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La petite Mu qui plume
11 mai 2013

Comme les doigts de la main

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : une partie du corps en catégorie littérature jeunesse

 

Il s'agit d'un beau récit de deux adolescents qui se retrouvent à l'hôpital pour une nuit, pour des problèmes plus ou moins impressionnants, sans enjeu vital néanmoins : "Chloé a une hanche qui se bloque à cause d'un petit bout d'os mort. Antoine a un doigt retourné, plié en deux pendant un cours de tennis." (je reprends la quatrième de couverture) Et ils partageront la même chambre cette nuit-là. 

Evidemment, ce sera une histoire d'amour. Du genre très court, très intense, puisqu'aucun des deux personnages ne sait ce qui se passera le lendemain matin, s'ils se reverront, s'il y aura un après. Mais cela ne les empêche pas de partager des mots, des confidences, notamment autour de la mort de leur père (car ils ont ceci en commun), et des émotions, pendant une échappée nocturne au bord d'un fleuve.

La grande force de cette histoire d'amour, outre cette intensité obligatoire (vivre vite, carpe diem, et toutes ces choses-là), c'est qu'elle est indissociable d'une peur de la mort. Et on sait bien qu'en littérature, l'amour et la mort, ça va souvent ensemble. Cet extrait en est la preuve : 

"- Mon père est mort comme ça, a dit Chloé.
Et sa voix a résonné longtemps après ça. Je l'ai embrassée pour que ça s'arrête de tourner dans nos crânes à tous les deux. Sa bouche, c'était d'une telle douceur, et son corps abandonné entre mes bras, pareil."

Dans cet extrait, on peut lire le besoin de combler le manque par l'amour, réparer un abandon par une aventure, mais toujours montré avec beaucoup d'optimisme, d'envie, d'enthousiasme. C'est l'amour comme moyen de surmonter ses peurs ou ses traumatismes. 

J'ai trouvé l'idée très belle, mais j'ai malheureusement été comme noyée dans une histoire peut-être trop longuement racontée. Le choix d'alterner la voix de Chloé avec celle d'Antoine oblige forcément à des redondances (volontaires, sinon Olivier Adam aurait choisi une autre forme narrative), et, pour moi, l'intérêt de l'histoire a été dilué. Je suis certainement passée à côté de la force du récit, c'est pourquoi je conseillerais tout de même la lecture de ce roman qui trouvera sans doute un écho, tant les thèmes qu'il aborde sont universels. 

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6 octobre 2013

Herbjorg Wassmo : Un verre de lait, s'il vous plaît

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : un aliment/boisson en catégorie littérature scandinave

C'est un livre assez "coup de poing" que j'ai lu pendant la fin de mon séjour scandinave. Dans les premiers chapitres, l'héroïne, Dorte, jeune lituanienne vivant dans son village avec sa mère et sa grande soeur, respire encore l'innocence, même si elle doit faire face à un événement difficile : la mort de son père. Ses repères en sont malmenés, et, quand une vague copine lui propose de partir pour Stockholm afin d'y travailler - en théorie, comme serveuse -, elle accepte rapidement. Elle n'y voit que l'argent qu'elle pourra envoyer à sa mère, et qui lui permettra de ne pas être expulsée par son propriétaire. Cela semble assez gros, elle ne pose finalement que peu de questions à sa copine sur la nature exacte et les conditions de ce travail (ou plutôt, elle en pose, et ne reçoit que très peu de réponses, mais elle prend quand même la décision de partir) ; mais après tout, n'est-ce pas comme cela que commencent de nombreuses histoires tragiquement banales, comme celle qui arrive à Dorte ? 

Car, bien sûr, le lecteur devine assez vite que, si Dorte sera bien au service d'une cohorte de clients, ce ne sera pas pour leur servir à boire - pas de la manière qu'elle imagine. L'expression de "descente aux enfers" est galvaudée, mais il n'y en a pas de plus précise pour décrire ce que Dorte va connaître, violée le premier soir de son voyage, ballotée de maquereaux en clients, de compagnons en prédateurs. 

Comme le soulignent quasiment toutes les critiques lues ici et là, Herbjørg Wassmo semble se complaire dans un style brutal, presque "sans style", d'ailleurs. Elle décrit toutes les scènes crues avec des détails qui ne laissent rien sous silence. Le lecteur se prend évidemment cette sinistre réalité en pleine face. C'est glauque du début à la fin, mais on tourne quand même les pages. On s'attache à cette héroïne pourtant agaçante de naïveté, au début de l'histoire. On devient voyeur, on a envie malgré soi de savoir jusqu'où l'horreur peut aller, mais, au fond, on espère quand même un rayon de soleil, un peu de lait pour calmer les plaies. 

Ce n'est pas un chef-d'oeuvre littéraire à mon sens, mais, au moins, une oeuvre réussie dans l'objectif de déranger, de dénoncer et de capter le lecteur jusqu'au bout : pari tenu. 

Peut-être m'essayerai-je un jour à ses trilogies-sagas (Tora, Le livre de Dina) qui en ont fait l'une des auteures les plus lues en Norvège. 

3 mai 2013

K-Cendres

C'est un livre qui laisse des traces dont je vais vous parler là. L'histoire d'une adolescente qu'on découvre enfermée dans un HP (hôpital psychiatrique : il faut s'habituer à certaines abréviations et à certaines sigles dans ce livre) puis, dix ans plus tard, dans les coulisses du Zénith, s'apprêtant à donner un concert devant des milliers de personnes. Elle est devenue K-Cendres, star du rap, managée par une maison de disques sans états d'âme, le label 3fall. Toujours aussi ravagée de l'intérieur, ses textes n'ont pas la même résonance pour son public et pour elle : ses fans hystériques adulent le personnage torturé et n'écoutent que peu les paroles (c'est du moins ce dont on a l'impression), alors que, pour elle, ce sont des avertissements, des appels au secours et, en fait, des visions : les faits divers qu'elle décrit dans ses chansons ont la fâcheuse tendance à se produire très vite dans la réalité à peine la chanson terminée. Toute ressemblance avec le mythe antique de Cassandre est totalement assumée. Mais personne ne croit Alexandra, que son boss appelle "Kass" : lui veut surtout continuer de croire qu'elle est sa poule aux oeufs d'or, même si les autres (l'attachée de presse, le manager...) la trouvent plutôt "cassos'", voire bonne pour la casse. 

Il faut être préparé pour lire ce roman dont l'histoire était sacrément attirante : c'est dur, très dur. On se ramasse en pleine poire les crises de K-Cendres, mélange de rage, de douleur, de scarifications et d'overdose aux médicaments. Tout ce qui gravite autour d'elle semble baigner dans une noirceur incomparable : l'amour n'est que sexe et dépendances, les liens humains sont souvent faux, la drogue attend son heure, la mort rôde. Un seul personnage baigne dans la lumière, comme un roc insubmersible : Marcus, garde du corps de K-Cendres, le seul à l'écouter, à la protéger, et, presque, à la comprendre. Mais Marcus n'est pas Zeus et il ne peut décider de tout. 

Pour ma part, j'ai malheureusement été gênée par le niveau de langue adopté dans ce récit. J'avais trouvé celui d'A copier cent fois pur, oral, mais suffisamment neutre pour convenir à "tout public". Ici, le choix a été fait de se tourner vers une langue brute, souvent grossière, avec nombre d'expressions typées, verlan, abréviations... Je reconnais que cela colle à l'univers du rap tel qu'on se le représente, et que cette brutalité du style contribue à la dureté du récit. Mais je suis une puriste et je suis toujours gênée par ce genre d'écriture. Je continue de penser qu'on peut arriver aux mêmes fins en respectant un niveau de langue courant. Bon, c'est facile à dire quand on n'a pas soi-même écrit le bouquin, hein ! Je suis peut-être tout simplement déçue de ne pas pouvoir mettre ce livre entre les mains de mes élèves de cinquième, eux qui avaient aimé A copier cent fois

Mais, armés de ces mises en garde, je vous conseille tout de même cette lecture, chers visiteurs, car elle n'a pas son pareil en littérature jeunesse. 

22 avril 2014

Chez Fleurus, Encyclopédie junior : Les mythologies

 Fleurus - Les mythologies - Avec un quiz de 50 questions offert.

Ce qui se cache derrière cette couverture pour le moins éclatante, c'est un foisonnement d'informations et d'illustrations, qui balaye le thème de la mythologie en parcourant tous les continents. L'Europe gréco-latine est présente évidemment, avec son panthéon bien connu, mais on rencontre aussi les dieux incas, hindous, africains, vikings, hittites ou encore celtes et aztèques. 

Chaque double page est savamment organisée, selon les principes qui régissent souvent les documentaires jeunesses : de courts paragraphes aux caractères typographiques plus ou moins grands selon l'importance de l'information traitée. Chaque double page peut ainsi nous offrir des définitions, des portraits de dieux ou de héros, de petits récits, voire des anecdotes moins connues. Les images sont une part essentielle de ce genre d'ouvrage, et je trouve celles de cet ouvrage particulièrement réussies : beaucoup de reproductions de sculptures, de toiles, de fresques pour permettre aux jeunes lecteurs d'appréhender l'histoire des arts, mais aussi de très belles illustrations en couleurs (pas moins de dix illustrateurs ont travaillé sur ce projet) qui aident à se plonger dans les récits fabuleux. 

Les auteurs sont tous des spécialistes, professeurs, chercheurs ou conservateurs, et l'équilibre est très juste entre nécessaire vulgarisation et exigence de qualité documentaire.

Au total, presque deux cents pages pour une somme très, très modique (dix euros seulement) : c'est pour moi un investissement extrêmement intéressant qu'on soit élève, professeur, ou simplement lecteur passionné. Pour ma part, je n'en ai pas encore fait le tour !  

25 août 2014

Murielle Szac : Le feuilleton d'Hermès

Tiens, j'ai ce brouillon d'article depuis le 22 avril et j'avais oublié de le terminer ! 

Une lecture tout à fait pédagogique sous un format original, conseillée par une amie instit qui se reconnaîtra ;-) Je connaissais jusqu'alors la mythologie sous forme de romans plus ou moins courts, centrés sur un mythe en particulier et même, souvent, sur un personnage (comme c'est le cas de la collection Histoires noires de la mythologie chez Nathan ou des récits illustrés de Nicolas Cauchy). Je connaissais aussi les recueils, les "contes et légendes", "histoires" qui ont le mérite de présenter rapidement plusieurs héros et plusieurs épisodes célèbres de la mythologie. Enfin, je connaissais les documentaires plus ou moins narrativisés, tels que le fameux Les dieux s'amusent de Denis Lindon. 

L'originalité du Feuilleton d'Hermès réside en deux points. La forme du feuilleton, tout d'abord : prêts à l'emploi dans des classes du CP au collège, chaque récit ne fait qu'une page et demie, deux pages au maximum. Faciles à lire, idéal pour un rituel de classe, ou pour répondre aux innnnnombrables questions (avec cinq -n-, oui oui) des élèves : "Qui c'est ce dieu ? Et il a fait quoi ? Et pourquoi il a ce pouvoir ?" Etc etc. Deuxième originalité : le choix du narrateur. Ici, c'est Hermès qui nous raconte les grands récits de la mythologie : la naissance des dieux, les amours de Zeus, la création des hommes... Hermès, un dieu assez méconnu, dont l'importance est pourtant capitale : c'est le messager des dieux, le facteur aux sandales ailées. Il sait tout, voit tout, se promène à son gré sur l'Olympe, sur la Terre, et même aux Enfers : quel merveilleux choix pour un conteur ! Et le plus inattendu est qu'il s'agit de Hermès enfant. Une astuce pour présenter toutes les aventures humaines et divines avec un oeil curieux, naïf, proche de celui des lecteurs. Bon, on faisait déjà ça avec les contes philosophiques de Voltaire, ça n'a rien de révolutionnaire. Mais c'est assez rare dans les récits de mythologie pour la jeunesse, ça mérite donc d'être souligné.

Voilà donc une lecture - et même une acquisition - fortement conseillée, à garder sous la main ou à poser dans sa salle de classe (si on a la chance d'en avoir une).

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27 avril 2016

Meg Cabot : Avalon High

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Fiançailles d'Arthur et de Guenièvre présentée par son père le roi Léodagan, bénies par un évêque. Maître de Fauvel, Lancelot-Graal : Merlin, XIVe siècle. Crédits photos : BnF, Paris. 

 

Comme souvent, j'arrive (trop ?) tard. Meg Cabot n'a pas besoin de ma promotion pour être connue : c'est une référence dans la "chick lit", cette littérature "pour filles", comprenez avec des personnages principaux féminins et des couvertures roses (en gros). La traduction, c'est "littérature de poulettes". Il y a eu Bridget Jones, Sex and the city, puis la déferlante est arrivée aussi dans la littérature ado. 

Qu'est-ce qui a bien pu pousser la petite Mu à acheter un livre avec une couverture rose avec un coeur et des petites fleurs ? (Avec une mention explicite "Planète filles", au cas où on ne saurait pas à quoi s'attendre...) Tout simplement parce que je l'ai trouvé dans une liste de romans jeunesse sur le Moyen Âge. L'héroïne, Ellie, a des parents médiévistes qui lui ont donné le prénom de leur personnage fétiche, Elaine, Dame de Shallot, l'amoureuse éconduite de Lancelot. La référence au Moyen Âge pourrait s'arrêter là (ce serait déjà un élément original dans un roman de chick-lit). Mais il y a aussi le nom du nouveau lycée d'Ellie : Avalon High. Et ces faits étranges qui semblent s'accumuler autour d'elle : elle se retrouve avec une dissertation à rendre, justement, sur La dame de Shallot, et il y a ce garçon, Will, qu'elle jurerait avoir rencontré dans une autre vie. 

Voici en fait où l'auteure veut en venir : tout le roman est une réécriture de l'histoire d'Arthur, Guenièvre et Lancelot. Je spoile volontairement pour que vous sachiez à quoi vous en tenir avec ce roman, mais, si vous voulez donner ce livre à des adolescents, peut-être vaut-il mieux les laisser le découvrir. Qu'ils soient familiers des légendes arthuriennes ou non, la lecture fonctionne très bien. Ou bien ils auront plaisir, comme je l'ai eu, à décrypter les détails - nombreux - qui relient l'histoire moderne à l'histoire médiévale, ou bien ils ne s'en rendront compte qu'en même temps que l'héroïne, et un petit "Lexique des personnages" les aidera à comprendre définitivement tous ces liens. 

J'ai eu beaucoup de plaisir à avancer dans cette histoire. J'ai trouvé parfait le dosage entre références culturelles et récit d'adolescence. Pour ce dernier, ne vous attendez à rien d'exceptionnel : une jeune fille qui déménage à cause de ses parents, doit se faire de nouveaux amis, tombe amoureuse d'un garçon en apparence inaccessible... Mais, moi qui aime les réécritures et les univers à double sens, j'ai été convaincue. L'écriture de Meg Cabot est fluide ; je ne l'avais jamais lue, je comprends le succès "grand public". En même temps, les passages narratifs et descriptifs ne cèdent pas aux dialogues ou aux considérations psychologico-egocentrées qui rendent certains (mauvais) romans ados très fades. 

Très satisfaite de ma découverte, donc... mais quand je dis que j'arrive tard, c'est que, non seulement le roman a eu le temps d'être lu, relu, et d'avoir des suites, mais je m'aperçois aussi que le premier tome a été adapté pour Disney Channel. C'est toujours frustrant, quand on espère pouvoir faire découvrir ce qui a été pour nous une surprise. Et je suis encore une fois en colère de voir qu'aucun livre à succès pour ados n'échappe à l'industrie cinématographique. J'en reparle très vite. 

En attendant, ne boudez pas votre plaisir et, si vous lisez les deux autres tomes, donnez-moi votre avis ! 

 

12 octobre 2013

Albert Lemant : Lettres des Isles Girafines

Vous pensez bien qu'un album comme celui-ci, la passionnée de girafes qu'est la petite Mu ne pouvait pas passer à côté... Eh bien, pourtant, je l'avoue, je ne l'ai découvert que récemment. Je n'ai en revanche pas traîné à en faire l'acquisition. Après lecture, mon opinion reste partagée. 

Esthétiquement parlant, c'est une réussite. Dans un monochrome de tons chocolat, avec une technique qui me semble être de l'aquarelle, ou peut-être de l'encre, mêlée à du dessin, l'auteur et dessinateur Albert Lemant nous promène de page en page dans un monde visuel qui n'est qu'une longue variation du motif "girafin". On retrouve les couleurs et les formes de ces animaux si majestueux et élégants - ce n'est pas moi qui vous dirait le contraire. Le souci du détail est poussé à l'extrême : je viens d'ailleurs à peine de voir apparaître, dans la carte ci-dessous, la silhouette qui m'est pourtant si familière...

En plus d'être superbes et minutieusement réalisées, ces illustrations débordent de créativité. Puisqu'il s'agit bien d'un récit de voyage, c'est à un journal de bord que ressemble cet album, avec tout l'arsenal graphique qui va de pair : des croquis, schémas, faux timbres, faux tampons, signatures calligraphiées... cohabitent, façon scrapbooking, avec les illustrations pleine page. 

L'objet, donc, est magnifique et plaira beaucoup, tant aux fans de girafe qu'aux amateurs de journaux de voyage ou aux enfants. 

Le récit, quant à lui, ne m'a pas entièrement satisfaite. Pour résumer, il s'agit du voyage de l'explorateur britannique Marmaduke Lovingstone, qui part en 1912 découvrir les Isles Girafines, en terre africaine. Il envoie des lettres, qui tiennent lieu de journal de bord, à lady Pawlette, l'épouse du capitaine parti à ses côtés. L'aventure se déroule à merveille dans un premier temps, puisque les hommes parviennent à destination, et découvrent une civilisation exceptionnelle, qui les ravit au plus haut point. Puis, petit à petit, les excès du colonialisme anglais font des ravages sur les membres de l'expédition, à qui il arrive des choses de plus en plus étranges...

L'idée est très bonne, elle permet de lire cet album à plusieurs niveaux, de faire, bien sûr, toutes sortes de liens avec des événements historiques, de lancer des réflexions sur la notion de civilisation, sur la question de l'Autre. L'aspect merveilleux ne m'a pas gêné, du moins pas en tant que tel. Mais je suis tout de même restée très perplexe quant à la fin. Après une longue première partie où les détails s'ajoutent très progressivement, à la fin, tout va très vite, et, à mon sens, trop de pistes sont lancées. Pour un album, destiné tout de même à un jeune public (publié chez Seuil Jeunesse), j'aurais préféré quelque chose de plus clair, de plus simple, quitte à aller vers plus de didactisme. 

C'est sans doute sa complexité qui fait l'intérêt de cet album, c'est pourquoi je ne doute pas que bien d'autres que moi puissent l'apprécier dans tous ses aspects. Pour ma part, j'hésiterais par exemple à travailler sur le récit avec des élèves, même grands - mais je sais que d'autres le font - ; en tout cas, je feuillette l'objet avec un plaisir inlassable. 

On me dit dans l'oreillette que l'album possède une suite : Le journal d'Emma, dont vous pourrez lire un commentaire chez Parolimage DaDo, lectures pour adolescents. Epuisé en librairie, d'après ce que j'ai compris. Mais qu'à cela ne tienne : les ventes d'occasion seront mes amies ! A suivre, donc. 

16 mai 2016

Stéphane Servant, Laetitia Le Saux : Purée de Cochons

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Chez les enfants, les histoires de recettes ont toujours fait recette. Cette Purée de cochons fera-t-elle exception ? Ou saura-t-elle combler vos pupilles enchantées ?

Je m'arrête ici. Stéphane Servant maîtrise l'art de la rime bien mieux que moi. J'ai apprécié la qualité du jeu sur les sonorités, qui permet au passage de faire découvrir des mots nouveaux aux petits lecteurs ou auditeurs : le loup est "guilleret" à l'idée de cuisiner les "porcelets", le loup est "barbichu" avec une queue tordue... Toute la panoplie de l'oralité est mise en oeuvre pour rendre cet album facile à lire, à écouter, à mémoriser : les rimes, donc, les comptines, les petites formules récurrentes, un texte qui utilise typographie, couleurs, disposition pour guider le rythme ou les intonations. Presque un manuel d'apprentissage pour conteurs débutants (ça tombe bien, c'est mon cas !).

Et ça tombe bien, puisqu'il est question de lecture là-dedans. L'histoire commence comme il se doit, avec trois cochons dans la casserole d'un loup. Mais, problème, le loup ne sait pas lire. Et comment suivre une recette si on ne peut pas la lire ? Les porcelets vont faire tourner notre loup en bourrique, et l'envoyer chercher des ingrédients inutiles, juste pour gagner du temps. Jusqu'au jour où, sans le vouloir, le loup se retrouve dans une école. Quelle aubaine ! Il va enfin pouvoir apprendre à lire ! Mais alors, les cochons peuvent commencer à se faire du mauvais sang...

J'ai été plutôt déçue par l'histoire. Je m'attendais à ce que les personnages secondaires (l'ours, le corbeau, la grand-mère) soient davantage exploités. Il y a de petits détails intéressants sur les images, mais rien de très exceptionnel. Par ailleurs, je ne suis pas très fan du graphisme. J'aime bien l'effet "papier découpé" mais je trouve les lignes et les couleurs un peu trop tranchées. Je suis allée jeter un oeil sur le site de Laetitia Le Saux, pour voir le reste de son travail. J'y ai trouvé d'autres dessins un peu plus doux, aux traits un peu plus ronds ou aux couleurs un peu plus nuancées. Je pense cependant que, dans Purée de cochons, la franchise des formes et des teintes peut plaire aux enfants.

Bref, une histoire à lire et à tester sur le public concerné : les enfants ! Et s'ils en redemandent, on retrouve les trois petits cochons railleurs et le loup raillé dans La culotte du loup (sorti en 2011, prix des Incorruptibles).

 Ce billet inaugure mon partenariat avec les éditions Didier Jeunesse.

3 juin 2016

Des suites et des fins, épisode 2 : Anne B. Ragde, L'héritage impossible

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Chez la petite Mu, Anne B. Ragde, ça commence ici, avec La terre des mensonges, et ça continue là, avec La ferme des Neshov.

J'avais beaucoup aimé le premier tome. J'avais été - un peu - déçue par le deuxième. J'ai été décontenancée par le troisième.

Plus de deux ans après les avoir laissés, j'ai donc retrouvé Torunn, la fille/nièce, qui a repris la ferme, Margido, qui s'occupe toujours de ses cadavres, Erlend et Krumme, le couple de Copenhague qui vont bientôt devenir papas, et "le vieillard", à la fois frère, père et grand-père. Mais j'ai eu l'impression de ne plus les reconnaître. Torunn est très fatiguée par l'exploitation de la ferme, et complètement perdue quant à son avenir. Rien que de très normal, mais les passages la concernant sont assez répétitifs, et on finit par avoir envie de prendre les choses en main et d'agir à sa place. Erlend est terrifié à l'idée d'avoir un enfant, et en même temps il trépigne d'impatience. J'ai retrouvé la fantaisie du personnage, mais presque poussée à l'excès. Certains passages s'attardent sur des détails qui m'ont paru sans importance. Margido est toujours aussi difficile à cerner - mes attentes concernant ce personnage n'ont donc pas été comblées. D'autres personnages apparaissent : Kai Roger, prétendant assidu mais éconduit de Torunn, Jytte et Lizzi qui portent les enfants d'Erlend et Krumme, et Kim, un architecte dont Erlend est très jaloux. Mais je les ai trouvés assez fades, en tout cas l'écriture ne leur donne pas assez corps. Bref, je n'ai pas retrouvé la saveur de ces personnages atypiques que j'avais goûtée dans les premiers tomes.

L'histoire n'avance pas non plus beaucoup, ce que j'avais déjà constaté dans le deuxième tome. Un rebondissement intervient au bout de deux tiers environ, mais il ne débouche sur rien de spectaculaire. La fin en est un peu décevante. Seul un passage, avant la fin, montre le personnage de Torunn avec plus d'intensité et instaure une certaine tension. J'aurais aimé que le roman soit davantage à cette image.

Finalement, la lecture du premier tome peut se suffire à elle-même. C'est encore celui où les personnages se découvrent le plus, et pour ce qui est de la suite, le lecteur peut l'inventer à sa guise. D'autres romans d'Anne B. Ragde ont été traduits, je compte sur eux pour atténuer ma déception.

13 juin 2016

Musée en herbe : L'art et le chat

 

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De l'art qui pense, de l'art qui réfléchit, de l'art qui fait rire : c'est un peu tout ça à la fois, L'art et le chat.

Depuis longtemps, Geluck aime glisser des clins d'oeil aux grandes oeuvres artistiques dans ses non moins célèbres bandes dessinées. Mais Geluck est plus qu'un dessinateur doublé d'un (très) bon scénariste : c'est un artiste à part entière, qui réalise des acryliques, des bronze, des statues... Tout a commencé en 2003 avec une Joconde une énième fois détournée. Loin de s'arrêter là, Geluck a enchaîné les réalisations humoristiques autour des oeuvres incontournables et de son "panthéon personnel". 

C'est donc très logiquement que toutes ces réalisations se retrouvent aujourd'hui exposées, et surtout, exposées aux côtés des oeuvres qui les ont inspirées. Si un grand nombre de ces dernières sont des reproductions, plusieurs musées ou collectionneurs particuliers ont joué le jeu et prêté tableaux et sculptures. C'est donc à un véritable cours d'histoire de l'art que le musée en herbe (toujours tourné vers l'enfance et la pédagogie) invite ses visiteurs. Les oeuvres de Geluck jouent pleinement leur rôle : capter notre attention par leur humour irrésistible, et guider notre regard vers l'oeuvre originale, dans laquelle on lit des détails ou des aspects qu'on n'avait pas toujours remarqués. Surtout, ce bon vieux Chat nous oblige à nous interroger sur les intentions de l'artiste, et, plus largement, sur la fonction d'une oeuvre d'art. Mais en a-t-elle toujours, finalement ?...

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En tout cas, si le Chat voulait nous faire comprendre que l'art, ça ne sert plus à rien, et que ça n'intéresse plus personne, eh ben c'est raté ! Preuve en est le nombre de visiteurs présent dans le (tout petit) musée, même un jour de semaine. Mettez un groupe de scolaires, avec leurs animateurs, quelques familles, des adultes, on est vite serrés au 23 rue de l'Arbre sec. C'est le seul bémol que je soulignerai pour cette exposition : un espace un peu trop restreint pour profiter de certaines oeuvres (notamment le Vasarely qui demande un peu de profondeur pour s'apprécier pleinement). 

C'est pourquoi je profite de cet article pour vous conseiller également (au plein sens du terme, c'est-à-dire "à part égale") l'album de l'exposition, paru chez Casterman au format BD, qui prendra naturellement place à côté de votre collection du Chat. Toutes les oeuvres y sont, avec quelques explications sobres mais efficaces, une interview de Geluck en début d'ouvrage. De quoi (re)faire l'expo chez vous, confortablement assis dans votre canapé, entre petits et grands, fervents amateurs d'art ou novices avides de découvertes ! 

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Exposition L'art et le chat
Musée en Herbe (23 rue de l'Arbre Sec, 75001 Paris)
Du 11 février au 31 août 2016
Plein tarif : 6€ (différents tarifs avec visites ou animations)
Tous les jours avec nocturne le jeudi. 

25 avril 2014

L'écume des jours

 

Un film à couper en deux : une première moitié qui ne m'a absolument pas touchée, puis une deuxième qui m'a beaucoup accrochée. 

A noter qu'on entend beaucoup moins Audrey Tautou dans cette deuxième partie, nécessairement : cela a certainement joué sur mon appréciation... Désolée, mais, après l'avoir aimée dans Amélie Poulain et adorée dans A la folie, pas du tout, là, je ne peux plus. 

Mais je vais tout de même proposer une explication un peu plus cinématographique et nuancée de cette différence, pour moi, entre les deux parties. 
La première tente de porter à l'écran l'univers archi-fantaisiste de Boris Vian. Pour cela, le réalisateur a utilisé toutes les possibilités du septième art : couleurs, sons, effets spéciaux, montage, mélange des genres. Mais... pffff. Comment rendre en image mobile les mots et les phrases de Vian, dont la poésie n'a d'égale que l'absurdité ? Comment tenir le rythme trépidant de cet humour hors du commun ? Michel Gondry a voulu, pour l'imiter, accumuler les images et les effets. Mais on frise l'indigestion : c'est trop, l'écran est saturé. Seules trois choses m'ont fait sourire (quand même) : la souris (plutôt sympathique), la tête d'Alain Chabat dans le frigo, et la scène du pompon à la patinoire. Bon. Ca ne fait grand-chose pour un début (je dis début, mais on en a bien pour une bonne heure en fin de compte). 
Autre phénomène de saturation : les acteurs. Alors, oui, on a un casting "de rêve" : du Romain Duris, du Audrey Tautou, du Omar Sy, du Gad Elmaleh... Mais, là encore : pffff. Ces acteurs portent trop de choses avec eux pour se fondre dans un univers lui-même déjà très intense. Dans cette première partie qui se veut clinquante et drôle, cela tourne à la compétition de gueules, à qui crèvera le plus l'écran. 
Puis le nénuphar arrive, et là... Tout change. Bizarrement, tout ce qui me semblait too much au début me paraît désormais fin et juste. Les acteurs gagnent à baigner dans un univers terne et oppressant. Audrey Tautou gagne à parler moins. Romain Duris gagne à sourire moins, tout comme Omar Sy. Le rythme gagne à être plus lent. La sensibilité entre enfin en scène. 
Et c'est dans les scènes finales de carnage, à la fois terribles et jouissives, que le talent du réalisateur me parle enfin. L'arrière-plan satirique est clair, mais en équilibre avec l'émotion. Autant j'avais du mal à ressentir la beauté et la gaieté dans lesquelles sont censées vivre Colin et Chloé au début, autant j'ai vécu en osmose avec le rétrécissement et l'enlaidissement de leur vie marquée par la maladie. 

Finalement, ce film valait le coup d'être vu, mais en oubliant, pendant la première heure, qu'il s'agit d'une adaptation. En ne cherchant pas à retrouver dans le film ce qu'on a pu éprouver à la lecture. Et en espérant secrètement qu'aucune autre oeuvre de Vian ne sera adaptée à l'écran, car une seconde expérience pourrait être fatale... 

Bande-annonce finale pour L'Ecume des Jours de Michel Gondry :

1 août 2014

Anna Gavalda : 35 kilos d'espoir

Une lecture très scolaire, parce que je me devais de savoir, quand même, ce qu'il y a exactement dans ce (très) court récit que pas mal de mes élèves de sixième ont lu pour leur dernière fiche de lecture. 

Eh bien... Il n'y a pas grand-chose. Ca se lit en un quart d'heure, et ça ne laisse pas un souvenir impérissable. Ou plutôt, ça me confirme que j'ai du mal avec les histoires un peu trop démago de ces ados en échec scolaire, comme j'avais eu du mal avec l'autobiographie de Mickaël Ollivier

Donc, ce récit d'un garçon qui a une phobie de l'école, qui n'aime que bricoler avec son grand-père, et qui, évidemment, va se remettre sur selle grâce à ce grand-père, non, décidément, ça ne m'a pas touchée. J'ai vraiment du mal à comprendre comment on peut montrer autant d'enthousiasme suite à cette lecture, comme ce qu'on peut lire ici, sur Babelio. Non que le sujet soit à jeter à la poubelle, et non que je sois une vieille prof acariâtre qui ne sache pas que des élèves en réelle phobie scolaire et décrochage complet, ça existe. Mais il y avait à mon avis mieux à tirer, en jouant sur les nuances, en creusant davantage les personnages. 

Bref, je ne le supprimerai pas de la liste pour mes élèves (dans le cadre du concours d'affiches et de livrets dont j'essaierai de vous reparler tout bientôt), mais j'espère qu'il sera vite remplacé en tant que "classique" par un récit de meilleure qualité. 

 

16 août 2016

Top Ten Tuesday #1 : Les 10 récits de voyage (ou livres sur le thème des voyages) lus ou à lire

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Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire qui consiste à présenter chaque mardi 10 titres répondant à un thème littéraire précis. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français sur le blog Frogzine. (Et découvert par la petite Mu chez Forty-five weeks). 

Je ne suis pas certaine de tenir le rythme d'une chronique chaque mardi, mais cela faisait longtemps, finalement, que je n'avais pas pratiqué la liste sur ce blog, alors allons-y pour un premier TTT, et on verra bien la suite. 

Surtout, le thème du jour est évidemment idéal en ce milieu du mois d'août, et prolonge mon article de départ en vacances. D'abord, il y a mes chouchous, dont je vous ai déjà parlés : 

1°) L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, de Reif Larsen, parce que c'est LE livre idéal pour partir en voyage : en un seul volume (certes, épais), vous avez une histoire pour s'évader, des annotations dans les marges pour se cultiver, et beaucoup de fantaisie pour rêver. 

2°) Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson, parce que c'est le plus beau livre que j'aie lu (peut-être le seul, d'ailleurs) sur l'alliance de la nature et de la culture. Le tout dans un paysage glacial mais somptueux. Si vous aimez le froid, vous adorerez ; si vous aimez la chaleur, ça vous rafraîchira sans clim ni glaçons. 

3°) Lettres des Isles Girafines, d'Albert Lemant, parce que c'est le plus beau livre sur les girafes que j'aie jamais lu !! Si, comme moi, vous adorez ces grandes bestioles, vous en aurez à toutes les pages, à toutes les sauces, et vous n'aurez qu'une envie : visiter, vous aussi, le Girafawaland. 

4°) Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier parce qu'après avoir longtemps boudé cette lecture, j'ai appris à l'apprécier et je la trouve maintenant d'une très grande richesse. Un vrai dépaysement, et une réflexion sobre mais très efficace sur les rapports entre l'homme et la nature, le sauvage et le civilisé. 

5°) Refuge(s), d'Annelise Heurtier, parce que ce roman jeunesse publié en 2015 s'est emparé avec intelligence de "la question des migrants", et que, malheureusement, il est toujours d'actualité en 2016. 

 

Et puis il y en a quelques autres : 

6°) L'Odyssée, d'Homère, parce que c'est quand même le récit de voyage fondateur et incontournable, et que, déjà, tout y était : l'amour, la tentation, le conflit entre monde sauvage et monde civilisé, l'hommage à la nature, la peur des dieux, et des créatures toutes plus merveilleuses (au sens premier, c'est-à-dire extraordinaires, mais pas toujours amicales) les unes que les autres. 

7°) Les aventures de Télémaque, de Fénelon, parce que ce fut l'une de mes lectures préférées d'agrégative : assez éprouvant à lire, mais tellement passionnant à étudier. Un roman d'apprentissage qui se paye le luxe de réécrire l'un des plus grands textes fondateurs tout en faisant la satire du Roi Soleil. Le "livre divin de ce siècle", aurait dit Montesquieu. Rien que ça. 

8°) Le Magicien d'Oz, de Franck L. Baum, parce que, y'a pas, ce voyage du réel à l'imaginaire reste l'un de mes récits merveilleux préférés, et ce n'est pas pour rien que je l'ai inscrit six années de suite à ma progression de 6e. Je n'ai pas de 6e l'an prochain, snif, Dorothée et ses amis vont me manquer. 

9°) Mardi, d'Herman Melville, parce qu'il fait partie d'un programme d'agrégation que je n'ai jamais eu à travailler puisque j'ai eu le concours avant :-) Du coup, je n'ai jamais terminé ce gros pavé dont j'aimais le titre, mais qui m'a noyée avant même la moitié. 

10°) Construire un feu, de Jack London, parce que je suis obligée de finir avec de la neige, et que j'ai aimé cette nouvelle dont le héros et son orgueil souvent mal placé m'ont plu, dans leur lutte pour la survie. Une entrée dans l'univers de London plus simple que ses romans, car plus brève, et en même temps, tout aussi efficace. 

10 avril 2016

Paule Constant, Des chauve-souris, des singes et des hommes

 

Paule Constant

 

Nous sommes en Afrique, près du fleuve Ebola. Le nom du cours d'eau apparaît dès les premières pages ; le cadre est posé, l'histoire, on la devine. Paule Constant, plus précisément, revient sur les origines de l'épidémie. Elle s'appuie sur une étude réalisée par des chercheurs allemands : c'est une petite fille, âgée de deux ans, qui en aurait été le point de départ, après avoir joué avec une chauve-souris. Point de départ : cette expression signifie qu'elle fut la première responsable en même temps que la première contaminée. 

C'est cette donnée cruelle que Paule Constant explore dans son roman. Au début, bien loin du rapport médical, le récit nous plonge plutôt dans un univers où mythes et réalités voisinent intimement. Nous sommes dans un village dont la langue n'est pas comprise au-delà du village voisin, et encore ; un village où les enfants grincent des dents en entendant l'histoire d'une méchante soeur privée de la dernière goutte d'eau, tant ils savent que cette eau est précieuse ; un village où les garçons sont si valorisés que les femmes enceintes se détournent quand une fillette s'approche d'elles, de peur qu'elle ne contamine leur embryon.

Dans ce village, la petite Olympe est un peu mise à l'écart par ses grands frères. Alors, quand ils partent en expédition dans la forêt, sans elle, elle se prépare sa propre excursion, et recueille un bébé chauve-souris auquel elle s'attache immédiatement. Mais sa découverte ne suscite que peu d'intérêt au village car les garçons, eux, reviennent avec un cadavre de grand singe : de quoi organiser un gigantesque festin pour tout le village, et même les alentours ! Personne, alors, en ce temps où Ebola n'est encore que le nom d'un fleuve, ne se doute que l'épidémie a déjà débuté. Personne, hormis le lecteur,  bien entendu.

Cependant, même un lecteur non averti aurait la puce à l'oreille dès le chapitre 3, car entrent en scène des personnages issus de la sphère médicale : Agrippine le médecin et Virgile le docteur, l'une travaillant pour Médecins sans frontières, l'autre menant des travaux d'ethonologie et de sociologie. Deux conceptions de la santé, deux rapports au monde s'affrontent dans leur relation. Et, évidemment, leur destin croisera celui d'Olympe et des villageois.

Je ne connaissais pas l'écriture de Paule Constant ; si j'ai beaucoup aimé les chapitres centrés sur Olympe, les légendes africaines et cette montée oppressante d'un destin que l'on sait tragique sans que les personnages ne s'en doutent une seconde, j'ai en revanche totalement décroché dès que les personnages "européens" sont apparus. Trop de théorie médicale, trop d'intrigues secondaires aussi. Je ne me suis pas du tout attachée à Agrippine, peut-être trop absorbée par la petite Olympe. Je suis restée sur ma faim face à un roman qu'on m'avait peut-être trop vendu, notamment chez François Busnel, et certainement aussi sous l'influence de récits catastrophe beaucoup plus hollywoodiens.

 

Néo-défi lecture 2016 : Un livre paru en 2016. 

17 juillet 2016

Rainbow Rowell : Eleanor Park

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Allez, un dernier post avant la trêve estivale. Mais non des moindres. Ce roman est sorti depuis 2012 déjà, je ne l'ai lu qu'il y a quelques semaines cependant. Si vous ne le connaissez pas encore, vous allez, comme moi et comme beaucoup d'autres, en prendre plein les mirettes. 

Il est de moins en moins rare, aujourd'hui, que les protagonistes d'une histoire d'amour soient des personnages atypiques, loin des stéréotypes du beau gosse et de la belle nana aussi rayonnants l'un que l'autre. John Green, notamment, s'est engagé sur cette voie, même si, dans Nos étoiles contraires, j'avais trouvé Hazel et Augustus un peu trop "tout" pour être honnêtes. Enrevanche, dans le roman de Rainbow Rowell, Eleanor est vraiment trop ronde pour les standards de la beauté, ne s'habille vraiment pas comme les autres, et, pour couronner le tout, elle a une vie vraiment difficile, du genre à devoir partir de sa maison parce que son beau-père ne veut pas d'elle. Park, lui, pourrait davantage se fondre dans la masse, s'il n'avait pas les traits coréens de sa mère, ce qui, pour la brute épaisse qui fréquente son lycée, est censé faire de lui un spécialiste de kung-fu. Eleanor est aussi tape-à-l'oeil que Park est discret. Mais, et ça n'a rien de particulièrement original d'ailleurs, ils vont quand même tomber amoureux l'un de l'autre, et pas qu'un peu. 

A partir de là, vous allez voir se dérouler tout au long de votre lecture les ingrédients assez habituels d'une romance adolescente : les déboires du lycée (la brute épaisse étant un incontournable du genre), les relations pas toujours simples avec les parents, les frères et les soeurs, la naissance des émotions, des émois, des sensations. Le style non plus ne semble avoir rien d'absolument différent, inimitable (moins percutant que celui de John Green, par exemple). Mais c'est l'équilibre parfait de tout, les portraits, les dialogues, le récit, qui crée l'alchimie et fait qu'on n'arrive pas à lâcher le roman d'un bout à l'autre. Je dis bien d'un bout à l'autre, car, contrairement à Plume de Cajou, j'ai aussi aimé la fin (le genre à vous faire éteindre la lumière à trois heures du matin parce qu'il est impensable de s'endormir sans l'avoir lue). 

Ce que j'ai retenu par-dessus tout, c'est la peinture très juste des sensations physiques, de tout ordre, provoquées par la rencontre puis l'histoire d'amour. Ca commence de manière anodine, avec ce genre de phrases : "Ce matin-là, en cours de littérature, Park a remarqué que les cheveux d'Eleanor étaient d'une nuance de rouge plus douce au creux de sa nuque." Il n'y a absolument rien d'explicite dans cette phrase, mais l'adjectif "douce" envahit tout le propos, et on ressent à la fois la fascination de Park pour Eleanor et sa volonté de ne pas se laisser embarquer dans des sentiments qu'il ne contrôlerait pas. Mais ces sentiments les envahissent, l'un comme l'autre : "Alors il a laissé glisser la soie et ses doigts dans la paume ouverte d'Eleanor. Et Eleanor s'est désintégrée." Arrivé vers la fin du roman, il y a des pages magnifiques sur le désir qui naît entre les deux corps. Magnifiques car précises et subtiles à la fois, naïves et réalistes en même temps. C'est ce qui, à mes yeux, a rendu l'histoire d'amour crédible, car ce désir transcende toutes les différences et toutes les difficultés qui se placent entre Park et Eleanor. 

C'est donc peu de dire qu'il s'agit là d'un roman fort : des personnages forts, dont la flamboyance, assumée ou non, se révèle au fur et mesure de l'histoire, des évènements non moins forts, car le quotidien d'Eleanor est dur, et l'histoire ne cherche pas à nous le cacher. Au contraire, cela devient partie prenante de l'intrigue amoureuse. Fort aussi comme les sentiments qui transpirent entre les mots, comme la musique que Park et Eleanor s'échangent, et dont l'auteure a eu le bon goût de nous fournir la playlist sur son site. Je suis fan de cette tendance (depuis quelques années déjà) à créer de véritables bandes-sons à l'intérieur des romans : Jean-Noël Sciarini, pour ne citer que lui, le fait aussi. Ah, et Marion Brunet, aussi (je savais bien que j'avais vu ça ailleurs aussi). Bref, un vrai beau livre qu'il faut lire et faire lire autour de vous. 

C'est l'occasion de vous glisser une petite check-list des romans d'amour "Young adults" à mettre dans votre valise ou dans celle de vos ados, s'ils n'ont pas été déjà lus. De John green, plutôt que Nos étoiles contraires, jetez-vous plutôt sur Qui es-tu, Alaska ? ou bien sur Will and Will, co-écrit avec David Levithan. Pensez aussi à Marie-Aude Murail et ses 3000 façons de dire je t'aime ou à La face cachée de Luna de Julie Anne Peters. Pour les amateurs de dystopie, Hunger Games possède bien sûr de belles pages sur les sentiments amoureux complexes de Katniss, mais on peut en trouver aussi dans la série Uglies de Scott Westerfeld, ou, côté français, dans les romans de Jean-Claude Mourlevat, Le combat d'hiver ou Terrienne. Enfin, pour les passionnés de Moyen Âge, il y a ma découverte de Meg Cabot, Avalon High

Ainsi, vous ne manquerez pas d'amour pour cet été ! 

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27 juin 2012

Quatre soeurs

Ca y est, voilà l'été... Le moment de reprendre enfin ma plume. 

Je connais Malika Ferdjoukh depuis longtemps : j'avais beaucoup aimé les atmosphères mystérieuses et teintées d'humour de Fais-moi peur et Sombres citrouilles

C'est donc avec une certaine confiance que je me suis lancée dans ces longues aventures de quatre soeurs qui ne sont pas quatre - d'autant plus que j'avais déjà entendu de bonnes critiques sur ce roman. 

Tant qu'à faire, j'ai acheté les quatre volumes d'un seul coup, réunis en un seul. 

J'ai aimé, pas forcément adoré.
Ce qui m'a plu, c'est cet univers un peu décalé : certains détails nous confirment que l'histoire (enfin, les histoires) se passe(nt) bel et bien de nos jours, mais bien d'autres sonnent "à l'ancienne", à commencer par les prénoms, délicieusement surannés - Enid, Bethsabée... On s'attache aux personnages, bien sûr, comme dans toute série de ce genre. 
Mais le tout manque un peu de cohérence à mon goût. La focalisation sur un personnage par volume n'est pas menée de manière très claire : pour moi, il y a un personnage qui est mis en avant à chaque tome, c'est Bettina. Les autres passent un peu derrière. 

Une lecture agréable mais pas inoubliable. 

 

16 juillet 2012

Je n'ai plus dix ans

Comme pour Je ne suis pas comme toi, d'Isabelle Rossignol (voir article précédemment), j'ai été surprise, en lisant le début du récit, du choix de le publier chez Neuf. Le narrateur dit avoir seize ans, je m'imagine une histoire "pour les grands", dans laquelle des lycéens se retrouveront davantage que les jeunes lecteurs de la collection Neuf. Mais ce début est un trompe-l'oeil : au bout de trois pages, l'histoire revient en arrière, à l'époque où Kaï avait bel et bien dix ans, et y reste jusqu'aux dernières pages. On peut, comme Lionel Labosse, s'interroger sur l'utilité du début : pourquoi le narrateur comemnce-t-il son récit en pleine année de première, si c'est pour ne jamais revenir sur cette période-là ? J'ai bien une idée, confortée par le titre, une idée triste mais tout à fait vraisemblable, mais je ne la livrerai pas ici. 

Pour revenir à cette histoire de lectorat, le style adopté par la suite est finalement tout à fait adapté à de jeunes lecteurs. On est bien dans la tête d'un enfant, avec une écriture un peu hachée, qui saute du coq à l'âne, parce que le jeune Kaï n'est pas encore capable de faire lui-même les transitions qui s'imposent entre ses idées et ses ressentis. 
Il s'agit d'un récit un peu touche-à-tout, qui aborde plusieurs sujets, graves ou légers. Peut-être un peu trop d'ailleurs, mais en fait, l'ensemble sonne juste, car il n'est pas rare que ces divers sujets se rencontrent au cours d'une vie. Et pas toujours à l'âge qu'on voudrait. 

Alors, oui, on aimerait savoir comment tout ce vécu a influencé les années suivantes du narrateur, ce qu'il en a retiré, et on ne le saura pas. Tout comme le livre d'Isabelle Rossignol, ce récit pose des questions sans y répondre. Mais avec un peu plus de chair, de consistance. J'ai plutôt aimé cette fin, la conversation avec Fred et Tom qui révèle des secrets de manière très simple. En allant plus loin, je me rends d'ailleurs compte que, dans ce roman, ce sont les choses les plus banales - l'historiette avec "l'autre Sidonie" - qui sont les plus dramatisées, alors que des sujets plus graves sont traités de manière très légère. Parce que c'est comme ça qu'un enfant de 10 ans verrait les choses. Et nous autres, "les grands", le ressentons autrement : la suite de l'histoire s'écrit dans notre tête. 

 

18 août 2012

Bienvenue au club

Comme j’ai eu raison d’approfondir ma relation avec cet auteur britannique ! Je crois que j’ai découvert un nouveau filon qui devrait me tenir en haleine, autant que je l’ai été avec McEwan, ou même avec les Chroniques de San Francisco.

 

Les « seuils », chez Coe, ne sont pas ce que je préfère. Mais la force de ses romans en est d’autant plus forte, puisque, malgré ces débuts ou fins peu convaincants, ils parviennent à m’attirer en eux d’une manière quasi irrésistible – demandez à mon homme ou à ma mère, le mal qu’ils ont eu à me tirer de ma lecture...

 

Une ouverture un peu décevante, donc : les enfants qui se retrouvent pour raconter l'histoire de leurs parents, mouais. M'est avis qu'on aura pu se passer de cette entrée en matière. 

Mais la suite... un festival de sentiments mélangés.
Le rire, beaucoup. Certaines pages sur l'étrange trio amoureux constitué par Sam, sa femme Barbara, et l'amant de cette dernière, Mr Plumb, alias "Plume-dans-le-cul", sont tout simplement irrésistibles. 
La surprise, parfois. A trop s'attacher aux personnages, on finit par croire qu'ils sont invulnérables, et que rien ne peut leur arriver. Et on se trompe...
Mais les larmes, jamais. Car, comme dans Monsieur Sim, tout est fait pour tirer personnages et lecteur hors du marasme, de la déprime dans lesquels ils pourraient très facilement tomber, vu les faits évoqués. 

Sans être follement originale, la réflexion proposée sur le contexte politique et social de cette Angleterre des années 70 est intéressante, parlante. Je retrouve ainsi l'entremêlement histoire/Histoire que j'aime chez McEwan, notamment. En moins subtil, peut-être, mais plus didactique aussi. 

Là encore, je suis donc très impatiente de lire d'autres pages... et, ô joie ! Il y a une suite ! Il va sans dire qu'elle sera dévorée dans les jours qui viennent... 

 

 

 

18 août 2012

La face cachée de Luna

J'attendais ce livre comme une délivrance après toutes les déceptions connues dernièrement en littérature jeunesse, sur ce fameux thème du genre. Deux remarques s'imposent avant de plus amples commentaires : c'est certain, ce fut une lecture bien plus agréable que Gudule, je n'ai pas lâché le livre avant la fin, que j'ai été très triste de voir arriver "si vite" (le livre fait tout de même ses 360 pages et quelques) ; en même temps, une fois encore, j'ai été frustrée dans mon désir de trouver LE livre qui parlerait sans nul doute à mes élèves de cinquième. Toujours ce même problème d'un style que je trouve adapté à de plus grands lecteurs. En même temps, sur certains sites, on le conseille dès neuf ans... 

Première qualité du livre, en regard de tous les autres que je vous ai déjà plumés sur le sujet, c'est que, justement, c'est le seul à l'aborder vraiment, le sujet. Luna est TG, transgenre pour les non-initiés, le terme est clairement assumé, du moins face à sa jeune soeur qui lui tient lieu de confidente. Une confidente qui trouve son rôle souvent bien lourd. Pas d'hypocrisie, de bien-pensance dans ce roman : tous les problèmes sont abordés de front, ceux de Liam qui ne peut plus supporter son identité masculine, mais aussi ceux de Regan, plus terre-à-terre peut-être, mais pas moins présents et parfois oppressants. Pour faire simple, pas facile d'être un TG, même au XXIe siècle, mais pas facile non plus d'être la petite soeur d'un TG. 
On peut sans doute avoir deux positions quant à ce choix de faire raconter l'histoire par la soeur, et non par Luna. Certains y verront peut-être une marque de conformisme, une sorte de prudence. Personnellement, j'y vois plutôt une grande intelligence : je trouve qu'il est beaucoup plus intéressant - et efficace - de comprendre et de connaître Luna à travers les questionnements, et ils sont nombreux, de Regan. Plus efficace que si l'histoire nous était directement racontée par Luna. Sans compter que l'on se serait alors privé de certaines pages assez drôles, car la vie de Regan va de catastrophe en catastrophe, et elle ne manque pas d'humour pour le raconter. 

Peu de défauts, donc, dans ce beau roman. Il m'a parlé, à moi, adulte. J'espère sincèrement qu'il pourra toucher tout autant des adolescents au début de leur vie affective et de leurs interrogations. 

 

12 septembre 2017

Daniel Keyes : Des fleurs pour Algernon

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Une fois n'est pas coutume, la petite Mu va prêter sa plume à une autre blogueuse pour vous parler de ce roman découvert au début de l'été. Aemilia a effectivement rédigé en 2016 un article très complet, avec de nombreux extraits, idéal pour ceux qui, comme moi il y a peu, ne connaissent pas encore ce classique de la science-fiction : 

Des fleurs pour Algernon chez Forty-five weeks

Qu'ai-je envie d'ajouter ? Que le roman se fait de plus en plus sombre, peut-être un peu complexe au fur et à mesure. J'ai préféré la première partie, jusqu'au moment où Charlie prend son indépendance vis-à-vis de l'équipe scientifique responsable de sa transformation. En fait, je me suis tellement attachée au Charlie naïf et innocent du début que, lorsqu'il devient un adulte mature et réfléchi, c'est comme s'il était devenu quelqu'un d'autre, un étranger auquel je devais m'habituer, en tant que lectrice, tout en le sachant proche de la fin. Mais c'est bien là que réside la force de ce roman : nous montrer cette métamorphose en profondeur subie par le personnage, au point de devenir Autre, étranger à soi-même. 

Le principe du journal intime est parfait pour narrer cette évolution. Et l'idée des fautes d'orthographe et de syntaxe qui disparaissent petit à petit est très efficace. Avec un fort intérêt pédagogique : pas tellement de faire corriger, ni même constater les fautes par les élèves. Plus que l'orthographe d'ailleurs, c'est la transformation de la syntaxe qui est intéressante à étudier. Mais surtout, cela permet de réfléchir au rôle de l'orthographe en tant que norme sociale : une nécessité ? Une contrainte vaine et démesurée ? Un vrai débat peut naître de cette simple question. Débat que j'esquisse parfois en sixième, à partir de ces vers de Queneau dans "L'écolier" : "revenu dans mon école / Je mettrai l'orthographe mélancoliquement." Pourquoi mettre l'orthographe, si c'est pour éprouver tant de mélancolie ? Bon, évidemment, le roman de Keyes offre des perspectives de réflexion plus vastes, qui s'adressent à des élèves plus mûrs. 

Ce roman prend part à mes yeux à un triptyque - certes hétéroclite - autour de la question du retard mental et de l'intelligence : un écho à Des souris et des hommes de Steinbeck (même attachement au personnage, même force tragique, et en plus il y a des souris dans les deux), lui-même réécrit par Marie-Aude Murail (oui, j'avais prévenu que c'était hétéroclite) dans Simple

Triptyque retard mental

 

Idéal pour une progression de troisième, avec les nouveaux programmes. Des souris et des hommes se prête à l'objet d'étude "Agir dans la cité : individu et pouvoir". Les programmes disent en effet :  On étudie : - en lien avec la programmation annuelle en histoire (étude du XXe siècle, thème 1 « L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales »), une œuvre ou une partie significative d'une œuvre portant un regard sur l'histoire du siècle - guerres mondiales, société de l'entre-deux-guerres, régimes fascistes et totalitaires (lecture intégrale). Evidemment, cette indication de corpus oriente davantage vers des oeuvres traitant des guerres mondiales, de la guerre froide, du régime stalinien, mais ce que j'ai mis en gras concerne bel et bien le roman de Steinbeck. Comme avant la réforme, j'aime l'idée de proposer aux collégiens un lieu et une période qu'ils ne traitent pas dans leurs programmes d'histoire : la Grande Dépression aux Etats-Unis dans les années 30. Je ne souhaite donc pas me séparer de ce roman, que j'adore depuis plusieurs années

Des fleurs pour Algernon peut se proposer en lecture cursive, comme un pont entre le roman de Steinbeck et une séquence correspondant au nouvel objet d'étude (questionnement complémentaire) "Progrès et rêves scientifiques". On peut, en classe, travailler sur quelques extraits, proposer une réflexion de fond sur l'intelligence et les transformations génétiques. J'ai trouvé notamment cette séquence courte sur un site dédié à la littérature jeunesse et la pédagogie : séquence Des fleurs pour Algernon. A noter, le support n'est pas le roman mais la nouvelle, antérieure, écrite en 1959. 
Plusieurs éditeurs ou manuels ont choisi aussi d'étudier le roman en tant qu'oeuvre intégrale dans les nouveaux programmes : Le livre scolaire, Colibris de chez Hatier, une édition de Flammarion qui propose aussi un dossier pédagogique. On trouve enfin une séquence dans le n°647 de mars 2016 de la Nouvelle Revue Pédagogique (voir le sommaire ici).

Simple peut quant à lui faire l'objet d'une simple proposition aux élèves, ces fameuses "lectures plaisir" dont nous parlent les formateurs. Du plaisir, j'en ai eu, j'en parlais déjà il y a quelques années. Mais j'en ai eu tout autant avec les romans de Steinbeck et de Keyes. Ne boudez pas le vôtre ! 

Neo-défi lecture 2016-continué-en-2017 : un livre pris sur la liste d'un autre participant

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7 octobre 2011

La petite Mu

 

"Elle n'était jamais pressée, son temps était infini, indéfini, jalonné seulement par les rares lumières précaires qui s'allument à l'approche de la mer". 

Papa Moumine et la mer, Tove Jansson

 

Chez les Moumines, je demande la petite Mu : celle qui reste à part, qui a l'air plus rusée que les autres, celle dont le nom signifie "la plus petite des plus petites". Je demande aussi mon premier Tove Jansson : Papa Moumine et la mer. Voici ce que j'en ai pensé à l'époque (en 2007 ou 2008) : 

"Un achat qui devait n'être qu'un clin d'oeil à ce surnom, Moumine, dont je ne connaissais que vaguement l'origine. Et, finalement, une lecture plus qu'agréable ; réellement prenante. Une atmosphère qui nous trempe jusqu'aux os, des personnages aussi attachants que mystérieux, un semblant de suspense qui fait qu'on se prend au jeu, et pour finir une écriture pleine de charme.

Un conte de fées pour petits et grands rêveurs".

Voilà les quelques mots que la petite Mu (moi, quoi) a plumé à l'époque sur ce très beau récit. Je ne saurais vraiment dire à partir de quel âge il pourra être véritablement apprécié : les plus petits goûteront sans doute les personnages, les dialogues, et les plus grands goûteront les mots, les images, la magie. 

Rien que pour vous, et parce que ce blog, c'est aussi ça, je vous offre quelques autres morceaux, de ceux que j'ai aimés : 

"- Elle est vivante, pensa le papa. Mon île est aussi vivante que les arbres et la mer. Tout est vivant.

Il se releva lentement.

Un petit sapin arrivait en se traînant dans la bruyère comme un tapis ondulant et vert. Le papa s'écarta pour le laisser passer et resta un moment immobile en frissonnant. Il imaginait son île, folle de frayeur, recroquevillée au fond de la mer."

"Le papa effaça toute spéculation pour se laisser envahir par la vie depuis les pattes jusqu'au bout de ses oreilles."

"Quand, enfin, son coeur lui parut aussi gros que possible, il jeta un coup d'oeil furtif dans la boule pour se faire consoler."

 

Sur ces mots, je vous souhaite la bienvenue sur le fil des lectures de la petite Mu qui plume. 

9 octobre 2011

L'invention de la solitude

"Le ciel est bleu, noir, gris, jaune. Le ciel n'est pas là, et il est rouge. Tout ceci s'est passé hier. Tout ceci s'est passé voici cent ans. Le ciel est blanc. Il a un parfum de terre, et il n'est pas là. Il est blanc comme la terre, et il a l'odeur d'hier. Tout ceci s'est passé demain. Tout ceci s'est passé dans cent ans. Le ciel est citron, rose, lavande. Le ciel est la terre. Le ciel est blanc, et il n'est pas là."

(Le Livre de la mémoire)

Les mots de l'époque : 

Deux parties (récits ?) pour moi inégales. La première, Portrait d'un homme invisible, fascinante dans sa manière dépouillée, mais incisive de parler d'un personnage, de rendre hommage à la mémoire d'un défunt, plus exactement. Une écriture quasiment analytique, qui, tout en sautant du coq à l'âne, parvient tout de même à épuiser le sujet, à en faire le tour, ce qui nous donne l'impression, en une cinquantaine de pages, de connaître intimement cet "homme invisible", pourtant si hermétique. 

Quant à la deuxième partie, le Livre de la mémoire, trop "dispersée" à mon goût, trop analytique cette fois, elle offre tout de même au lecteur quelques passages d'une rare profondeur et a le mérite de dévoiler sans l'étaler la culture littéraire indéniable de Paul Auster. 

Au final, un ouvrage peut-être plus intéressant d'un point de vue psychologique que littéraire. 

Les mots de maintenant : 

J'ai ramené ce livre de chez ma mère, passage d'une pile à une autre, et au final je n'ai pas encore réussi à l'ouvrir. Je ne sais pas trop ce que j'ai peur d'y trouver, parce que bien sûr chaque histoire est unique. Et puis, si j'ai eu envie de le relire, ce n'est sans doute pas pour rien. Bref, quand le courage sera vraiment là, je le relirai et plumerai d'autres mots, peut-être moins sévères, dessus. Je pense (mais me trompe peut-être) que cette écriture que je disais "analytique" serait à même de me plaire vraiment aujourd'hui. 

24 octobre 2011

Les monstres de Templeton

 

Les mots de l'époque : 

Très belle surprise. Un roman pioché au hasard dans les rayonnages d'un grand magasin, avec, pour seul appât, son titre. Une quatrième de couverture alléchante, bien qu'elle m'ait mise sur une fausse piste : une histoire de monstre, je m'attendais à un récit fantastique. A la place, je découvre les aventures fabuleuses - à la fois captivantes pour le lecteur, et tissées de fables, de légendes, de récits pris dans l'ombre du secret et du mystère - d'une famille au destin turbulent. Des histoires qui sonnent vrai, avec juste ce qu'il faut de décalage pour leur donner de la profondeur. Un style simple, qui parvient à mettre en avant le rythme du récit sans absorber les émotions des personnages. Et une construction originale, collage de textes ou images divers, arbre généalogique qui s'enrichit. On sort de cette fresque avec l'envie d'en lire plus."

Les mots d'aujourd'hui : 

Effectivement, une trouvaille au hasard qui s'est transformée en une lecture plus que marquante. Qui plus est, cette lecture prenait tout naturellement place au cours d'une période où je baignais dans l'univers colonial, avec le roman de Marie N'Diaye, mais aussi le dernier Toni Morrison, Un don (pour lequel malheureusement je n'ai pas rédigé de critique sur le moment... Mais je réserverai peut-être dans ce blog un "moment Morrison", car il y aurait beaucoup à dire). 
Si Lauren Groff tombe sur cet article, pitié, qu'elle écrive une suite ou un roman similaire !  

24 octobre 2011

Expiation

 

Retour au présent, avec ce roman terminé en septembre : 

Un roman dans lequel j'ai sauté plus de pages que dans Samedi, mais qui m'a néanmoins marquée davantage, une fois la lecture achevée. J'aime cette manière de dépeindre un personnage, une vie, en un paragraphe ou deux et de nous donner envie de connaître sa destinée. L'entrelacement des points de vue est parfaitement maîtrisé et le résultat est très, très fort. Et j'ai retrouvé la même chose qui m'avait plu dans Samedi, à savoir ce basculement inattendu du banal à l'évènement, l'entrée subite d'une histoire dans l'Histoire. 

Petit topo sur ma rencontre (spirituelle, bien sûr) avec cet auteur.
J'ai tout d'abord lu, petite, son unique - je crois - oeuvre pour la jeunesse, intitulé Le rêveur.  Autant je me souvenais parfaitement de la couverture (un homme en chemise avec une tête de chat), autant l'histoire m'était sortie de la tête et, d'ailleurs, quand j'ai voulu le retrouver dans ma bibliothèque jeunesse, pas moyen de remettre la main dessus : je pense l'avoir donné, c'est-à-dire qu'il ne faisait pas partie des livres que je voulais à tout prix conserver. Il y a quelques semaines, j'ai fait une recherche pour savoir de quoi parlait ce livre, et j'ai pu me rappeler qu'il s'agissait en fait d'un recueil d'histoires dans lesquelles il arrivait au héros des choses farfelues (se retrouver dans le corps d'un chat, par exemple, d'où le titre). Du coup, cela m'a rappelé certaines images, et j'ai eu envie de le relire. 
Au lycée, je crois, je me suis acheté un de ces Folio à 2 euros qui ne font, en fait, que reprendre des nouvelles déjà existantes dans d'autres recueils (mais à l'époque, j'étais jeune et naïve, et je pensais faire une super affaire) : Psychopolis et autres nouvelles.  Trois récits très étranges, glauques, même, mais qu'en tout cas j'ai davantage retenus que Le rêveur. Récits relus il y a deux semaines, et je reste sur mon idée : c'est assez glauque, et ça me plaît moins que ses romans. 
Enfin, j'avais acheté Samedi il y a plusieurs années déjà (quatre ou cinq, je pense), mais, je ne sais pas trop pourquoi, je n'avais jamais dépassé le stade des cinq premières pages. Je l'ai emmené en vacances cet été, et pas moyen de le lâcher : j'ai adoré ce Mrs Dalloway moderne,  récit de 24 heures dans la vie d'un homme, bourré de réflexions, de tranches de vie, avec un récit qui, d'anodin, se fait petit à petit haletant. 
Voilà donc ce qui m'a fait lire Expiation, puis Sur la plage de Chesil, que j'ai beaucoup aimé également, mais qui, étant plus court, m'a un peu laissé sur ma faim. En tout cas, une chose était réussie : on s'attache vraiment aux personnages, comme dans Expiation, à tel point qu'on éprouve une réelle déception à voir que le destin qui leur est réservé n'est pas celui qu'on aurait cru.

Là encore, pas de morceaux choisis (j'ai tendance à sauter de plus en plus cette étape, alors que c'est tellement agréable de les relire des années plus tard...). Mais l'écriture de McEwan s'apprécie sans doute davantage sur un voyage à long cours qur sur quelques phrases glanées ici et là. 

28 octobre 2011

Les contes de Beedle le Barde

 

Je triche un peu, ce n'est pas le dernier livre que j'ai lu (pour information, je suis au milieu du premier tome des Chroniques de San Francisco et je stagne parce que je suis un peu déçue pour le moment, par rapport à ce qu'on m'avait dit...) Mais j'avais omis  de plumer cette lecture, je ne fais donc que réparer un oubli. Et puis, maintenant que le nombre de lecteurs augmente, il faut que ce blog montre une certaine activité. 

Je suis une bonne cliente pour tout ce qui est "histoires dérivées" : quand j'accroche à un univers, je suis ravie de pouvoir y prolonger mon séjour, même si la série à proprement parler est terminée. Je suis d'ailleurs loin d'être la seule dans ce cas, je pense. Toujours est-il que je savais depuis un moment que J.K.Rowling avait sorti de nouvelles publications depuis le tome 7 (peut-être même avant ce tome-là, je ne sais plus), mais je ne les avais jamais vraiment croisées. C'est en passant par le rayon Folio Junior pour y chercher L'Odyssée (rien à voir) que je suis tombée sur ces trois petits volumes : L'histoire du Quidditch à travers les âges, Les animaux fantastiques et, donc, Les contes de Beedle le Barde

Ce dernier volume est composé de cinq contes plutôt courts, à la manière d'un Perrault, d'un Grimm ou d'un Andersen (je révise mes classiques, je suis en pleine séquence sur le conte avec mes 6e...). Après chaque conte, on trouve un commentaire de ce cher et regretté Albus Dumbledore, façon essayiste, qui propose un éclairage supplémentaire sur le conte, une mise en lumière de son aspect symbolique, une histoire de sa réception dans le monde des sorciers à travers les âges... 
Je dois dire que, en bonne ex-étudiante de lettres, habituée à ce genre de commentaires en fin d'ouvrage, ce sont presque les pages que j'ai préférées dans l'ouvrage... Les contes sont sympathiques, sans réelle originalité toutefois ; c'est avec les commentaires finaux qu'ils deviennent vraiment intéressants (comme beaucoup de contes, en fait).
J'ai aussi aimé cette remarque initiale de Dumbledore-Rowling (
oui, je suis accro, mais je sais quand même que ce n'est pas Dumbledore lui-même qui a écrit, hein. De toute façon, il n'aurait pas pu, il est mort. Hein. Faut pas me la faire, à moi.) dans l'introduction de l'ouvrage : ces contes ressemblent à "nos" contes de Moldus (ndlR : un Moldu est un non-sorcier, un être comme vous et moi... je suppose), à la différence près que les héros sont des sorciers. Et donc, la sorcellerie n'est plus seulement réduite au rôle d'adjuvante ou d'opposante (ndlR pour ceux qui ne seraient pas familiers de ce jargon : adjuvant = qui vient en aide au héros / opposant = qui s'oppose au héros, aha, vous ne vous en doutiez pas). Par conséquent, si le héros est un sorcier, mais qu'il a quand même un problème à résoudre, ce qui est le principe de tout conte merveilleux, cela veut donc dire que la sorcellerie ne fait pas tout. Il y a des formes de magie qui sont impuissantes à apporter une solution à celui qui les possède. Pour résoudre son problème, le héros a besoin d'autre chose : une rencontre, du courage, de l'intelligence... Bien sûr, ces qualités sont aussi présentes dans nos contes traditionnels. Mais l'intervention quasi rituelle de la méchante sorcière ou de la gentille fée qui trouve toujours une solution rend les choses assez différentes. L'idée présentée par J.K.Rowling, si elle n'a rien d'exceptionnel en soi, est quand même plutôt intéressante... J'ai ainsi beaucoup aimé "La Fontaine de la bonne fortune" : sans vous dévoiler la fin, je vous dirai juste que la magie n'y fait pas le bonheur... A méditer. 

Un commentaire suivra sur les deux autres ouvrages, que je n'ai fait que feuilleter pour le moment. 

 

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Le royaume de Kensuké

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