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La petite Mu qui plume
23 mai 2016

Les découvertes de la semaine #9

Pour cette nouvelle édition, ce sont des mots que je vais vous faire découvrir, ou redécouvrir. 

GRAINOTHEQUE

grainothèque4

 @La fabrique à idées, blog de la Canopée

Classe grammaticale : nom commun. Genre : féminin. Mot composé, du grec thêkê, "étui, boîte, caisse", puis, par extension, "lieu où l'on range", et du français "graine". 
Donc, dans une grainothèque, on range des graines. Bon, ce n'est pas tout à fait ça. C'est un espace où l'on peut venir déposer des graines (fruits, fleurs, légumes) et se servir librement, dans un esprit d'échange, de partage, de respect (d'autrui, de la nature). Etrangement, ces grainothèques se trouvent, en France, dans des bibliothèques. Etrangement ? Pas forcément, si l'on tient compte du fait que les graines sont un élément de patrimoine. Et que les bibliothèques sont un lieu de partage et de circulation. La toute nouvelle bibliothèque de la Canopée, à Paris, met l'accent très clairement sur ce lien entre nature et culture, en prolongeant la création de sa grainothèque par des animations à destination des enfants (samedi dernier) et des adultes (vendredi prochain). 

 

BIBLIOCYCLISTE

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 http://www.cyclingforlibraries.org/?page_id=8790

 

Classe grammaticale : nom commun. Genre : masculin ou féminin selon le genre de la personne concernée. Mot composé, du grec biblion, "papier", par extension "livre", et du français "cycliste" (lui-même du grec kuklos, "cercle", mais si on part par là, je vais devoir vous parler du Cyclope, on ne va pas s'en sortir). 
Un cycliste en papier ? Vous n'y êtes pas. Un livre à vélo ? Presque ! Bon, en 2016, le concept n'a plus rien de nouveau. En France comme ailleurs, la "vélorution" (encore un mot sympa, une sorte d'anagramme, de contrepèterie, comme vous voudrez) fait son effet, et le vélo permet de transmettre des valeurs (j'en parlais déjà ici). Le mouvement Cyclo-biblio est ainsi une campagne de promotion des bibliothèques. Sur les vélos, il y a des bibliothécaires. Derrière le mouvement, il y a des associations, et une action d'advocacy (et hop, encore un mot : j'apprends dans cet article qu'il s'agit d'"une activité de communication et de marketing visant à influencer les politiques publiques et à faire entendre aux élus la nécessité d'une cause). Cette année, le parcours de Cyclo-Biblio se fera de Toulouse à Bordeaux du 1er au 7 juin

SHELFIE

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 Flickr

 Classe grammaticale : nom commun. Genre : on s'en fiche, c'est de l'anglais. Mot-valise, de selfie, "autoportrait réalisé avec un smartphone", et bookshelf, "étagère à livres". 
J'apprends donc qu'un shelfie consiste à se prendre en photo ou à se filmer devant sa bibliothèque. Plus la bibliothèque est belle, ou originale, meilleur sera le shelfie, évidemment. Cela a été très à la mode en 2014 (décidément, on en découvre tous les jours), et les éditions américaines Harper Collins ont décidé de relancer cette mode à travers un concours : la meilleure vidéo présentant sa bibliothèque, à poster sur la chaîne Youtube de l'éditeur, Book Studio 16. Bon, en tant que Français, on ne peut pas jouer. Dommage, on ne gagnera pas les prix allant de 300 à 500 dollars de livres. En revanche, on peut aller regarder la vidéo de présentation. A voir si l'opération soulèvera les foules : chez ActuaLitté, on n'est pas convaincu

REFUGIE-E

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 UNHCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés)

Classe grammaticale : nom commun. Genre : masculin ou féminin. Déverbal, de "se réfugier". 
Pour près de cent mille personnes interrogées dans le cadre du Festival du mot de la Charité-sur-Loire, c'est le mot de l'année. Ce n'est pas sans importance. La réflexion autour de ce mot est d'actualité : Jacques Toubon vient justement de rappeler que l'usage de ce terme n'est pas neutre (et qu'il est préférable à bien d'autres, comme "immigré", "migrant", et bien sûr "sans-papier", "clandestin". Et j'ai tout récemment feuilleté un nouveau manuel de 4e (L'envol des lettres chez Belin, pour ne pas le nommer) qui revient sur ce débat, à travers un dossier de presse autour de la question des migrants. 

 

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7 juillet 2016

Elisa Géhin : Il était plusieurs fois une forêt

Coup de coeur pour cet album sorti des cartons (il est sorti en 2009), et, en même temps, pour Elisa Géhin, son auteure-illustratrice.

Les illustrations sont très simples, sur fond blanc épuré. Quelques traits, quelques taches de couleur suffisent à figurer un oiseau, un arbre, un chapeau. Le jeu sur la répétition, l'organisation, désordonnée ou non, sur la page, rend l'ensemble très graphique. Je suis allée voir le site d'Elisa Géhin, et l'on retrouve cette simplicité et cette vivacité dans le reste de ses travaux.

Du coup, on a envie de tourner les pages, pour découvrir l'histoire qui se cache. Il était une fois un oiseau, avec une couronne, qui vivait seul dans son arbre. Alors il partit, pour "voir du pays". Jusque là, rien de surprenant : les éléments du conte sont réunis. Mais le disque semble rayé puisqu'à la page 7, ça recommence : "Il était une fois une forêt". Mais alors, il était combien de fois, exactement ? En fait, il était plusieurs fois, comme nous l'avait promis le titre. En effet, pour notre oiseau et sa couronne, la vie semble être un éternel recommencement. A chaque fois, il arrive dans un groupe ; tous sont différents de lui ; tous l'excluent ; il doit repartir. Qu'il porte une couronne, qu'il porte un chapeau, à chaque fois, il n'est pas comme les autres. Il était donc une fois un oiseau qui n'arrivait pas à s'intégrer. Mais, heureusement, un jour, il "tira son chapeau, jeta sa couronne"... et tout le monde l'imita ! Pour finir, voici ce qu'il arriva :

Une formidable réflexion sur la différence, l'exclusion, l'originalité, l'acceptation de soi, véhiculée par une narration originale et des illustrations très efficaces, qui se suffisent parfois à elles-mêmes. Beaucoup de fantaisie, d'humour, en très peu de traits : un cocktail réussi pour un album indispensable.

Auteure : Elisa Géhin
Illustratrice : Elisa Géhin
Editions Thierry Magnier
2009 

30 juin 2016

Petites lectures pour petits lecteurs, épisode 3 : la collection "Boomerang"

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J'ai découvert cette collection en septembre, lors du lancement du prix Pep 42 avec nos classes de sixième. 

Le premier livre que j'en ai lu faisait donc partie de la sélection du prix, et c'était Chat par-ci, Chat par-là, de Stéphane Servant. Il n'a pas gagné le prix, mais, dans ma classe, il a remporté pas mal de succès. Evidemment, la première question qu'on se pose, c'est : "On commence par oùùùùù ?". Eh bien, justement, c'est ça qui est très chouette : on commence par où on veut ! La collection est fondée sur le principe de deux histoires qui se répondent (une même intrigue, avec deux points de vue différents). Le côté qu'on choisira va nécessairement déterminer la façon dont on entre dans l'histoire, le regard qu'on portera sur les personnages, mais c'est ça qui est intéressant. Dans Chat par-ci, Chat par-là, vous choisissez Lorette, une vieille dame qui râle beaucoup, ou Sofiane, un adolescent plutôt joyeux. Les deux sont coincés chez eux avec une jambe dans le plâtre. Voyez vous-mêmes comment ces deux récits débutent : 

"J'attends Lunes.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais j'adore les lundis et les chats. Et l'espagnol aussi. Lunes, ça veut dire lundi.
Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Elle a un accent espagnol qui chante. Et j'aime bien ça."

"J'attends Lundi.
C'est un drôle de nom pour un chat. 
Mais je n'aime ni les lundis ni les chats. C'est pour cela que j'ai choisi de l'appeler Lundi. Le lundi est le jour où l'infirmière vient me faire faire les exercices de gymnastique.
Et je n'aime ni la gymnastique, ni l'infirmière. Elle est jeune, belle et elle rit tout le temps. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Avec son accent de chanteuse de flamenco, elle est insupportable !"

Derrière une histoire qui semble légère se cache un message sur la différence, la solidarité, la tolérance, et une "fin" (si l'on peut parler de fin) pas si attendue que ça. Stéphane Servant, il écrit des choses bien, quand même, j'ai découvert ça depuis quelques temps ; j'en ai déjà parlé ici et j'en reparlerai bientôt. 

Puis j'ai découvert qu'Antoine Dole avait co-écrit un titre de cette collection. Cette fois-ci, ça s'appelle Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin ! Et, comme le suggèrent les titres, il est question de voyage et de langues. Une histoire toute simple, là encore, de deux écoliers, l'un français, l'autre japonaise, qui s'envoient des lettres. Mais une histoire pas si naïve que ça, qui, elle aussi, reflète bien les préjugés qu'on peut avoir sur certaines personnes ou certaines pratiques. 

Tous les autres titres sont dans le catalogue, et certains me paraissent alléchants dès le titre (notamment J'aime pas ma petite soeur/Je veux être la grande !). 

D'autres idées de lecture utilisant l'idée des différents points de vue : 

- un album : l'indémodable Une histoire à quatre voix, d'Anthony Browne

- un roman jeunesse : le non moins indémodable L'enfant océan, de Jean-Claude Mourlevat. (plumé ici chez la petite Mu, mais aussi sur le site Educalire, un peu plus fourni, et plus pédagogique.)

- enfin, deux romans jeunesse qui ne racontent qu'une seule histoire : Le pianiste sans visage et La fille de 3eB, de Christian Grenier (et là, allez voir directement sur le site de l'auteur, avec un long commentaire sur l'écriture des deux romans - attention aux spoilers, cependant).

 

 Néo-défi lecture 2016 : Un livre avec deux auteurs (pour Salut, Hikaru ! Konnichiwa, Martin !)

30 décembre 2013

Anne Perry : Nouveaux contes de Noël

Le livre que j'ai reçu dans le swap de cette année ! (voir cet article pour rappel de la définition d'un swap ; voir également chez Les mains de la petite Mu pour le colis que j'ai moi-même envoyé)

Ce fut une bonne surprise. Je ne connaissais pas les textes d'Anne Perry (encore moins sa vie : j'ai appris sur Wiki qu'elle avait été arrêtée pour meurtre dans sa jeunesse...), seulement son nom, vaguement. J'ai donc découvert son univers, le polar victorien, par le biais des quatre récits brefs contenus dans ce deuxième opus (du coup, le premier me tente bien, maintenant !). 

Ce fut assez magique car chacun des récits se déroulait dans une ambiance différente, mais qui me parlait tout à fait à chaque fois : des îles désolées, de petits villages traversés par de terribles tempêtes, les bas-fonds de la ville de Londres... Avec, comme point commun, une enquête en milieu fermé, dans des microcosmes sociaux qui constituent les théâtres idéaux d'une affaire pleine de mystère, où tout le monde se met à soupçonner son voisin, sachant que le coupable ne peut être que tout près. C'est un choix tout à fait judicieux pour des récits policiers, avec, à chaque fois, un personnage d'enquêteur extérieur à ce microcosme, évidemment plus à même de démêler les histoires du présent et du passé que les habitants bien trop occupés par la méfiance, la honte ou la peur. 

Au final, donc, des histoires agréables à lire, dans un univers qui m'a fait me sentir comme un poisson dans l'eau (Noël, le froid, le Nord...). Le format du conte, par ailleurs, m'a très bien convenu : plus de pages et ç'aurait été trop. Finalement, les meilleurs polars sont peut-être les plus courts (voir ma critique du Cerveau de Kennedy où je me suis ennuyée, ennuyée...) ; à moins qu'une trop grande habitude des séries télévisées, aux épisodes de quarante minutes, m'ait formaté l'esprit ?...

En tout cas, merci encore à ma swappeuse ! 

4 juillet 2016

Stéphane Servant : La langue des bêtes

 

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Je déteste Stéphane Servant. Il m'énerve. Mais vraiment. En fait, je vous expliquer pourquoi il m'énerve : il a écrit un livre que j'aurais voulu écrire. Déjà, France 2, avec la série Trapped, m'avait volé mon idée de thriller en huis clos sur une île scandinave... Bon, je m'égare. Mais, ce roman, La langue des bêtes, il concentre effectivement tout ce que j'aurais eu envie de mettre dans un roman : la forêt, les animaux sauvages, le cirque, les monstres, le choc des cultures. Tous les univers qui me parlent, m'attirent, que je cherche un peu partout dans mes découvertes culturelles.

Avant de vous parler de ce roman, une petite parenthèse sur Stéphane Servant : c'est un auteur que j'ai déjà rencontré deux fois, mais sans faire le lien. La dernière fois, c'était récemment, avec l'album Purée de cochons. Mais je l'avais déjà lu dans Chat par-ci, Chat par-là, un de ces formidables petits romans de la collection Boomerang, aux éditions du Rouergue : des romans qui se lisent à l'endroit, à l'envers, avec des histoires qui se répondent entre elles, dont j'ai parlé la dernière fois. Pour ce qui est de Stéphane Servant, c'est donc un auteur assez surprenant, dont on a l'impression qu'il se glisse dans plusieurs plumes, tant ses textes ne se ressemblent pas. L'album Purée de cochons joue surtout sur l'humour et le jeu avec les classiques des contes pour enfants, pour les plus jeunes. Chat par-ci, Chat par-là amène plutôt à une réflexion sur la tolérance, l'entraide, l'acceptation de l'autre, sous des airs de récit léger, adressé à des lecteurs "cycle 3" (en langage Education Nationale, ça veut dire "CM1-CM2-6e). Quant à La langue des bêtes, c'est un roman bien plus conséquent, également aux éditions du Rouergue, mais pour les plus grands.

On y raconte l'histoire d'une ancienne troupe de forains. Ancienne, car, pour une raison qui ne sera expliquée qu'à la fin, mais qu'on devine peu à peu, le cirque a dû fermer ses portes aux spectateurs. Le chapiteau semble s'être définitivement posé dans un endroit qu'on appelle le "Puits aux anges", en lisière de forêt. Mais la poésie de ce nom est rattrapée par la dure modernité : la forêt et le Puits aux anges sont en passe d'être rasés, pour laisser place à une autoroute.

Voici pour la situation initiale. Et les personnages ? Leurs noms sont une histoire à eux seuls : il y a Belle, la mère ; Petite, la petite ; le Père, le père ; Major Tom, le nain ; Pipo et son lion Franco ; Colodi le marionnettiste. Beaucoup d'adultes, certains éreintés par la vie et les hommes, et une seule enfant, qui fait tout pour ne pas grandir et, surtout, pour ne pas oublier les histoires.

Car le fil conducteur de ce récit envoûtant est là : Petite croit aux histoires que les adultes lui racontent, elle veut, elle aussi, en raconter, et elle est persuadée que, le jour où tout le monde les aura oubliées, alors la Bête viendra se repaître de la solitude et de la souffrance qui régnera au Puits des Anges. Face aux gens du Village, puis de la Ville, qui les appellent ou les excluent, face aux mystères que portent en eux les adules qui l'entourent, face à cette mystérieuse Bête qui rôde dans la forêt et qui fascine autant qu'elle effraie, Petite lutte. Elle veut transmettre les histoires, comprendre pourquoi les bêtes ne parlent plus, renouer des liens qui n'existent plus.

C'est un roman extrêmement riche et profond que Stéphane Servant nous livre. Avec une langue d'une rare poésie, il dit la forêt et ses mystères, la solitude humaine, l'exclusion et l'amour, l'archaïsme et la modernité. On se laisse bercer de chapitre en chapitre, dans une histoire assez tortueuse : je me suis un peu perdue dans le dernier tiers du livre, mais finalement, n'était-ce pas l'intention de l'auteur ? On se perd avec les personnages, on se retrouvera (peut-être ?) avec eux.

Je le disais plus haut, j'ai rarement lu un livre qui rassemble autant de mes thèmes et univers de prédilection. Et j'ai aussi été convaincue par l'écriture. Je parlerai donc vraiment de chef-d'oeuvre pour ce roman découvert plutôt par hasard. Et je me réjouis d'avance de découvrir ses autres romans, dont on dit aussi le plus grand bien sur la Toile. En parlant de Toile, j'ai découvert deux blogs bien sympathiques avec des articles très enthousiastes aussi sur ce roman : c'est chez Keskonlit, et chez Bob et Jean-Michel.  

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21 juillet 2017

Harry Parker : Anatomie d'un soldat

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Oui, alors, bon, ça fait un petit moment que je l'ai fini, ce roman de la rentrée littéraire 2016 (celle de septembre)... Mais il serait temps de changer la photo "Lecture en cours", quand même !

Rapidement, donc, car mes souvenirs sont un peu lointains, j'ai plutôt aimé ce roman original sur la guerre, dans lequel les narrateurs sont des objets. Objets militaires (chaussure de combat, gilet pare-balles...), objets du quotidien (miroir, basket, verre de bière...), objets utiles aux attaques des talibans (sac d'engrais, pile électrique...), mais aussi matériel médical : garrot, prothèse... Car le personnage principal - mais pas narrateur, donc - est un jeune capitaine britannique qui, pendant une patrouille nocturne en Afghanistan, marche sur une mine et perd ses deux jambes.

La narration par les objets, chacun à leur tour dans des chapitres de quelques pages au maximum, a des avantages et des inconvénients. Les avantages résident dans la mise à distance : non seulement ce n'est pas le principal concerné qui raconte, mais ce ne sont pas non plus des humains ayant partie prenante dans sa vie. Les émotions inévitablement associées à une telle histoire sont donc habilement et originalement traduites par les micro-histoires de ces objets qui, d'une manière ou d'une autre, ont jalonné l'existence du capitaine Tom Barnes. Le tout se fait avec beaucoup d'authenticité : l'histoire est peu ou prou autobiographique, Harry Parker a lui aussi été soldat et amputé des deux jambes. L'inconvénient que j'ai trouvé à ce choix est le morcellement narratif qui en découle. Dans la première partie surtout, où on passe en un chapitre d'une histoire concernant les Anglais à une histoire concernant leurs ennemis, j'ai parfois eu du mal à suivre. Une fois le capitaine rapatrié, tout se concentre autour de sa thérapie, cela devient plus simple.

Un beau roman, donc, qui réussit à ne pas donner l'impression d'une énième lecture sur la guerre, les talibans, les chocs post-traumatiques, alors que ces thèmes ont pourtant été maintes fois abordés dans la littérature de ces dernières décennies. 

10 septembre 2017

Stephanie Meyer : L'appel du sang - La seconde vie de Bree Tanner

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Depuis le début de l'été, j'ai entamé une série de lecture sur les enfants (ou adolescents) monstres. Plus précisément, les jeunes héros qui ne se contentent pas de fréquenter, voire d'être amis avec des monstres, mais qui en sont eux-mêmes. Ce roman de Stephanie Meyer m'a semblé intéressant dans cette optique. 

C'est ce qu'on pourrait appeler un spin-off, comme on le dit pour les séries TV dérivées d'une autre série TV : Private Practice, par exemple, qui emprunte à Grey's Anatomy le personnage d'Addison, et construit tout un nouvel univers autour de ce personnage. Ici, c'est le personnage de Bree Tanner, cette jeune vampire de la bande de Victoria, qui se retrouve personnage principal de L'appel du sang. Appel à mes lecteurs éclairés : existe-t-il un terme spécifique pour désigner ce genre de livres ? Je ne suis pas certaine que celui de "spin-off" s'applique vraiment. Histoire dérivée peut-être ? Récemment, une autre auteure de romans à succès a utilisé le même procédé : Divergente raconté par Quatre, de Veronica Roth. Une manière d'éclairer certains aspects de l'histoire principale, et puis, certainement, de prolonger le succès même quand une histoire semble définitivement achevée... 

En préface, Stephanie Meyer explique ainsi son choix : 

"J'ai songé à Bree alors que je corrigeais Hésitation. Corrigeais, pas rédigeais. Lors de l'écriture d'Hésitation, je portais les oeillères de la narration à la première personne ; ce que Bella ne pouvait voir, entendre, sentir, goûter ou toucher n'avait pas lieu d'être. [...] L'étape suivante dans le processus de relecture a été de m'éloigner de Bella et de vérifier la façon dont coulait le récit. [...] Comme Bree est la seule nouveau-née que Bella voit, c'est vers son point de vue à elle que je me suis tournée lorsqu'il s'est agi de réfléchir à ce qui se tramait derrière les différentes scènes du roman."

Donc, à l'origine, une volonté d'enrichir le récit principal vu par Bella, en retournant la caméra pour élargir les réflexions. Un exercice d'ailleurs très stimulant avec des élèves (à partir de la quatrième surtout), qui permet en effet d'éclairer les décisions de certains personnages, ou de les examiner différemment. Je fais souvent réécrire des passages de la nouvelle Coco, de Maupassant, du point de vue de personnages qui n'ont pas eu accès à toutes les étapes de la mort du cheval, notamment. 

Stephanie Meyer ajoute, un peu plus loin : "Je me demande comment vous réagirez en face de Bree. Elle est un personnage si fugitif, apparemment si insignifiant d'Hésitation." Je ne suis pas tout à fait d'accord, mais peut-être parce que je n'ai pas lu les romans, seulement vu les films. Or, dans ces derniers, on s'attarde quand même à plusieurs reprises sur ce personnage, à qui on s'attache, car l'actrice le joue en accentuant une certaine innocence, ou fragilité. On comprend aisément pourquoi cette nouveau-née* a été protégée par la famille Cullen. Peut-être que dans les romans, le personnage est moins mis en valeur. 

(*Vous aussi, ça vous choque, "nouveau-née" ? Et pas "nouvelle-née" ? Bah oui, mais c'est bien l'orthographe que donne le Petit Robert.)

Bree Tanner

L'auteure écrit aussi : 

"En me concentrant sur Bree, j'ai pour la première fois enfilé les chaussures d'une narratrice qui était un "vrai" vampire, un traqueur, un monstre. C'est à travers ses prunelles rouges que je nous ai observés, nous les humains ; soudain, je nous ai vus minables et faibles, proies faciles sans autre intérêt que de représenter de délicieux repas."

Voilà exactement ce que je recherchais, comme personnage et comme univers. Sauf que, c'est là où le bât blesse, j'ai été déçue par le roman. Je n'ai pas trouvé Bree si "monstrueuse" : de toute façon, dès le début, elle est à part dans la bande de nouveaux-nés créés par la volonté de Victoria. Mais alors, l'auteure aurait pu insister, justement, sur cette destinée tragique d'une adolescente tout ce qu'il y a de plus ordinaire, changée en vampire et condamnée malgré elle à subir une soif de sang, comparable à l'emprise d'une drogue. Mais même cette addiction n'est pas travaillée autant que je l'aurais pensé dans un roman pourtant nommé L'Appel du sang. Très vite, l'histoire tourne autour du binôme que Bree va constituer avec un autre nouveau-né un peu différent, Diego, et l'enquête qu'ils vont mener pour comprendre pourquoi leur chef de bande leur demande de faire ce qu'ils font. Intéressant, certes, car on voit sous un autre angle les questionnements que se posaient Bella, Edward et les Cullen. Mais le vampirisme de Bree se trouve presque mis au second plan. 

Peut-être suis-je partie sur une fausse idée : je pensais que ce roman reviendrait sur la transformation de Bree en vampire et ses débuts de nouveau-née, avec tous les changements psychologiques et physiques que cela peut impliquer. 

Pour conclure, ce roman permet certes de prolonger le plaisir de la sage Twilight, mais il reste en surface de réflexions qui auraient pu être très intéressantes. Une sorte d'Entretien avec un vampire, version édulcorée pour adolescents. 

Neo-défi lecture 2016-continué-en-2017 : un livre dont le personnage principal meurt à la fin

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3 octobre 2016

Orchestre National de Lyon : Star Wars en concert

Les dernières soirées de l'Auditorium de Lyon avaient un avant-goût de festival Lumière, ce fameux rendez-vous lyonnais du cinéma, qui s'ouvrira dans quelques jours. En effet, l'Orchestre National de Lyon a choisi d'y interpréter les musiques de John Williams, et de faire revivre la symphonie de la Force et de son côté obscur. C'est la deuxième fois, en fait, que l'orchestre joue ces morceaux en ce lieu, mais l'autre fois, c'était sur le parvis, pour la fête de la musique 2015 : cette fois-ci, la saga entre dans l'amphithéâtre, et c'est l'occasion pour la conceptrice de lumières canadienne D.M.Wood d'illuminer la salle à grands coups de projecteurs. La plaquette du spectacle annonce d'ailleurs : "Star Wars en concert. Musique et lasers". 

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Les trois dates ont été rapidement complètes, les réservations étaient difficiles voire impossibles si on se connectait au site une demi-seconde trop tard ; des places ont été vendues chaque soir une heure avant le début du spectacle et "tout le monde a pu finalement entrer", a déclaré le vendeur de la billetterie. Même plus que tout le monde, car, finalement, samedi soir, il y avait des sièges vides dans la salle, alors qu'ont été vendues des places "à visibilité réduite", mises à disposition au tout dernier moment. Bon, ces petits couacs mis à part, il faut reconnaître que l'éventail des tarifs de la salle est tout à fait raisonnable et permet à tout le monde de s'y retrouver, les places les moins chères étant à 8€. Pour apprécier la beauté du lieu (la salle est vraiment classe, traditionnelle et moderne en même temps) et la qualité d'un orchestre symphonique, rien à redire !

Une fois un siège obtenu, les musiciens entament la musique de la Twentieth Century Fox, dont j'apprends qu'elle a été composée par un certain Alfred Newman, puis le spectacle enchaîne les morceaux que tous les fans connaissent. Une seule originalité : en avant-dernière position, l'orchestre joue deux extraits de la "Suite du jeu vidéo Star Wars : Shadows of the Empire", qui date de 1996. Son compositeur, Joel McNeely, s'est évidemment inspiré de John Williams, qui a suggéré son nom pour cette bande-son, mais il apporte une touche personnelle, agréable à entendre dans ce concert. 

On ne peut pas être déçus quand on aime les films et la musique (souvent, les deux vont de pair). C'est assez magique de pouvoir regarder les musiciens et de guetter chaque instrumentiste, en se disant "ah, tiens, c'est lui qui joue ça!" On (re)découvre ainsi la harpe, bien présente dans les morceaux, mais aussi le xylophone, les percussions... On passe donc un très bon moment musical, et le finale, dans lequel le chef d'orchestre Ernst van Tiel se bat au sabre laser contre deux autres musiciens déguisés pour l'occasion, a bien sûr ravi tous les fans, petits et grands. 

Seule déception véritable : les lumières. En fait de lasers, on a droit à quelques projecteurs qui balaient la salle, éblouissant au passage les spectateurs les plus hauts placés... J'aurais aimé des effets de duel, des couleurs qui respectent la trame narrative de la saga, avec le combat du rouge contre le vert... J'ai trouvé ça franchement limité, et je m'étonne qu'on en ait fait tout un pataquès. 

En tout cas, ce spectacle m'a donné envie de fréquenter plus souvent l'Auditorium (ah, l'époque bénie où j'habitais à côté...) car sa programmation est plus que riche, voyez vous-mêmes : 

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Là, comme ça, j'aimerais beaucoup être présente pour l'un des cinés-concerts, mettons The Artist que je n'ai pas encore vu, j'adorerais revoir Bobby McFerrin, déjà vu à Vienne, que j'idolâtre depuis qu'un professeur de musique me l'a fait découvrir au collège, pourquoi pas aussi Joshua Redman qui est, justement, mon dernier concert à l'Auditorium (mais ça remonte à 2009...), découvrir le fameux Carnaval des animaux des Amazing Keystone Jazz Big Band, dont je connais personnellement le saxophoniste (eh oui, messieurs dames, c'est ça d'avoir grandi dans une capitale du jazz !) et qui remporte un grand succès depuis sa création il y a plusieurs années déjà... Oh, et puis aussi cet inclassable, La couleur des sons, où le pianiste Mikhaïl Rudy se propose de "faire revivre" le spectacle artistique mêlant aquarelles de Kandinsky et musique de Moussorgski, avant de nous projeter son film d'animation, Chagall, la couleur des sons

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Je sens déjà que je ne pourrai pas assister à tout ça. Dites, si vous y allez, vous voudrez bien profiter pour moi ? Et venir ici me raconter, bien sûr ! 

28 octobre 2017

Lecture cursive #3 : Science-fiction et contre-utopies en dix romans

Science-fiction et contre-utopies en dix romans

Attaquons-nous à présent à une autre thématique archi-classique : la science-fiction, et, pour élargir, l'anticipation et les contre-utopies. J'ai mêlé ces trois sous-genres que je trouve proches, car ils ont à mes yeux comme point commun de faire réfléchir les jeunes lecteurs (et les moins jeunes) à notre société actuelle, en campant leur action dans des sociétés futuristes ou intemporelles. 

Je progresse dans mes listes, car ici il n'y a que deux titres que je n'ai pas lus ! A savoir, Felicidad de Jean Molla, mais dont on entend souvent parler quand on parle de science-fiction adolescente, et Des ados parfaits d'Yves Grevet (un auteur que j'ai aimé dans la trilogie Méto, notamment). Précisons que ce dernier, d'une centaine de pages, est publié dans la collection "Mini-Syros" : je pense donc qu'il s'agit d'une lecture bien plus facile que les autres - mais il en faut toujours dans une liste. 

Pour plus de simplicité, voici comment peuvent se classer ces dix romans : 

Science-fiction / anticipation (pouvant donc correspondre au thème complémentaire "Progrès et rêves scientifiques" de la classe de troisième) : 

Jenna Fox, pour toujours, sur le thème des greffes d'organes ;
Uglies, sur la chirurgie esthétique ;
Terrienne, dans lequel apparaît un monde parallèle où tout est assisté scientifiquement ; 
Des ados parfaits, sur le clonage ;
Théa, pour l'éternité, sur l'immortalité ;
Felicidad, sur les créations génétiques ;
Les fourmis, sur l'invention d'une communication entre humains et insectes ;
No pasaran, le jeu, où un jeu vidéo se change en réalité virtuelle (on est proche du fantastique dans ce roman). 

Dystopies (pouvant être proposées, en troisième toujours, en ouverture du thème "Dénoncer les travers de la société" et "Progrès et rêves scientifiques") : 

Le combat d'hiver, se déroulant dans une époque indéterminée ;
Le passeur, se déroulant dans le futur, mais sans mention explicite d'une invention ou d'un progrès scientifique.

Cette lecture cursive se prête très bien, parfaitement, aux fameuses bandes-annonces de livre, dont je vous parlais il y a quelques années (sans avoir encore pu les tester, hélas). De par les thèmes profonds, "résistants" comme diraient nos formateurs, elles peuvent aussi servir de support à des sujets de réflexion. L'extrait du Passeur présentant la cérémonie d'attribution des métiers peut faire réfléchir les élèves à l'importance du choix et de la liberté pour sa vie d'adulte ; Uglies peut permettre de poser la question aux élèves : "Et vous, choisiriez-vous de subir cette opération chirurgicale ?" ; un passage choisi dans No pasaran pour illustrer le personnage fasciste qu'Andreas devient dans le jeu peut les faire écrire sur la question de l'amitié et des apparences

Bref, beaucoup de pistes, et des lectures passionnantes, même quand on n'est plus en troisième ! Bon travail, et surtout bonnes lectures !  

Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

14 juin 2017

Cécile Roumiguière et Fanny Ducassé : Dans le ventre de la terre

Dans le ventre de la Terre

Revoici la petite Mu avec un album de circonstance (une circonstance que je vous laisserai deviner tout seuls... bon, ce n'est pas bien compliqué !), découvert par hasard chez des amis. 

Moquez-vous si vous voulez, mais j'ai mis quelques pages avant de comprendre qu'il s'agissait d'un album sur la grossesse. Et quand ça a fait tilt, j'ai trouvé ça tellement beau et bien dit que j'en ai eu les larmes aux yeux (ah, non, ça, ce sont les hormones...). Tout en couleurs, tout en rondeurs, on suit l'histoire d'une vie qui naît et qui grandit dans le ventre de la mère. 

Un "chef-d'oeuvre d'orfèvrerie", écrivait-on dans Actualitté au mois d'octobre : l'expression est très juste. Les deux collaboratrices de cet album se sont bien trouvées : le dessin minutieux de Fanny Ducassé, tout en détails et arabesques,  porte à merveille les mots pleins de poésie de Cécile Roumiguière. 

L'idée est de faire imaginer et faire comprendre à un futur grand frère ou une future grande soeur ce qui est en train de se passer dans le ventre de sa mère, pourquoi il s'arrondit, pourquoi, au bout de neuf mois, le bébé veut sortir (la "grotte" est devenue trop petite)... Avec la bonne idée d'associer cela au cycle de la nature, aux transformations de la terre, pour en faire quelque chose de profondément "naturel". Le site Ricochet le conseille toutefois "à partir de 7 ans". Pour ma part, je l'ai lu avec une petite fille de quatre ans, qui m'a semblé aussi absorbée que par les autres histoires que nous avons feuilleté. Après, qu'en a-t-elle retenu, je ne saurais pas dire. Ce que je sais, c'est que moi, j'ai beaucoup, beaucoup aimé ! 

Un livre à mettre donc dans les mains des enfants, mais aussi des papas et des mamans ! 

 

24 juillet 2017

Ghyslaine Avril : Une journée en musique

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Les livres musicaux, tous les parents connaissent ça très bien. La petite Mu, elle, est en pleine découverte... Heureusement, ses éditeurs partenaires sont là pour l'aider à faire ses choix !

Pour les novices comme moi, un livre musical, c'est quoi ? C'est un album souvent richement illustré, doté d'une puce par page sur laquelle l'enfant (ou le parent) appuie pour libérer un court morceau de musique, ou parfois quelques notes d'un instrument. Le but est de stimuler les sens de l'enfant, la vue et l'ouïe, et de le faire participer puisqu'il peut déclencher lui-même la musique d'un simple geste. Souvent, c'est aussi l'occasion d'enrichir sa culture musicale. Beaucoup de livres musicaux optent pour des airs du patrimoine musical classique : ces airs universels sont souvent très appréciés par les tout-petits. Et, pour les parents, c'est plus agréable que certaines ritournelles créées de toutes pièces pour un jouet ou un mobile... 

Depuis le temps qu'ils fabriquent ce genre d'ouvrage, les éditeurs ont pensé à tout : albums très solides avec des pages épaisses, système "start and stop" sur la quatrième de couverture (petit bouton qui permet de rendre les puces inefficaces si on veut préserver les piles, ou la tranquillité de la maison...). 

Une journée en musique, de chez Hatier Jeunesse, répond à tous ces critères, avec un objectif particulier : accompagner chaque moment de la journée de l'enfant (le lever, le bain, les jeux...) par un morceau de musique différent. Les illustrations représentent des scènes avec des animaux. Quant aux morceaux, ils ont été choisis parmi de célèbres compositions classiques. Dans l'ordre, on trouve : 

Le Carnaval des animaux, final - Camille Saint-Saëns

Suite n°2, Badinerie - Jean-Sébastien Bach

Casse-Noisette, la danse des fleurs - Piotr Ilitch Tchaïkovski

Symphonie n°3, poco allegretto - Johannes Brahms

Gymnopédie 1 - Erik Satie

 

Pour une fois, j'ai pu tester cet album sur un enfant, un vrai ! Mon neveu de deux ans, en l'occurrence. Cela m'a permis quelques observations : 

1°) Les livres musicaux, ça marche très, très bien avec les enfants. Tellement bien que mon beauf m'a confié que les piles duraient rarement plus d'une semaine, voire quelques jours... Un "inconvénient" à anticiper, surtout si les piles ne sont pas faciles à se procurer. 

2°) Un enfant, quand ça commence quelque chose, ça ne s'arrête plus. Mon neveu, une fois les six pages tournées, qu'est-ce qu'il fait ? Ben, il recommence ! Autant dire que le concept des moments de la journée n'a pas été vraiment appliqué dans ce cas-là... Il faut donc l'intervention d'un adulte qui ferait écouter chaque page au bon moment, mais à mon avis l'enfant ne le laissera pas ranger le livre une fois la page écoutée... 

Du coup, autant je valide complètement le choix des musiques et des dessins, qui ont eu l'air de beaucoup plaire à mon neveu, autant je reste dubitative sur l'idée du livre pour la journée... 

Résultat de recherche d'images pour "une journée en musique hatier jeunesse"

En octobre paraîtra un deuxième ouvrage de la même auteure : cette fois-ci, elle fera découvrir aux enfants Un monde en musique, avec des sonorités inspirées de musiques du monde (flamenco, jazz, batucada...). Certainement tout aussi efficace : à écouter ! 

Etiquette Hatier jeunesseSuite de mon partenariat avec les éditions Hatier jeunesse.

8 août 2017

Laurent Gaudé : Eldorado

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Comme je le disais dans mon article sur L'exil et les migrations, j'ai longtemps rechigné à lire Laurent Gaudé. Trop célèbre, trop récurrent dans les derniers manuels scolaires ou sujets d'examen (au bac, au brevet...). Un peu trop pour être honnête, quoi. Et puis, bon, j'ai récemment décidé de mettre de côté cette méfiance que j'ai envers les auteurs à la mode pour me faire ma propre idée. Mon premier Gaudé est donc Eldorado. Et je reconnais que ce fut une plutôt belle rencontre. 

Je m'attendais à être rebutée par un style faussement littéraire, et finalement pauvre. Cela s'explique par le fait que le texte de Gaudé que je connaissais le mieux jusqu'à présent était l'extrait du Soleil des Scorta donné aux collégiens pour le brevet 2013. J'avais trouvé ce texte non pas détestable (il ne faut pas exagérer) mais quand même nettement en dessous de beaucoup d'autres auteurs (même contemporains) qu'on pouvait proposer à des élèves de 3e. Un peu facile, quoi. Evidemment, quand on ne lit qu'un extrait, et qu'en plus, on "l'utilise" pour en faire une explication littéraire, il est facile d'en pointer la pauvreté ou la facilité. Mais dans le contexte d'un roman, les choses sont différentes. Le style de Gaudé ne se prête peut-être pas aux explications de texte, mais il convient parfaitement aux récits qu'il porte dans ses romans. 

Ainsi, je suis entrée dans Eldorado avec plus de plaisir que je ne le pensais. Des chapitres assez courts, des moments qui accrochent l'attention, des personnages qui intriguent. J'ai très vite voulu savoir ce que le commandant Piracci, l'un des personnages principaux du roman, allait faire avec cette ancienne migrante qui lui réclame son pistolet pour se venger d'un passeur véreux. Puis sont apparus deux autres personnages, Soleiman et Jamal, deux frères qui tentent la fameuse traversée du Soudan à Lampedusa, et j'ai eu envie, également, de suivre leurs aventures. 

Du réalisme, peu de clichés, juste ce qu'il faut d'émotion pour donner de l'étoffe à l'histoire (aux histoires, plutôt) : bien sûr, des histoires de migrants, on en a lu, ou du moins entendu beaucoup, mais celle-ci est un beau moment littéraire. Avec cette originalité de destins qui se croisent, au sens propre : les deux frères veulent gagner l'Italie, le capitaine veut la quitter, pour trouver une nouvelle vie, et se trouver lui-même. Cela nous amène à une véritable réflexion sur nos actes, nos choix, et la manière dont ils nous emmènent parfois dans des routes totalement inconnues. 

La fin est marquante, sans pour autant annihiler les émotions partagées tout au long du roman. 

Je ne regrette donc pas cette découverte, qui m'a donné envie de faire plus amplement connaissance avec cet auteur que j'évitais. A suivre ! 

23 septembre 2014

John Irving : A moi seul bien des personnages

C'est ma première rencontre avec Irving, et ce fut un échec. Je n'ai pas accroché du tout avec l'écriture, et je me suis traînée le roman comme un boulet (je déteste ne pas finir un livre). Je me suis même demandé, plusieurs fois, si ce n'était pas un bête problème de traduction. Seule la fréquentation d'autres romans de cet écrivain pourtant fameux me le dira. Je ne compte pas renoncer définitivement. 

J'ai trouvé le contenu très ambitieux : non pas tellement à cause des thèmes abordés (la différence sexuelle et son acceptation dans les différents milieux sociaux à différentes époques, les conflits familiaux...), mais surtout sur le fait que tous ces thèmes soient concentrés sur un seul et même personnage. Alors, oui, ça explique le titre. (Ce dont je viens tout juste de me rendre compte - shame on me.) Mais ça a constitué pour moi un handicap à la fluidité du récit, et un réel blocage. Il arrive trop de choses au héros, et à d'autres personnages aussi d'ailleurs, pour que je réussisse vraiment à m'y attacher. Je me suis toujours sentie hors du récit. 

Bref, un échec, mais j'ai eu ce que je voulais : je sais ce que veut dire le mot "intercrural" :-)

14 octobre 2017

Antoine Dole : Naissance des coeurs de pierre

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Et revoici dans mes rayonnages l'un de mes auteurs favoris en littérature jeunesse : Antoine Dole, dont j'ai déjà beaucoup parlé sur le blog (voir la table des matières). 

Chaque sortie d'un de ses romans est en soi, pour moi, un événement ; celle-ci l'est encore plus car ce roman a reçu une mention spéciale lors du prix Vendredi. Un rapide mot sur ce tout nouveau prix littéraire, proposé par le Syndicat National de l'édition : un jury composé de journalistes et de deux écrivaines de renom, Marie Desplechin et Sophie Van Der Linden, une chouette sélection avec du Jean-François Chabas, Stéphane Servant, Anne-Laure Bondoux, ainsi qu'un premier roman, Colorado Train de Thibault Vermot, découvert par les éditions Sarbacane, et qui a d'ailleurs eu l'autre mention spéciale du jury. Le grand vainqueur a été le roman d'Anne-Laure Bondoux, L'aube sera grandiose. L'histoire d'une mère et d'une fille qui passent la nuit dans une cabane en solitaire. Décidément, la famille est à l'honneur en cette rentrée littéraire, comme en atteste la dernière Grande Librairie, qui accueillait les auteurs suivants pour leurs livres aux titres explicites : Christophe Honoré, Ton père, Saphia Azzedine, Sa mère (tout un programme !), Alexandre Jardin, Ma mère avait raison, ainsi que la fille de Desproges qui publie Desproges par Desproges aux éditions du Courroux. Une bien chouette émission, avec en plus Vincent Delerm au piano : à voir ou revoir sans attendre !

Si j'ai l'air d'avoir digressé quelque peu, n'en croyez rien : je parlais de famille, elle est au coeur de ce roman plutôt atypique dans la bibliographie d'Antoine Dole. Je le savais déjà touche-à-tout : capable des romans les plus violents, comme Laisse brûler ou K-cendres, comme de courts récits humoristiques à destination des plus jeunes, chez Actes Sud Junior ou aux éditions du Rouergue. Ici, c'est encore un nouveau genre qu'il explore, celui de la dystopie. Un genre prédominant dans la littérature jeunesse actuelle, comme le regrette un peu Sophie Van Der Linden, mais attention : Antoine Dole n'est jamais exactement là où on le pense être. Naissance des coeurs de pierre entremêle deux récits : l'un se déroulant dans un "Nouveau Monde" effrayant, où les enfants, à douze ans, doivent subir un traitement destiné à effacer les émotions, et l'autre dans notre monde bien connu (qui serait donc l'Ancien ?...), où une adolescente au trop plein d'émotions se prend d'amour pour un surveillant de son lycée. Et, finalement, plus qu'une simple contre-utopie, c'est un roman à clés, doublé d'un roman à chute, qui se révèle plus riche et plus profond qu'il n'y paraissait au premier abord. 

Je dois reconnaître en effet que j'ai été un peu circonspecte au début de ma lecture. Ce Nouveau Monde dans lequel vit Jeb, le premier personnage principal, me faisait diablement penser à l'univers des romans de Lois Lowry, dont je reparle très bientôt chez la petite Mu, car j'ai lu récemment Le Fils, dernier tome de la tétralogie entamée avec Le passeur. Des pilules qui effacent les émotions : du déjà vu. Et la manière d'écrire et de décrire cet univers et la façon dont Jeb cherche à s'en extraire ne me semblait guère originale. De même, l'histoire d'Aude, cette lycéenne hypersensible, me paraissait presque fade au regard de ces pages très dures mais très belles que j'avais déjà lues dans les romans les plus crus d'Antoine Dole sur l'adolescence, la jeunesse, les sentiments, les relations. 

Et puis le ton s'est infléchi peu à peu et j'ai retrouvé, justement, cette plume juste et forte que j'aime tant. Des romans qui mettent à l'honneur les émotions et leur pouvoir, de cette façon-là, il n'y en a finalement pas tant que ça. La réflexion est certes la même que chez Lois Lowry - un monde dénué d'émotions est-il vraiment souhaitable ? - mais ici l'écriture est plus ciselée, et on entre vraiment dans l'intériorité des personnages. Enfin, la chute (qui commence dès les premiers chapitres) m'a réellement surprise, et a apporté beaucoup d'authenticité et de vraisemblance aux deux histoires. 

De plus, comme cela m'arrive parfois, et me réjouit à chaque occurrence, cette lecture est entrée en parfaite résonance avec d'autres toutes récentes, ou avec des découvertes culturelles au sens plus large. J'ai parlé de ces romans de famille découverts chez la Grande Librairie (mais pas encore lus ; celui d'Honoré me tente beaucoup, ainsi que celui d'Isabelle Monnin, Mistral perdu ou les événements).  J'ai parlé aussi de Lois Lowry, car impossible de ne pas faire le rapprochement entre ces deux dystopies. Mais il se trouve que je viens aussi de finir la lecture des Etats d'âme de Christophe André, ce psychothérapeute adepte de la méditation en pleine conscience, entre autres. Une lecture non fictionnelle qui éclaire pleinement la réflexion sur les émotions menée par Antoine Dole à travers ces personnages d'adolescents qui refusent d'être anesthésiés. 

Une vie sans émotions, souhaitable ? Certainement pas, si elle nous prive du plaisir de dévorer de belles lectures comme celles-ci ! 

5 octobre 2019

"Regarde...", une collection de chez Nathan

De manière générale, Nathan, j'aime beaucoup. Il y a vraiment quelque chose de spécial avec cet éditeur, même leurs manuels scolaires sortent des terrains battus (je pense à la collection Terre des lettres, rédigée avec une certaine audace par Véronique Marchais et Catherine Hars, et acceptée par Nathan malgré des partis pris qui s'éloignent parfois des modes pédagogiques et directives officielles).
 
Les albums "Regarde..." sont, je trouve, très représentatifs des objectifs de l'éditeur.
 
Un visuel travaillé
 
Ils reprennent plusieurs codes des collections jeunesse de Nathan, notamment la fameuse écriture cursive grasse et noire, belle, lisible et régulière, qu'on retrouve partout, dans les Kididoc, les livres de comptines, et aussi les T'choupi.

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Les couleurs sont franches, choisies dans une palette volontairement limitée pour travailler les contrastes et toucher ainsi les tout-petits. Quatre tons maximum par livre : une couleur principale pour les décors, une autre pour les personnages, du noir pour plus de contraste, et de l'argenté pour plus de richesse.

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En vedettes des illustrations, beaucoup d'animaux, valeur sûre pour les tout-petits. Les animaux de la neige, de la forêt, de la nuit, du ciel, et des animaux aussi pour représenter les humains : un panda pour maman, les animaux de la savane pour papa. (D'ailleurs, maintenant, pour ma poupette, n'importe quel panda de n'importe quel livre, c'est toujours maman :-D)
 
Pour ce qui est des décors, certains sont plus riches que d'autres. Mon préféré est Regarde c'est maman... mais je vous jure, pas seulement parce que c'est maman :-). J'adore surtout l'inspiration asiatique (d'où les pandas), avec beaucoup de petits détails, les feuilles, les papillons, toutes les fleurs des arbres, parfois blanches, parfois roses, parfois argentées. Je n'ai pas l'album, mais Regarde dans la mer a l'air lui aussi foisonnant.
 
Les images sont toutes signées Emiri Hayashi, qui a aussi illustré les Bébé Loups chez Nathan, et d'autres titres chez beaucoup d'éditeurs jeunesse.
 
 
Un texte propice à l'éveil à tout âge
 
Deux lignes par page, c'est juste ce qu'il faut pour le retenir facilement. Comme tout livre d'éveil qui se respecte, il y a des répétitions, des jeux sur les sons, un vocabulaire simple.
 
Parfois, il y a une histoire avec des étapes, comme la journée de petit panda avec sa maman. Parfois, une simple énumération des choses à observer. Certains albums seront aussi utiles, dans un second temps pour apprendre à compter : c'est le cas de Regarde dans la neige ou de Regarde dans la nuit.

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Ainsi, comme souvent, ces albums intéresseront d'abord les tout-petits pour leurs images, et sauront ensuite leur plaire par ce qu'ils découvriront dans le texte.
 
A regarder, à écouter et à toucher
 
Ces albums sont grands : peut-être un peu difficiles à manier pour les plus petits, mais cette grande taille permet aux couleurs de s'étaler dans toute leur clarté. Comme je l'ai dit, des jeux de lumière s'ajoutent aux couleurs, avec toujours quelque chose qui brille sur les pages. Et, discrètement, certains personnages ou éléments du décor sont doux au toucher, avec un petit velours légèrement en relief. Des albums qui se lisent donc autant avec les yeux qu'avec les doigts.
Une collection en plein essor
 
Les premiers albums sont sortis en 2016. Chaque année, d'autres sont apparus. (Petit détail amusant, pour une fois, Maman est sorti après Papa.) Les plus récents sont le ciel et la forêt. Un dernier né est à paraître le 3 octobre : Regarde autour du monde. La dimension sonore a aussi été explorée avec un Ecoute dans la nuit, du même illustrateur, décrit ainsi par l'éditeur : "Un livre sonore avec des sons doux, des rimes, une berceuse finale pour apaiser bébé au moment du coucher".
 
Ici ce sont des livres très appréciés, en particulier Maman et Papa, lus et relus avec toujours le même plaisir.
 
De très bons livres d'éveil à ajouter à la bibliothèque !
10 avril 2020

Des projets, épisode 2 : un haïkécédaire du confinement

Haïku panda

@Ekwo, du blog Les histoires d'Ekwo

J'ai découvert assez récemment que j'aimais les haïkus. Lus de loin, je les trouvais pauvres, éloignés de notre culture, souvent obscurs et inaccessibles. Relus de plus près, je les ai découverts lumineux, riches et pleins de sincérité. Un haïku ne ment pas, et il se moque du temps qui passe. Cette capacité à saisir l'instant en peu de caractères, les Japonais l'ont inventée bien avant Twitter. 

Je sais depuis longtemps que j'aime les abécédaires. J'aime l'idée d'embrasser un ensemble, un tout, grâce à notre outil de communication, les vingt-six lettres de notre alphabet. J'aime le travail intellectuel que cela implique de placer vingt-six mots différents derrière ces lettres, sans quitter le thème choisi. 

Alors pourquoi pas un haïkécédaire

J'en ai commencé un autour des personnages de la mythologie. Choc des cultures : la toute-puissance des dieux gréco-romains se heurtant au caractère implacable de l'instantané asiatique. A feuilleter ici : Le haïkécédaire de la mythologie

Des haïkus confinés : pourquoi ? 

Un article de L'obs en parle très bien : les haïkus se glissent parfaitement bien dans la peau du témoignage de la vie qui passe. Et d'autant plus si elle passe au milieu d'obstacles. Je découvre l'existence d'une étude intitulée Haïkus et changement climatique. Le regard des poètes japonais, qui montre que "le poète japonais, auteur de haïkus, peut aujourd'hui devenir un véritable lanceur d'alertes". 

Sur Facebook, depuis 2011, existe un groupe appelé "Un haïku par jour". Les écrivains en herbe ne se sont pas arrêtés d'écrire avec l'irruption du Covid et l'annonce du confinement, bien au contraire. 

Alors j'ai envie de vous proposer aussi d'écrire. Parce qu'être confiné incite peut-être, encore plus que d'habitude, de porter un regard sur ce qui nous entoure. Nous n'avons pas tous la nature à portée de main, là où nous sommes obligés de résider ? Mais la nature, dans son sens le plus large, notre "environnement", c'est partout. Alors que vous ayez envie de capter la noirceur d'un morceau de trottoir, la voix d'un passant sous votre fenêtre, une sirène de pompiers, ou le chant des oiseaux miraculeusement retrouvé une fois le tumulte des hommes assourdi, prenez la plume, et envoyez vos haïkus.

On peut oublier les règles strictes (5-7-5 syllabes), d'autant que ces règles, héritées de la version originale japonaise, sont de toute façon impossibles à transposer parfaitement dans notre langue. Tenons-nous en à trois vers, et faisons vibrer ce qui résonne en nous. Tout ce à quoi le confinement vous fait penser, tout ce qu'il vous a permis de voir autour de vous. Tout ce qu'il vous fait aussi regretter. Conservons surtout la définition essentielle de ce type de poème : saisir un instant, capter de l'éphémère. 

J'ajoute une contrainte : je voudrais qu'à nous tous, nous fassions le tour de notre alphabet. Un clin d'oeil à notre langue française, un pont entre notre francophonie et la langue japonaise. 

Encore une fois, j'ouvre la danse, et je vous propose de continuer ici : 

Un haïkécédaire du confinement. 

Il vous reste une question, oui, je sais. 

Pourquoi un haïku sur un panda pour présenter cet article ? 

Parce que, moi, je suis confinée avec ça : 

Pandas en folie

Alors, oui, P comme Panda : j'aurais pu l'écrire, ce poème. 

 

14 juillet 2016

Alex Cousseau, Philippe-Henri Turin : Je veux être une maman tout de suite !

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C'est le titre qui m'a attirée. Je ne pense pas trop m'avancer en disant qu'il trouvera un écho aussi bien (voire plus!) chez les femmes bien adultes que chez les petites filles... 

A l'intérieur, on découvre de très beaux dessins, dans la veine naturaliste qu'on retrouve assez souvent à L'école des loisirs, et qui prend toute son ampleur dans certaines pages comme celle-ci :  

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Mais on découvre également une histoire à la fois drôle et plutôt bien vue, qui parle de l'impatience de l'enfance (mais, encore une fois, dans laquelle nombre d'adultes peuvent se retrouver...), de ces idées fixes qui nous prennent parfois et brouillent notre sens de la réalité, mais aussi de la notion de famille et des représentations qu'on met derrière cette notion. Ne cherchez pas une intrigue complexe : il ne s'agit que de Julote, une petite poussine qui, aussitôt née, veut "être une maman tout de suite". Elle part à la recherche d'un oeuf, qu'elle trouve, mais qui verra éclore un autruchon... Mais l'histoire comme la fin sont très rigolotes. 

Pour des idées d'exploitation de l'album avec des enfants, j'ai trouvé le site d'un groupe d'animation au Québec, Le monde de Rico, avec plein d'idées sympas comme les Québecois savent si bien le faire. 

Soyons francs, de mon côté, je garderai surtout le titre et le thème associé, et puis, quand même, quelques belles pages, que j'ai envie de partager encore avec vous : 

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Allez, avouez que vous aussi, ils vous font craquer, cette petite poussine avec son gros autruchon ! 

Auteur : Alex Cousseau
Illustrateur : Philippe-Henri Turin
Editions L'école des loisirs
2002

23 mai 2016

Rémi Chaurand, Charles Dutertre : Papa qui lit

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J'ai découvert cet album dans l'émission Les maternelles (l'air de rien, grande fournisseuse d'idées lecture ou de découvertes de toutes sortes de personnages et d'initiatives en tout genre). Nathalie Le Breton avait été très enthousiaste par cette figure du papa qui prend en charge la lecture du soir avec ses enfants. L'histoire m'avait semblée brouillonne, mais rigolote. J'ai voulu constater par moi-même.

Les illustrations, tout d'abord. J'ai tout de suite su que j'avais déjà vu les illustrations de Charles Dutertre quelque part, et je viens de vérifier : c'est bien cela, il a travaillé pour Astrapi. J'avais toujours aimé ces petits personnages qui s'amusaient souvent avec le décor.

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Il y en a de partout sur les pages (il faut dire qu'il y a quand même quatre soeurs dans cette histoire, plus le père, plus le chien, plus parfois la mère... ça en fait, du monde). Et pas seulement des personnages : il y a aussi plein de livres à l'intérieur du livre. Avec un petit coup d'autopromotion pour les éditions Didier Jeunesse, sous forme de clin d'oeil illustré (tiens, La culotte du loup, une autre histoire du duo Servant-Le Saux, voir ici).

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Tous ces personnages, tous ces livres, c'est bien ça le problème dans cette histoire. Il est l'heure de se coucher, et, avant cela, de lire le livre du soir. Mais avec quatre filles à contenter et à canaliser (heureusement, le chien, lui, ne pipe mot), ça tourne à la débandade. Impossible de mettre tout le monde d'accord sur le livre. L'une raconte la fin dès que son père ouvre la bouche, l'autre veut plus de coussins, une troisième veut réciter sa poésie... Et le père a une nouvelle lubie : il faut absolument lire un poème de Victor Hugo avant de se coucher.

C'est bien ce que j'avais senti dans la rapide présentation des Maternelles : l'histoire part vraiment dans tous les sens. En même temps, c'est normal, avec toute cette agitation. En fait, bien que ce soit l'une des soeurs qui raconte l'histoire, on se met bien plus à la place du pauvre papa qui ne sait plus où donner de la tête. On a l'impression que ce livre est moins fait pour les enfants que pour les adultes : parents débordés, voire instituteurs ou animateurs dépassés. Mais l'ensemble est parfaitement réaliste, et tout le monde en prend pour son grade, les enfants comme les adultes. Il y a un passage très drôle où le père doit interrompre la lecture parce que son téléphone a sonné, et où il demande pardon à ses enfants en leur faisant "des petits yeux de chat trop mignon". Touché !

La fin est savoureuse. (Il faut bien tourner les pages jusqu'au bout !) En revanche, je n'ai pas vu autant de féminisme que les animatrices des Maternelles (pour comprendre, lisez la fin). Plutôt une modernité très forte, dans la représentation de la parentalité d'aujourd'hui, qui envoie promener le mythe de la perfection. Ce papa débordé, qui veut cultiver ses enfants mais ne sait pas que le poème "Mirlababi surlababo" vient des Misérables, qui veut défendre son autorité mais oublie d'éteindre son téléphone, il ressemble à beaucoup de parents et il en est attachant. C'est bien lui, le personnage principal, et d'ailleurs, le titre nous l'indiquait déjà.

J'ai beaucoup aimé cet album sur la lecture, sur la famille, sur la façon d'être adulte, la façon d'être enfant... Bref, sur la vie, quoi !

 Ce billet poursuit mon partenariat avec les éditions Didier Jeunesse.

6 septembre 2016

TTT #3 : Les 10 romans qui se déroulent dans un lieu scolaire lus ou à lire

TTT 3 Ecole

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire qui consiste à présenter chaque mardi 10 titres répondant à un thème littéraire précis. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français sur le blog Frogzine. (Et découvert par la petite Mu chez Forty-five weeks). 

Le thème de la semaine est évidemment d'actualité, et il prend la suite des derniers articles de la petite Mu. On ne vous apprendra rien (surtout que la plupart de ceux qui viennent faire un tour ici sont de l'Educ'Nat'...) : c'est la rentrée.  

 

En littérature jeunesse, j'aurais pu citer des dizaines et des dizaines de titres, forcément. Quand les romans jeunesse prennent pour personnages des enfants ou des adolescents, il se trouve que le quotidien de ceux-ci est souvent rythmé par l'école, le collège, le lycée, qui servent donc logiquement de cadre au récit. On peut penser aux enquêtes de Jean-Philippe Arrou-Vignod, aux Disparus de Saint-Agil, aux aventures de Laure et ses amis dans les romans de Catherine Missonnier que j'adorais quand j'étais petite (Superman contre CE2, Extraterrestre appelle CM1...)... Parmi les titres plumés sur ce blog, il y aurait aussi A copier cent fois d'Antoine Dole ou Frangine de Marion Brunet, parce que le harcèlement dont leurs héros sont victimes a lieu majoritairement sur leur lieu scolaire ; Avalon High de Meg Cabot, dont le titre reprend le nom de ce lycée mystérieux où le présent croise le passé du Moyen Âge ; ou même Eleanor&Park de Rainbow Rowell dont la plupart des scènes se passent au lycée. 

Mais il fallait bien choisir, et j'ai sélectionné des romans dont l'école est non seulement le cadre mais aussi la thématique, et qui ont une importance particulière dans mon parcours de lectrice : 

La sixième, de Susie Morgenstern : parce qu'à mon époque c'était un livre déjà culte mais pas encore vieilli comme il peut l'être actuellement, et que c'était l'une de mes premières acquisitions chez L'école des loisirs ; 

L'année Rase-Bitume, de Philippe Barbeau : parce que ce roman beaucoup moins connu, lu également quand j'étais jeune, m'avait beaucoup plu, et que, pour une fois dans un roman jeunesse, l'héroïne n'était pas une élève mais la professeure, fraichement arrivée en classe Segpa ; 

Harry Potter à l'école des sorciers, de J.K. Rowling : parce que Poudlard, c'est quand même une école, et que, même si je n'en ai quasiment jamais parlé sur ce blog, je suis une inconditionnelle de Harry Potter, une de celles qui ont lu les premiers livres à leur sortie ou presque (à la parution du 3e volume pour ma part), et qui ont ensuite grandi avec le personnage, s'obligeant à lire les deux derniers tomes en anglais (un exploit pour moi) parce qu'il était impossible d'attendre la traduction en français ; 

Vive la République !, de Marie-Aude Murail : parce que j'ai ce roman que j'ai découvert à l'âge adulte et dans lequel l'héroïne est aussi une institutrice m'a beaucoup plu, malgré quelques concessions à certains stéréotypes et un enthousiasme peut-être un peu exagéré. 

 

En littérature adulte, les candidats à la sélection sont plus rares. J'ai dû réfléchir un peu plus, mais ce fut l'occasion de me remémorer de vieilles lectures quasi oubliées et de découvrir des idées pour ma liste à lire : 

L'orange de Noël, de Michel Peyramaure : parce que c'est un souvenir de mon premier swap Néoprofs, et que je n'aurais d'ailleurs jamais lu ce roman de terroir sans la contrainte "Noël" + "couleur orange" ; 

Délicieuses pourritures, de Joyce Carol Oates : parce que ce campus novel (qui est un genre littéraire à part entière, popularisé entre autres par David Lodge) m'a réconciliée avec Oates que je goûtais peu jusque là ; 

Chagrin d'école, de Daniel Pennac : parce que ce fut une bonne surprise et la source d'intéressantes réflexions pédagogiques ;

Sortie de classes, de Laurent Torres (à lire) : parce que ce livre (qui m'a déjà servi pour le TTT#2 sur la rentrée littéraire 2016) qui s'intéresse de près à la vie d'un enseignant représente ce que j'appelle "mes lectures sadomasochistes" (je sais que ça va parler de choses qui ne vont pas m'égayer, mais je succombe quand même à la tentation de lire à propos de cet univers que je connais si bien) ; 

Entre les murs, de François Bégaudeau (à lire) : parce qu'après avoir vu le film, qui m'avait mise assez mal à l'aise car j'étais incapable de savoir quel "message" sur l'enseignement il cherchait à nous délivrer, j'ai tellement aimé La devise, du même auteur, que j'ai envie de découvrir le livre à l'origine du film, pour voir exactement ce qui relève de la plume propre de Bégaudeau, sans apport du réalisateur ; 

Honte et dignité, de Dag Solstad (à lire) : parce que je viens de le découvrir en faisant des recherches et que la critique de Libération, qui parle de quarante-cinq premières pages "extraordinaires", m'a donné envie. 

Et vous, aimez-vous retrouver avec nostalgie vos années d'écoliers au coeur de vos lectures ou êtes-vous allergiques à tout ce qui touche à l'école dans les livres ?

 

26 août 2016

Fiona Woodcock : Heidi joue à cache-cache

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Dans sa présentation de l'ouvrage, l'éditeur parlait d'un album "sur l'amitié et l'acceptation des différences". Ce qui m'intriguait car le résumé insistait surtout sur le don de la petite Heidi pour gagner à cache-cache. Comment l'auteure et dessinatrice allait-elle associer tout ça ? 

En fait, l'idée est simple et maline. C'est l'histoire, donc, de Heidi, qui adore se cacher. Forcément, quand ses amis n'arrivent pas à se décider pour un jeu, elle s'empresse de proposer cache-cache, parce qu'elle est sûre de gagner. Jusqu'à ce fameux jour de son anniversaire, où à force de se cacher trop bien, plus personne n'a envie de la chercher : "Charlie, Katie et Rosie ne purent trouver Heidi. En revanche, ils trouvèrent de délicieuses coupes glacées." Après réflexion, Heidi décide non seulement d'essayer les jeux de ses amis, mais, surtout, de les encourager, chacun, à proposer leur jeu préféré. Ainsi, ils pourront tous, tour à tour, être le meilleur. Et, finalement, c'est nettement plus rigolo de perdre, mais avec ses amis, que de gagner, mais toute seule. 

Moi qui aime tant le jeu, et qui crois fermement à son grand pouvoir éducatif (clin d'oeil au blogueur de Méliméludes ;-) ), cette réflexion sur la manière qu'a un groupe de jouer, et, d'abord, de choisir son jeu, m'a beaucoup plu. "Que le meilleur gagne !" : belle devise, mais encore faut-il que tout le monde en ait la possibilité, et que le potentiel de chacun puisse être mis en avant. 

Enfin, les illustrations ajoutent à la thématique de l'histoire, puisque le petit lecteur peut lui aussi s'amuser à chercher Heidi, toujours bien camouflée dans de très belles illustrations (crayon ? encre ? Un jour, il faudra vraiment que je prenne un cours d'arts plastiques...). Si j'en crois cet article, l'image est venue en premier, le texte en second : Fiona Woodcock aurait en effet d'abord créé la petite fille pour des cartes de voeux, ainsi que ce tableau, où l'idée de camouflage primait finalement sur celle d'une petite fille jouant à cache-cache avec des amis. 

Fiona 2

Un bien joli album sur tous les plans, donc, à découvrir très vite et à mettre entre les petites et les grandes mains. C'est le premier de Fiona Woodcock, mais attendez-vous à la retrouver bientôt ! 

Auteure et illustratrice : Fiona Woodcock
Editions Hatier jeunesse
A paraître le 27 septembre 2016

Etiquette Hatier jeunesseCe billet inaugure mon partenariat avec les éditions Hatier Jeunesse.

7 août 2017

L'exil et les migrations

 

 

 

Cette belle chanson de Christophe Maé nous rappelle que le sujet des migrations reste encore et toujours d'actualité. C'est ce que j'ai tristement pensé en juin dernier lorsque, feuilletant les manuels scolaires à la recherche d'un dossier de presse pour la nouvelle séquence de 4e, "Informer, s'informer, déformer ?", j'en ai trouvé un sur les migrants. Je savais qu'il me servirait plusieurs années durant, parce que cette problématique n'était pas prête de disparaître. 

J'avais déjà fait quelques lectures à ce sujet. Je profite de l'été pour donner un panorama plus large de cette question : dans la littérature, notamment la littérature jeunesse, dans les programmes scolaires, dans le cinéma. 

Les nouveaux programmes de collège m'ont donc donné l'occasion de mettre en oeuvre une nouvelle séquence en 4e : "Quand la ville devient un lieu d'exil". Cette année, j'ai ainsi mêlé deux "enjeux littéraires et de formation personnelle" (c'est comme ça qu'on appelle désormais les différents points du programme de littérature) : "Informer, s'informer, déformer ?" (autour de la presse) et "La ville, lieu de tous les possibles ?". L'an prochain, je ferai de même, mais dans deux séquences dissociées : l'exil en littérature, puis l'exil dans les médias. 

A cette occasion, j'ai élaboré une nouvelle liste de lecture cursive autour de l'exil et des migrations (enrichie par rapport à celle que j'avais donnée cette année) : 

La traversée, de Jean-Christophe Tixier (9€50)
Refuges, d’Annelise Heurtier (12€)
Enfants de l’exil, d’Ahmed Kalouaz (9€95)
Un cargo pour Berlin, de Fred Paronuzzi (8€20)
La danse interdite, de Rachel Hausfater (8€50)
Tu peux pas rester là, de Jean-Paul Nozière (8€70)
Toute seule loin de Samarcande, de Béatrice Deru-Renard (8€50)
La petite fille de Monsieur Linh , de Philippe Claudel (5€60)
Le temps des miracles, d’Anne-Laure Bondoux (13€90)
Clandestine, le journal d’une enfant sans papiers- Loriane K (6€90)

[J'avais aussi fait figurer Que deviennent les enfants quand la nuit tombe ?, de Jean-Paul Nozière, dont je vous parlais en août 2013, mais je pense le retirer de la liste, d'une part parce que l'exil ne concerne qu'un récit sur les deux qui s'entremêlent dans le roman, d'autre part parce que les élèves ont eu un peu de mal à en faire la restitution que je leur demandais, à savoir l'interview du personnage principal. Beaucoup ont interviewé Ylisse ou Adélie, mais faire parler un mort est un exercice difficile et pas toujours convaincant...]

[bis : J'ai précisé les prix car je sais bien que c'est l'une de nos préoccupations quand on donne des livres à lire aux élèves... Ils sont chers, certes, mais je rappelle que, dans mon fonctionnement, je n'oblige jamais les élèves à acheter. Bien sûr, pour fonctionner ainsi, il faut avoir une ou plusieurs médiathèques bien achalandées à proximité, et donner beaucoup de temps aux élèves pour qu'ils s'organisent en premier lieu dans l'acquisition du livre.]

J'avais donc déjà lu les deux premiers de la liste, ainsi que La danse interdite, il y a longtemps, que j'avais beaucoup aimé (on trouve peu d'articles sur ce roman, étrange : quelques lignes dans Le Matricule des Anges)

Dernièrement, trois nouvelles lectures : 

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Je ne suis pas sûre d'intégrer le premier dans la liste. Les articles sur le roman de Maryline Desbiolles insistent tous sur sa brièveté, son "écriture épurée", et c'est justement ce qui m'a gênée. On n'a pas vraiment le temps de s'imprégner de l'histoire des personnages. Je trouve que ce livre ne répond pas assez à mon objectif pédagogique, j'aurais peur que les élèves ne sachent pas s'y prendre pour en rendre compte. Le début est complexe, j'ai mis du temps à saisir la situation - et une fois comprise, c'est presque déjà la fin du récit. Une déception face à ce roman dont on dit pourtant du bien ici, ici ou encore

Belle surprise, en revanche, pour le roman de Fred Paronuzzi, et découverte réussie de Laurent Gaudé que j'avais évité jusque là, plutôt méfiante, pas convaincue par certains extraits trouvés dans les manuels scolaires. Je vous en dis plus dans de futurs articles. 

J'ai trouvé une autre liste de lecture sur InterCDI, avec des titres que je ne connaissais pas, et que j'essaierai donc de découvrir prochainement : Inter CDI

 

 

Voici pour les lectures. Qu'en est-il de mes activités pédagogiques menées en 4e ? En voici un rapide aperçu (plus de détails à la demande) :

Corpus littéraire, autour du thème "Quand la ville accueille l'exil" (problématique travaillée : Comment la littérature et le cinéma utilisent-ils le décor d'une ville pour nous faire vivre le sentiment d'exil ?) : deux extraits non directement liés à l'exil, mais plutôt à la découverte d'une ville et de sa modernité (l'arrivée à Paris de Denise dans Au bonheur des dames, de Zola, et la découverte du métro par Zazie dans le roman de Queneau) ; l'extrait du Soleil des Scorta de Laurent Gaudé, donné au brevet 2013, dans lequel des migrants italiens attendent et imaginent leur arrivée à Ellis Island ; enfin, la première partie du poème "A New York", de Léopold Sédar Senghor, qui décrit la fascination suivie de la désillusion du poète face à la modernité de New York. 

Corpus cinématographique, pour accompagner les textes : l'arrivée de Xavier à Barcelone dans L'auberge espagnole, de Cédric Klapisch ; la séquence de Persepolis, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, dans laquelle Marjane est envoyée de force par ses parents en Autriche, pour échapper aux contraintes du régime islamique iranien ; et un extrait de Pour un instant la liberté, film d'Arash T. Riahi où il raconte l'histoire vécue par ses frères d'une migration de l'Iran vers l'Europe (extrait à choisir car tout le film est passionnant et intéressant pour le thème...). 

Activité de lecture : pour accompagner la lecture cursive (voir plus haut), la rédaction de l'interview du ou des personnage(s) principal(aux) du livre (cinq questions posées par le journaliste et cinq réponses du personnage dans lesquelles il doit raconter les principales étapes de son parcours de migrant ou d'exilé). 
(Activité plutôt bien réussie par les élèves qui ont compris l'intérêt de bien choisir les questions et de bien rédiger les réponses s'ils voulaient que leur devoir prouve qu'ils ont lu et compris le livre. Quelques uns se sont néanmoins un peu perdus, comme je le remarquais plus haut.)

Activité d'écriture : une rédaction pour évaluer la séquence, dont le sujet est très proche de ce qui est tombé au brevet 2017 (raconter l'arrivée dans une ville inconnue, en décrivant les lieux, et en insistant sur les réactions et les émotions du personnage). Au préalable, j'avais fait tirer au sort une situation que les élèves devaient respecter dans leur rédaction : une ville de départ (par exemple, Port-au-Prince), une ville d'arrivée (Montréal, dans le même exemple), la raison de l'exil de leur personnage (ici, le tremblement de terre en 2010). Ils étaient donc censés faire des recherches en amont, et apporter le résultat de ces recherches le jour de la rédaction en classe, pour que leurs descriptions et les faits sur lesquels ils devaient s'appuyer soient les plus précis possibles. 
(Rédactions un peu décevantes : peu d'élèves avaient fait l'effort de véritables recherches ; à leur décharge, je n'avais pas beaucoup pu les guider dans ces recherches. Les récits étaient souvent très naïfs, avec des exilés qui passent leur première journée à visiter - avec un guide, bien sûr - tous les monuments historiques de la ville, ou qui trouvent du travail en demandant au premier boulanger croisé. A retravailler l'année prochaine avec des séances spécialement consacrées aux recherches, et d'autres à la technique de la description, peu utilisée dans les devoirs, malgré les consignes données.)

 

Travailler sur les migrations en interdisciplinarité : deux pistes à ce sujet, autour des médias ou autour du programme de géographie (les migrations y figurent en 4e : ça tombe bien !).

- Une séquence autour de l'entrée du programme de français "Informer, s'informer, déformer ?" : Quand l'exil est au coeur des médias (problématique travaillée : Jusqu'où les médias peuvent-ils aller pour aborder un sujet de société ?)

Il suffit de constituer un dossier de presse autour de la question des migrants (on en trouve un plutôt riche et intéressant dans le manuel L'envol des lettres, chez Belin, mais à réactualiser car il date de 2016), en intégrant notamment des images "résistantes", comme diraient nos formateurs : je pense par exemple à la fameuse photo d'Aylan, cet enfant syrien retrouvé mort sur les côtes de Turquie, photo qui a suscité de nombreuses polémiques (on peut donc faire lire différentes sortes d'articles aux élèves : ceux qui se sont servis de cette photo comme illustration, et ceux qui en ont dénoncé l'utilisation). Une réflexion peut être lancée sur les limites de l'information : à partir de quand peut-on parler de "surmédiatisation" ? Cette surmédiatisation apporte-t-elle quelque chose à l'information, ou en constitue-t-elle un obstacle ? On peut aussi faire réfléchir les élèves à ces nombreuses vidéos faites par des non-journalistes, qui remplacent parfois les informations "professionnelles" (comme toutes les vidéos amateurs qui ont circulé après les différents attentats, et qui ont parfois servi de point de départ aux théories du complot sur la Toile : "Mais non, le policier, il ne peut pas être mort, on ne voit pas de sang sur la vidéo..."). 
Autre piste intéressante autour d'une image : une photographie de migrants prenant le train utilisée par le Journal de la ville de Béziers. Cette photographie a été détournée par le journal (ajout de pancartes ne figurant pas sur la photo initiale), et permet donc de travailler sur la responsabilité vis-à-vis d'une image, la désinformation, et l'influence qu'un média peut avoir sur ses lecteurs. 

Ce travail peut aisément se mener en cours de français (l'analyse de la presse, textes et images, faisant désormais partie de nos programmes), mais il est évidemment intéressant d'y associer le professeur-documentaliste (pour la constitution du dossier de presse par exemple, ou le travail sur le croisement des sources afin d'analyser une information). Pourquoi pas aussi le professeur de géographie, ou encore des professeurs de langues vivantes, qui peuvent trouver des articles faciles à lire, ou tout simplement des Unes de magazines, sur le même thème, pour insister sur l'aspect 'sujet de société". 

- Deuxième idée : associer le professeur de géographie dans la rédaction décrite plus haut. Les séances qu'il aura faites avec les élèves sur les migrations (dans son programme, donc) pourront servir de point de départ aux recherches, et la présence d'un deuxième professeur pour encadrer ces recherches a un intérêt incontestable. C'est ce qui aurait sans doute enrichi les devoirs de mes élèves. Si l'idée d'un récit (littéraire, puisque dans mon idée de rédaction, il s'agit quand même de travailler le style et le vocabulaire) n'intéresse pas plus que ça le professeur, on peut aussi faire écrire aux élèves l'interview d'un personnage fictif d'exilé. Une autre manière encore de travailler sur la presse (avec un travail en aval de mise en page). 

 

Voici pour le panorama que j'avais envie de dresser autour de ce thème. En espérant que mes idées de lecture et d'activités pédagogiques profitent au plus grand nombre ! 

Retrouvez la petite Mu sur son nouveau blog ! Cliquez ici

13 février 2013

Le passeur

               

 (Je plume sur une vieillerie, afin de compléter les liens des mes listes de lectures cursives  . Dorénavant ces lectures datées seront signalées par un [Vieillerie] au début du message.)

Ce livre a toujours été une référence pour moi. Le principe en est très simple : l'auteur a créé un univers (qui se situerait à une époque indéterminée, mais après la nôtre) dans lequel sensations et émotions ne font quasiment plus partie de la vie des hommes. Un enfant se fait mal ? On lui donne un comprimé rudement efficace : à peine a-t-il eu le temps de connaître un semblant de douleur qu'elle a déjà disparu. Même le désir sexuel est contrôlé par une autre pilule, non pas contraceptive (le problème ne se pose de toute façon pas : seules certaines femmes de la société peuvent enfanter, les "mères porteuses", considérées comme inférieures par le reste des habitants), mais tueuse de fantasmes. On doit confesser ses rêves en famille au petit déjeuner. On ne doit pas mentir. Enfin (même si la liste est loin d'être finie), on ne peut pas connaître le plaisir d'hésiter entre une pomme rouge et une pomme verte, car les couleurs n'existent plus. Plus exactement, on n'arrive plus à les percevoir.
Dans ce monde, un personnage détient des connaissances que nul autre ne possède : c'est le Passeur. Lors de la cérémonie de ses douze ans, âge auquel le Conseil attribue définitivement une fonction sociale à tout adolescent, Jonas apprend qu'il a été choisi pour être le nouveau Passeur. Rien ne sera plus comme avant pour lui ; ou plutôt, peu à peu, tout redeviendra comme avant - avant que le monde dans lequel il vit n'ait été affadi et rigidifié. 

La qualité de ce genre de roman tient évidemment beaucoup à la cohérence de l'univers créé. Sur ce point, rien à redire : les détails sont magistralement coordonnés. Tout y est réaliste à en faire parfois froid dans le dos. On ressent, avec Jonas, cette impression d'enfermement - dont il ne peut prendre conscience qu'après avoir découvert qu'il a existé autre chose, et qu'il existe peut-être encore autre chose, ailleurs. 

Ecrit dans un style sans difficulté, ce livre est pour moi une très grande oeuvre à partager avec nos élèves, idéale pour enrichir une réflexion sur l'utopie ou la contre-utopie, la frontière entre les deux étant parfois très mince. On peut y lire aussi une réflexion sur le totalitarisme, même si finalement rien n'est centré sur le pouvoir, dont on ne sait pas vraiment, d'ailleurs, qui le détient - hormis les membres du Conseil. C'est enfin une très belle histoire sur le plaisir, le bonheur ; sur la vie, tout simplement. 

A lire et à faire lire ! 

25 février 2013

Poil de Carotte

[Relecture]

C'est Vipère au poing qui m'a donné envie de relire (pour la troisième fois me semble-t-il) cet autre classique du XXe siècle français. J'y ai retrouvé le même plaisir qu'auparavant, avec certains passages qui s'écrivaient presque tout seuls dans ma tête, comme cela m'arrive parfois lorsque je me replonge dans des pages maintes fois parcourues. 

De Jules Renard, j'aime le style elliptique, fragmentaire, ou peu importe comme on le nomme, cette forme d'écriture brève qu'on retrouve également dans son Journal, que j'ai feuilleté, il y a quelques années, et dans lequel j'avais glané de nombreuses citations (l'une de mes préférées étant : "N'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d'intervenir". Regardez dans vos papillottes, à Noël prochain, vous l'y retrouverez peut-être !).

Ce style, il l'applique, dans Poil de Carotte, à l'histoire de ce jeune souffre-douleur - contrairement à Brasse-Bouillon dans le roman d'Hervé Bazin, Poil de Carotte est incompris de tous, et n'a pas l'instinct de révolte du héros de Vipère au poing - qui n'est autre que lui-même. Et c'est avec une ironie mordante, mais teintée d'une énorme tendresse, qui transpire dans toutes les pages, que Jules Renard tend au lecteur le portrait et les mésaventures de cet enfant naïf, sensible, mais parfois cruel à force de sensibilité : c'est ainsi qu'il fera renvoyer un surveillant de dortoir en mouchardant au directeur des embrassades prétendûment déplacées entre ce surveillant et un élève, tout simplement par jalousie de n'avoir pas été, lui, embrassé. Ce n'est qu'à la fin du roman que Poil de Carotte arrive à la même conclusion que Brasse-Bouillon avait en tête dès le début de l'histoire. Il l'énonce ainsi, avec toute cette simplicité qui le caractérise : "Mon cher papa, j'ai longtemps hésité mais il faut en finir. Je l'avoue : je n'aime plus maman." Et je me suis rendue compte que j'avais mis de côté dans ma mémoire cette évolution du personnage vers la maturité, et cette fin en demi-teinte. 

Ce que j'en avais gardé, en revanche, c'est l'humour. Certains chapitres sont tout simplement irrésistibles. J'ai gardé depuis toujours une préférence pour la correspondance entre Poil de Carotte et son père. Les deux dernières lettres du chapitre sont fort connues, mais je ne résiste pas - irrésistibles, je vous disais - au plaisir de les partager ici : 

« De M. Lepic à Poil de Carotte.
Mon cher Poil de Carotte,
Ta lettre de ce matin m’étonne fort. Je la relis vainement. Ce n’est plus ton style ordinaire et tu y parles de choses bizarres qui ne me semblent ni de ta compétence ni de la mienne.
D’habitude, tu nous racontes tes petites affaires, tu nous écris les places que tu obtiens, les qualités et les défauts que tu trouves à chaque professeur, les noms de tes nouveaux camarades, l’état de ton linge, si tu dors et si tu manges bien.
Voilà ce qui m’intéresse. Aujourd’hui, je ne comprends plus. À propos de quoi, s’il te plaît, cette sortie sur le printemps quand nous sommes en hiver ? Que veux-tu dire ? As-tu besoin d’un cache-nez ? Ta lettre n’est pas datée et on ne sait si tu l’adresses à moi ou au chien. La forme même de ton écriture me paraît modifiée, et la disposition des lignes, la quantité de majuscules me déconcertent. Bref, tu as l’air de te moquer de quelqu’un. Je suppose que c’est de toi, et je tiens à t’en faire non un crime, mais l’observation.

Réponse de Poil de Carotte.
Mon cher papa,
Un mot à la hâte pour t’expliquer ma dernière lettre. Tu ne t’es pas aperçu qu’elle était « en vers. »

Sans oublier ce conseil hautement avisé du père, en réponse à son fils qui lui demande de lui rapporter des livres lors de son voyage à Paris :  « Mon cher Poil de Carotte, Les écrivains dont tu me parles étaient des hommes comme toi et moi. Ce qu’ils ont fait, tu peux le faire. Écris des livres, tu les liras ensuite. »

Il fut bien inspiré ! 

 


 

18 avril 2013

La fille qui dort

Encore un livre de Florence Hinckel qui ne ressemble pas aux autres ! Et qui a déçu mes attentes, créées par une histoire que je trouvais originale et qui me parlait plutôt pas mal (celle d'une lycéenne atteinte de narcolepsie, qui tente d'oublier, voire de dépasser cette maladie en s'inscrivant à l'atelier théâtre de son lycée). Je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus consistant : l'histoire de Théa pour l'éternité était tout de même suffisamment développée pour capter l'attention du lecteur, jusque dans les dernières pages ; quant à Zéro commentaire, je n'avais pas été convaincue par l'intrigue et les choix narratifs mais le roman avait au moins le mérite de s'attarder sur l'intériorité d'un personnage un peu plus fouillé que cette "fille qui dort". 

J'ai eu l'impression de lire une romance adolescente comme il en existe tant, avec toute la panoplie : la mère relou, le frère pénible, le bel inaccessible, la prof trop-compréhensive-de-la-mort-qui-tue... La narcolepsie n'étant qu'un prétexte pour faire de l'héroïne une éternelle incomprise. Du divertissement pour ados, sans plus. Vite lu, vite oublié !

1 juin 2013

Couleur de peau : miel (tome 1)

Challenge Petit Bac 2013 : 1ère grille! : une couleur (mais ça aurait aussi pu être un aliment si je n'avais pas déjà rempli cette case) en catégorie BD


Alors, alors, continuons avec mes découvertes BD, et d'ailleurs, avec mes découvertes BD autobiographiques. Jung est un auteur coréen, né à Séoul, adopté par une famille belge, qui raconte son enfance : la vie à l'orphelinat américain de Séoul, puis son arrivée en Belgique, dans sa nouvelle famille. Ce premier tome (il y en a un deuxième, que je n'ai pas encore lu) est sorti en 2007, et une adaptation au cinéma en a été faite en 2012. Le film a d'ailleurs un très beau site. 

Couleur de peau : miel est en même temps un joli récit d'enfance, reprenant les motifs traditionnels (la relation aux autres, les premiers émois, les bêtises...), et un texte riche et fort sur l'adoption, loin des clichés, loin du tout rose (mais du tout noir aussi). La question de l'identité est donc doublement posée, sous l'angle de l'adolescence mais aussi du déracinement. C'est bien sûr l'adulte qui tient le crayon, ainsi que les discours, mais on se doute que, déjà enfant, le personnage possède une grande maturité, qui lui permet de résister à bien des tempêtes. L'adoption n'est pas un long fleuve tranquille ; mais avoir une nouvelle famille, cela s'apprend, d'un côté comme de l'autre. 

 

Les dessins sont en noir et blanc : manière de conférer un aspect universel, intemporel à cette histoire pourtant inscrite dans une Histoire (ce problème des orphelins disséminés dans le monde à la fin de la guerre de Corée), mais aussi une douceur qui accompagne le lecteur même dans les moments durs. J'aime également beaucoup la couverture, avec ce jaune très lumineux, extrêmement bien mis en valeur à la fois par les choix graphiques mais aussi, bien sûr, par le titre. "Miel", c'est la couleur par laquelle  la peau du petit Jung est décrite, dans son dossier de l'orphelinat. 

(désolée, je n'ai pas plus grand...)

J'ai bien envie d'ouvrir le tome 2, et aussi de voir le film qui aurait choisi, d'après ce que j'ai lu, d'alterner entre scènes animées et scènes filmées de manière classique. En voici la bande annonce, qui montre déjà un beau travail sur l'image et, surtout, sur la couleur : 

 

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Le royaume de Kensuké

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