encore). Les phrases sont courtes, rédigées au présent de narration, et font la part belle à l'oralité : jeux sur les sons, répétitions, énumérations... Le vocabulaire est précis, les comparaisons et métaphores mises à contribution pour donner de la poésie au texte. 

Si vous en voulez encore, à vous de découvrir les autres titres de la collection : grands classiques (Peter Pan, La petite sirène, Le petit Poucet), contes d'ici et d'ailleurs... Avec, pour certains titres, des fiches pédagogiques à destination des enseignants (plutôt pour le cycle 2). 

Suite de ma collaboration avec les éditions Didier Jeunesse

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16 juin 2016

Sandrine Beau : La porte de la salle de bains

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Je vous avais parlé de Hors de moi, de Florence Hinckel, un récit sur la grossesse adolescente que j'avais beaucoup aimé, par la simplicité et la sincérité de son approche. Le roman de Sandrine Beau est publié dans la même collection, Ego, des éditions Talents hauts. On y trouve aussi Mauv@ise connexion, un roman sur le cyber-harcèlement que je n'ai pas lu mais dont j'ai entendu parler, et bien d'autres récits sur des thèmes-clé de la vie adolescente. A cet éditeur, on doit aussi Le zizi des mots et des livres de toutes sortes sur les préjugés, les stéréotypes, les différences. 

La porte de la salle de bains, c'est un roman tout simple (de lecture plus facile que Florence Hinckel, avec un personnage plus jeune, aussi), sur un sujet qui ne l'est pas. Ce sujet, au début, on pense que c'est "tout simplement" la puberté et les transformations qu'elle apporte aux corps des jeunes personnes. En effet, c'est le point de départ de l'histoire : Mia commence à avoir des seins. Bon. Le premier tiers du livre s'attache à donner un cadre à ce point de départ, en présentant les membres de la famille : le petit frère, la mère d'abord célibataire, puis nouvellement en couple, et, donc, le nouveau compagnon qui joue le rôle du père à la maison. 

Mais le jour où ce beau-père rentre dans la salle de bains pendant que Mia se douche, elle est gênée. De gênée, elle devient méfiante : en effet, la situation se reproduit. Jusqu'à ce que le doute ne soit plus permis, ni pour elle, ni pour le lecteur. Sauf qu'évidemment, Mia n'est encore qu'une enfant, aux prises avec une situation très compliquée, source de honte, de culpabilité, d'incertitude. Le lecteur, lui seul, est capable de mettre les mots d'abus sexuel sur la chose. Mia ne le peut pas. Tout ce qu'elle sait, c'est que la vie quotidienne, qui avait l'air si simple et légère au début de l'histoire, a viré pour elle au cauchemar. 

C'est la force de ce récit : amener ce thème très dur (non seulement l'abus sexuel, mais au sein de la famille, qui plus est) par un enchaînement de faits, vus comme ils peuvent être vus par une jeune adolescente. Elle n'est ni plus bête, ni plus mûre qu'une autre fille de son âge. Elle sait qu'il y a des choses qui ne se font pas, mais elle ne sait pas comment agir. Elle veut à la fois protéger (sa mère, son petit frère) et être protégée. Elle trouve des stratagèmes, comme d'aller se doucher chez sa grand-mère, qui peuvent paraître bien futiles mais représentent son seul bouclier. 

La fin est ce qu'elle doit être : positive pour véhiculer un message d'espoir aux jeunes lecteurs. Ce n'est pas tellement cela qui m'a gênée, mais la manière dont les choses se déroulent : un peu trop simples pour être réalistes. Cela correspond, certes, au ton donné par le récit, mais j'aurais apprécié un peu plus de nuances, sans supprimer la happy end, pour montrer qu'une solution existe, même si elle passe par une succession d'étapes. 

Hormis les toutes dernières pages, donc, j'ai trouvé ce roman très réussi et moins simpliste qu'il n'en a l'air dans les premières pages. A mettre entre toutes les mains, y compris les plus jeunes. 

27 avril 2016

Meg Cabot : Avalon High

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Fiançailles d'Arthur et de Guenièvre présentée par son père le roi Léodagan, bénies par un évêque. Maître de Fauvel, Lancelot-Graal : Merlin, XIVe siècle. Crédits photos : BnF, Paris. 

 

Comme souvent, j'arrive (trop ?) tard. Meg Cabot n'a pas besoin de ma promotion pour être connue : c'est une référence dans la "chick lit", cette littérature "pour filles", comprenez avec des personnages principaux féminins et des couvertures roses (en gros). La traduction, c'est "littérature de poulettes". Il y a eu Bridget Jones, Sex and the city, puis la déferlante est arrivée aussi dans la littérature ado. 

Qu'est-ce qui a bien pu pousser la petite Mu à acheter un livre avec une couverture rose avec un coeur et des petites fleurs ? (Avec une mention explicite "Planète filles", au cas où on ne saurait pas à quoi s'attendre...) Tout simplement parce que je l'ai trouvé dans une liste de romans jeunesse sur le Moyen Âge. L'héroïne, Ellie, a des parents médiévistes qui lui ont donné le prénom de leur personnage fétiche, Elaine, Dame de Shallot, l'amoureuse éconduite de Lancelot. La référence au Moyen Âge pourrait s'arrêter là (ce serait déjà un élément original dans un roman de chick-lit). Mais il y a aussi le nom du nouveau lycée d'Ellie : Avalon High. Et ces faits étranges qui semblent s'accumuler autour d'elle : elle se retrouve avec une dissertation à rendre, justement, sur La dame de Shallot, et il y a ce garçon, Will, qu'elle jurerait avoir rencontré dans une autre vie. 

Voici en fait où l'auteure veut en venir : tout le roman est une réécriture de l'histoire d'Arthur, Guenièvre et Lancelot. Je spoile volontairement pour que vous sachiez à quoi vous en tenir avec ce roman, mais, si vous voulez donner ce livre à des adolescents, peut-être vaut-il mieux les laisser le découvrir. Qu'ils soient familiers des légendes arthuriennes ou non, la lecture fonctionne très bien. Ou bien ils auront plaisir, comme je l'ai eu, à décrypter les détails - nombreux - qui relient l'histoire moderne à l'histoire médiévale, ou bien ils ne s'en rendront compte qu'en même temps que l'héroïne, et un petit "Lexique des personnages" les aidera à comprendre définitivement tous ces liens. 

J'ai eu beaucoup de plaisir à avancer dans cette histoire. J'ai trouvé parfait le dosage entre références culturelles et récit d'adolescence. Pour ce dernier, ne vous attendez à rien d'exceptionnel : une jeune fille qui déménage à cause de ses parents, doit se faire de nouveaux amis, tombe amoureuse d'un garçon en apparence inaccessible... Mais, moi qui aime les réécritures et les univers à double sens, j'ai été convaincue. L'écriture de Meg Cabot est fluide ; je ne l'avais jamais lue, je comprends le succès "grand public". En même temps, les passages narratifs et descriptifs ne cèdent pas aux dialogues ou aux considérations psychologico-egocentrées qui rendent certains (mauvais) romans ados très fades. 

Très satisfaite de ma découverte, donc... mais quand je dis que j'arrive tard, c'est que, non seulement le roman a eu le temps d'être lu, relu, et d'avoir des suites, mais je m'aperçois aussi que le premier tome a été adapté pour Disney Channel. C'est toujours frustrant, quand on espère pouvoir faire découvrir ce qui a été pour nous une surprise. Et je suis encore une fois en colère de voir qu'aucun livre à succès pour ados n'échappe à l'industrie cinématographique. J'en reparle très vite. 

En attendant, ne boudez pas votre plaisir et, si vous lisez les deux autres tomes, donnez-moi votre avis ! 

 

28 novembre 2015

Florence Hinckel, Hors de moi

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Une découverte de cet été.

Florence Hinckel est une auteure difficile à cerner tant ses romans jeunesse sont différents, à mes yeux. J'ai lu, d'abord, Zéro commentaire : forme originale, sujet délicat (la question du genre à l'adolescence). Narrativement, je m'étais un peu perdue, je n'avais pas plus accroché que ça. La fille qui dort : sujet encore plus inattendu (la narcolepsie), déception là aussi quant au personnage et au récit. En revanche, la science-fiction de Théa pour l'éternité m'avait davantage convaincue.

Ici, sujet pas inédit, mais qui reste fort, bien sûr : la grossesse à l'adolescence. Premier mérite du roman : attaquer ce sujet par l'angle de l'amour. Ben oui, c'est pas si évident, en fait. On parle de viol, de relation ratée, etc... Là, les premières pages l'annoncent clairement : l'héroïne est prise dans une passion, qui la surprend elle-même. Elle reste dans sa bulle depuis sa rencontre avec ce jeune homme, pendant les vacances d'été. Et l'histoire nous montre comment cette bulle va être attaquée, petit à petit, par la réalité qui s'impose.

Ce roman nous montre aussi à quel point, à l'adolescence, on peut être naïf. Un lecteur adulte, avec du recul, peut trouver cette naïveté un peu invraisemblable, à une époque où on a l'impression de tout savoir sur la sexualité et la contraception. Mais les adolescents, heureusement, rêvent encore. Et, malheureusement, leurs rêves les emportent parfois là où ils n'ont pas prévu d'aller.

Bref, c'est plutôt bien raconté, je pense que ce livre peut répondre à des questions difficiles, tout en dédramatisant certains choix et certaines décisions. J'ai vraiment aimé cette lecture.

 

1 août 2014

Anna Gavalda : 35 kilos d'espoir

Une lecture très scolaire, parce que je me devais de savoir, quand même, ce qu'il y a exactement dans ce (très) court récit que pas mal de mes élèves de sixième ont lu pour leur dernière fiche de lecture. 

Eh bien... Il n'y a pas grand-chose. Ca se lit en un quart d'heure, et ça ne laisse pas un souvenir impérissable. Ou plutôt, ça me confirme que j'ai du mal avec les histoires un peu trop démago de ces ados en échec scolaire, comme j'avais eu du mal avec l'autobiographie de Mickaël Ollivier

Donc, ce récit d'un garçon qui a une phobie de l'école, qui n'aime que bricoler avec son grand-père, et qui, évidemment, va se remettre sur selle grâce à ce grand-père, non, décidément, ça ne m'a pas touchée. J'ai vraiment du mal à comprendre comment on peut montrer autant d'enthousiasme suite à cette lecture, comme ce qu'on peut lire ici, sur Babelio. Non que le sujet soit à jeter à la poubelle, et non que je sois une vieille prof acariâtre qui ne sache pas que des élèves en réelle phobie scolaire et décrochage complet, ça existe. Mais il y avait à mon avis mieux à tirer, en jouant sur les nuances, en creusant davantage les personnages. 

Bref, je ne le supprimerai pas de la liste pour mes élèves (dans le cadre du concours d'affiches et de livrets dont j'essaierai de vous reparler tout bientôt), mais j'espère qu'il sera vite remplacé en tant que "classique" par un récit de meilleure qualité. 

 

1 août 2014

Béatrice Rouer : La girafe du roi. La véritable histoire de Zarafa

La Girafe Du Roi - La Véritable Histoire De Zarafa de Béatrice Rouer

 "Quoi ?!!", me direz-vous. "La petite Mu n'a jamais lu aucun récit sur le fabuleux voyage de Zarafa, ni même vu le dessin animé sorti il y a deux ans ?!!!"

Eh bien, aussi étonnant que cela puisse vous paraître, non. De même que j'ai découvert très tard cet album pourtant connu, Lettres des Isles Girafines

Et c'est même totalement par hasard que je suis tombée sur ce court roman destiné à de jeunes lecteurs, et qui d'ailleurs n'est certainement pas le livre le plus connu ou reconnu à propos de cette petite histoire de l'Histoire. 

En tout cas, ce fut une lecture plutôt agréable. Evidemment, des personnages sont inventés, des faits ajoutés pour, je cite l'éditeur (Oskar éditeur), "vivre l'Histoire comme une aventure". Mais l'ensemble est réussi, il n'y a pas de longueurs inutiles, le personnage principal (une petite servante qui profite du convoi qui emmène la girafe à Paris, parce qu'elle veut parler au roi pour demander la grâce de son père, emprisonné à tort) attachant. Un court dossier documentaire en fin d'ouvrage fait le point sur ce que le lecteur est censé avoir appris : pourquoi ce cadeau du pacha d'Egypte aux rois d'Angleterre et de France, comment Charles X est arrivé au pouvoir, qui était ce scientifique tellement passionné d'animaux exotiques, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (moi je sais, moi je sais, j'en ai parlé dans mon mémoire !!), quelles sont ces nouveautés du siècle que l'on nomme "montgolfière" ou "cabinet de curiosités". 

A conseiller à de petits lecteurs pour découvrir une période historique finalement pas si connue des enfants ou adolescents, et à lire soi-même pour en savoir plus sur la belle Zarafa.

29 juillet 2014

Yves Grevet : Méto, tome 1 : La maison

Donc (pour comprendre la transition, voir mon article précédent), j'ai voulu découvrir une autre facette de l'oeuvre d'Yves Grevet. Et cette trilogie, j'en avais déjà vu les couvertures dans des rayonnages de librairies ou de bibliothèques. Va donc pour le premier tome de Méto

Et là, agréable surprise ! On découvre un bon roman de science-fiction, avec des personnages et une histoire auxquels on accroche dès le début, une écriture efficace où chaque mot compte, des chapitres courts qui distillent savamment le suspense. Le narrateur, Méto, est sympathique au lecteur, pas ridicule, pas naïvement téméraire : un vrai bon héros de roman d'aventure. Le style est accessible à des lecteurs de tout âge, sans ennuyer pour autant l'adulte que je suis. 

Certes, l'intrigue et l'univers créés ne peuvent pas être qualifiés d'uniques ou d'inédits. Il y a des similitudes plus ou moins grandes avec d'autres univers fictionnels pour la jeunesse, notamment avec Le combat d'hiver de Jean-Claude Mourlevat. Les noms en latin, le froid, les combats de lutte, la grande maison dont on ne sort pas, l'univers extérieur dont on ne sait rien... Mais, après tout, peu importent ces ressemblances. D'abord parce que, de toute façon, il n'y a pas dix mille manières d'inventer un univers. Il est impossible et même prétentieux de vouloir être formellement novateur sur ce terrain-là. Ensuite parce que la trilogie d'Yves Grevet ne vise pas le même public que le roman de Mourlevat. Ici, on a affaire à un récit qui se lit vite, centré sur une seule intrigue, avec une unité de lieu. Le but est de faire en sorte que le lecteur ait envie de retrouver Méto dans un second volume. Chez Mourlevat, l'ensemble est plus complexe, les personnages et les lieux bien plus nombreux, et le roman vise non seulement à tenir le lecteur en haleine mais aussi à le faire réfléchir. Pas de concurrence possible, donc, entre les deux oeuvres. 

Bref, pour moi, il ne fait nul doute qu'Yves Grevet réussit bien mieux ce genre de récits, inscrits dans un univers imaginaire, où l'essentiel tient dans une intrigue habilement construite, avec des dialogues brefs et précis, que des romans plus réalistes comme Seuls dans la ville. Etonnant car l'éditeur, Syros, le présente comme "l'auteur de romans ancrés dans la réalité sociale". Je suis bien contente qu'il ait choisi de déplacer l'ancrage de ses romans. Je lirai avec plaisir les deux autres tomes de Méto, et, je l'espère, ses autres romans de science-fiction, le diptyque Nox dont on lit le plus grand bien ici et là, et peut-être aussi L'école est finie, visiblement fort, s'adressant à un public plus jeune. A suivre !

29 juillet 2014

Yves Grevet : Seuls dans la ville entre 9h et 10h30

 

Je ne connaissais pas du tout Yves Grevet. J'ai découvert ce titre par hasard et j'ai tout de suite été attirée par l'idée que j'ai trouvée très originale. Une prof de français propose à sa classe de lycéens un sujet assez libre pour leur nouvelle rédaction : ils doivent choisir un endroit du centre-ville, s'y placer entre 9h et 10h30, et écrire ce qui les inspire. La lecture des copies révèle certains talents pour l'écriture, d'autres pour le hors-sujet, mais, surtout, elle s'avère précieuse car, ce matin-là, le corps d'un homme a été retrouvé dans la ville. Tous les écrivains amateurs sont donc témoins potentiels dans cette affaire. Problème, Erwan, l'un des lycéens, semble être le seul à penser que ces copies peuvent contenir des informations intéressantes, voire essentielles pour l'enquête. Qu'à cela ne tienne : sans l'aide des adultes, mais secondé par la jolie Cassandre, il travaillera de son côté. 

La quatrième de couverture était donc alléchante, et je m'apprêtais à plonger avec plaisir dans ce récit au fond et à la forme singuliers. Mais ce plaisir a été - très - rapidement gâché par le registre dans lequel l'auteur s'est inscrit. C'est ce genre de romans qui parle d'adolescents en les faisant parler d'une manière qui ne leur correspond pas du tout, mais sans effet littéraire pour autant. En gros, une écriture simpliste, un peu bébé, qui manque autant de rythme que de crédibilité. Du coup, l'intrigue devient fade. Il y a un décalage entre l'âge des personnages principaux (qui ne sont plus des gamins) et la naïveté dont ils font preuve en menant l'enquête, de même que le comportement ou les paroles des adultes autour d'eux, qui ne semblent pas plus sérieux que leurs enfants. 

Il n'y a que les rédactions que j'ai trouvées agréables et amusantes à lire. C'était là un véritable exercice littéraire : décliner ce sujet (écrire dans la ville) à toutes les sauces. On a de la poésie, des récits animaliers, des dialogues, des textes introspectifs... Certes, ces textes souffrent du même défaut de crédibilité dont j'ai parlé auparavant (on les imagine mal écrits par des élèves de Première), mais, au moins, ils expriment le talent de leur véritable auteur, l'écrivain du roman. 

Une déception, donc, et même, à mes yeux, un raté (il y aurait eu tellement à faire à partir de cette idée que je trouve toujours géniale), mais qui ne m'empêche pas de vouloir lire d'autres livres d'Yves Grevet. En espérant que sa plume soit plus réussie dans d'autres cadres. 

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Le royaume de Kensuké

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