Hugo Clément : Comment j'ai arrêté de manger les animaux
Confinement, jour 1. Heureusement, il y a du soleil. Et j'ai passé un peu de temps avec un jeune homme plutôt intéressant.
Je termine aujourd'hui une lecture entamée il y a quelques semaines, sans grande conviction. Cadeau de mon mari qui, depuis quelques temps, prend des coups de sang à l'idée qu'on mange trop de viande et qu'il faut arrêter. Moi, jusqu'à présent, je n'avais même pas tellement envie de me poser la question. Hugo Clément part d'ailleurs de ce postulat : la plupart des personnes qui mangent de la viande ou du poisson choisissent de ne pas se poser trop de questions et de ne pas trop s'informer, car ils savent que la connaissance entraînera la culpabilisation. Et il faut le reconnaître : il n'a pas tort.
Je ne compte pas résumer ici les propos du journaliste devenu écrivain avec cet ouvrage : son livre étant justement un résumé des analyses de diverses provenances (ouvrages scientifiques, rapports d'associations ou d'ONG, témoignages oraux...), le résumer encore reviendrait à le vider de sa substance. Je vais seulement partager son plan, à savoir les différents arguments qu'Hugo Clément énonce en faveur de sa thèse : cesser de manger de la viande, du poisson, ou tout produit d'origine animale.
Argument 1 : les animaux d'élevage sont des êtres sensibles et intelligents, qui éprouvent la douleur et la souffrance psychologique.
A l'appui de cet argument, des comptes-rendus d'expériences menées sur les bovins, les moutons, les poulets, les cochons et les poissons, démontrant leur intelligence et leur réaction aux différentes formes d'agressions.
Argument 2 : la majorité des élevages ne respectent pas le bien-être de l'animal ; la quasi-totalité des abattoirs le dénient également.
A l'appui de cet argument, des témoignages directs et indirects de la vie dans un élevage ou un abattoir et des actes cruels - y compris légaux - qui s'y déroulent.
Argument 3 : l'élevage est responsable d'une très grande partie des problèmes environnementaux.
A l'appui de cet argument, des statistiques qui contredisent parfois l'opinion commune.
Argument 4 : l'être humain n'a pas besoin de protéines animales pour sa santé, son développement ni son bien-être.
A l'appui de cet argument, le cas personnel du jeune trentenaire ayant cessé assez récemment de consommer des produits animaux, et des propos de médecins et scientifiques.
Ces arguments sembleront une évidence pour certains d'entre vous. Cependant, le propos d'Hugo Clément, c'est de faire remarquer qu'entre nos pensées et nos actes, il y a souvent un fossé. En fait, il ne suffit pas de lire les arguments résumés en une phrase. Ce qu'il faut pour se convaincre d'arrêter de manger de la viande ou du poisson, ce sont des détails. C'est ce dont cet ouvrage abonde : des chiffres, rapportés sous toutes les formes possibles afin de les rendre compréhensibles, je dirais "appréhensibles" par tous (par exemple, pour moi, c'est plus parlant de savoir combien de bêtes sont tuées à la minute, par exemple, que d'avoir le chiffre total), mais aussi des récits. J'allais dire "des récits de vie", et c'est finalement bien de cela qu'il s'agit : la vie de tous ces animaux d'élevage consommés au quotidien dans notre pays, et, en second plan, la vie de quelques humains marqués par ces pratiques, comme Mauricio Garcia-Pereira, interviewé par Hugo Clément car il a travaillé plusieurs longues années dans un abattoir, avant d'en partir définivement.
Ces détails fonctionnent. De même que certaines subtilités, dès le titre : Hugo Clément n'explique pas "pourquoi" il a cessé de manger de la viande et du poisson, mais "comment". Son livre s'adresse à des lecteurs déjà convaincus par la théorie, mais qui ont besoin d'un exemple pour passer à l'acte à leur tour. De même, il a arrêté de manger "les animaux", et non pas "des animaux". Cette utilisation généralisée de l'article indéfini pour parler des bêtes que l'on mange, "du poulet", "de l'agneau", est l'une des preuves que les carnivores préfèrent dénier aux animaux leur individualité, car c'est ce qui leur permet de les manger tranquillement sans penser à eux comme des individus.
Ajoutons enfin que, du début jusqu'à la fin, Hugo Clément précise qu'il ne veut pointer du doigt personne, ni tenir un discours culpabilisant. Il revient plusieurs fois sur ses propres contradictions morales ou environnementales, et raconte en amont qu'il a longtemps mangé viande et poisson sans se poser de questions.
J'ai trouvé cet ouvrage diablement efficace. L'ayant fini il y a quelques heures, c'est trop tôt pour vous dire s'il sera le déclencheur d'un changement radical de mon alimentation, moi qui mange des produits animaux depuis trente-trois ans. Mais c'est le premier discours que je lis sur le sujet à provoquer en moi autant de réflexions.
Merci donc, cher Hugo Clément, de m'avoir proposé cette lecture certes difficile à bien des égards, mais moultement intéressante.